Le rôle-clé des femmes iraniennes dans l'affrontement avec le régime

Le courage des femmes iraniennes à la tête des manifestations a été salué dans le monde entier. (AFP)
Le courage des femmes iraniennes à la tête des manifestations a été salué dans le monde entier. (AFP)
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Publié le Samedi 05 novembre 2022

Le rôle-clé des femmes iraniennes dans l'affrontement avec le régime

Le rôle-clé des femmes iraniennes dans l'affrontement avec le régime
  • Le cas d'Amini résonne chez de nombreuses femmes en Iran car elles sont régulièrement harcelées par la police des mœurs
  • Les voyous et les forces du régime ont eu recours à la force brute et à des tactiques violentes, notamment en attaquant les femmes avec des couteaux, des briques et des pierres

Si le récent soulèvement de l'Iran et les manifestations continues conduisent à une révolution, celle-ci sera remarquable par le fait qu'elle aura été déclenchée par une femme et dirigée par des femmes. Comme le dit Fereshteh, une étudiante iranienne de Téhéran: «Alors que certaines personnes pourraient qualifier ce qui se passe en Iran de manifestations contre le gouvernement, nous l'appelons une révolution.» 

Les manifestations nationales ont été précipitées par la mort, en septembre, de Mahsa Amini, 22 ans, aux mains de la soi-disant police des mœurs. La mort d’Amini a entraîné une mobilisation quasi nationale contre le régime iranien. Le monde a été témoin de scènes de femmes enlevant leur hijab et se coupant les cheveux en public, ainsi que de foules scandant «femmes, vie, liberté», «mort au dictateur» et «mort à (Ali) Khamenei». Les réseaux sociaux ont contribué à faire circuler les images de la défiance des femmes iraniennes envers les forces du régime. 

Le cas d'Amini résonne chez de nombreuses femmes en Iran car elles sont régulièrement harcelées par la police des mœurs du régime en raison du code vestimentaire imposé par le gouvernement. Comme l'a souligné Amnesty International, «les lois discriminatoires sur le port obligatoire du voile ont entraîné un harcèlement quotidien, des détentions arbitraires, des actes de torture et d'autres mauvais traitements. L’accès à l'éducation, à l'emploi et aux espaces publics a, lui, été banni.» 

Vida Movahed est l’une des femmes qui ont déjà résisté au régime en public. Elle a grimpé sur une caisse dans l'une des rues les plus fréquentées de Téhéran en décembre 2017, enlevé son foulard et l’a brandi sur un bâton. La vidéo et les photos de l'incident sont devenues virales. 

D'autres femmes ont rejoint Movahed et des dizaines d'entre elles ont été arrêtées, mais un nouveau mouvement appelé Les filles de la révolution a vu le jour. Parmi les autres mouvements de défense des droits des femmes iraniennes bien connus, Un million de signatures, qui visait à obtenir un soutien pour l'abrogation de lois discriminatoires, et Ma liberté furtive, une campagne en ligne où des femmes de tout l'Iran s'opposaient à la République islamique en postant des photos d'elles sans foulard. 

L'un des principaux modes de résistance au régime a consisté à franchir les limites du code vestimentaire de la théocratie. Au début, lorsque certaines femmes ont montré des mèches de leurs cheveux en signe de résistance, le régime les a emprisonnées et violemment réprimées. Mais lorsque des millions de femmes et de jeunes filles à travers le pays résistent simultanément, le régime se trouve dans l'impossibilité de les arrêter et de les emprisonner toutes. C'est la puissance du grand nombre que le régime craint. 

«Lorsque des millions de femmes et de jeunes filles résistent simultanément dans tout le pays, le régime se trouve dans l'impossibilité de les arrêter et de les emprisonner toutes.» 

Dr Majid Rafizadeh

Il convient de noter que les femmes iraniennes protestent depuis près de quatre-vingt-dix ans contre leur assujettissement, leur déshumanisation et leur suppression. Depuis 1979, elles ont joué un rôle crucial dans le changement de la dynamique sociale, politique et religieuse de la République islamique. En effet, depuis l'arrivée au pouvoir des mollahs il y a plus de quarante ans, l'une des plus grandes menaces à la survie de leur establishment théocratique a été la résistance des femmes. 

Les femmes iraniennes étaient également à l'avant-garde de la révolution de 1979. Elles se battaient pour l'égalité des sexes, la justice sociale, l'État de droit et un système de gouvernance représentatif et démocratique. Conscients de l'importance des femmes pour la révolution, les religieux au pouvoir ont fait de fausses promesses en s'engageant à améliorer leurs droits. Après l'éviction du Shah, des dizaines de milliers de femmes dans tout le pays sont descendues dans la rue pour faire la fête. Mais les réjouissances se sont transformées en protestations – y compris des manifestations devant le bureau du nouveau Premier ministre à Téhéran – lorsque les femmes ont réalisé que les religieux au pouvoir avaient détourné la révolution et s'étaient retournés contre elles. 

Après avoir pris le pouvoir, les religieux ont considérablement restreint les droits des femmes. Mais celles-ci ne se sont pas rendues, elles ont poursuivi leur mouvement pour relancer la révolution. En réponse, les voyous et les forces du régime ont eu recours à la force brute et à des tactiques violentes, notamment en attaquant les femmes avec des couteaux, des briques et des pierres. 

Bien que le régime ait tenté de forcer les femmes à accepter un rôle traditionnel dans le nouvel ordre social de la théocratie, elles ont continué à lui résister afin de combler le fossé entre les sexes tout au long des quarante dernières années. L'éducation a été un outil important que les femmes ont utilisé comme mode de résistance. Malgré les obstacles juridiques et politiques auxquels elles sont confrontées, et malgré le fait que les dirigeants iraniens ont interdit aux femmes l’accès à certains domaines d'études, un nombre croissant de femmes a fréquenté les universités. Elles constituent désormais plus de la moitié des étudiants universitaires en Iran. 

En un mot, ce qui rend ce dernier soulèvement en Iran si révolutionnaire, c'est le rôle exceptionnel joué par les femmes. 

Le Dr Majid Rafizadeh est un politologue irano-américain formé à Harvard.  
Twitter: @Dr_Rafizadeh 

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français. 

Cet texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com