L’avenir est au vert, soyons prêts à l’accueillir

Investir dans les technologies vertes pourrait non seulement être rentable, mais aussi permettre d’économiser d’énormes sommes d’argent à travers le monde (Photo, AFP).
Investir dans les technologies vertes pourrait non seulement être rentable, mais aussi permettre d’économiser d’énormes sommes d’argent à travers le monde (Photo, AFP).
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Publié le Vendredi 02 décembre 2022

L’avenir est au vert, soyons prêts à l’accueillir

L’avenir est au vert, soyons prêts à l’accueillir
  • La transition vers un monde plus vert pourrait conduire à une prospérité qui surpasse tout ce que l’humanité a connu jusqu'à présent
  • Il est temps d’exploiter les forces innovantes de l’industrie, de l’université et de la recherche avec le soutien des marchés financiers et l’influence des gouvernements

D’un sommet COP sur les changements climatiques à un autre, la possibilité de sauver notre planète d’une catastrophe écologique devient de plus en plus faible. Cela ne semble pas être une incitation suffisante pour que les dirigeants du monde s’entendent sur des mesures assez ambitieuses pour mettre fin à la catastrophe. Au lieu de cela, ils continuent de faire quelques grandes actions et promesses qui ne se concrétisent jamais.

Les négociateurs de la COP27 – qui a pris fin la semaine dernière à Charm el-Cheikh, en Égypte – ont finalement réussi, après quarante heures supplémentaires, à établir un fonds «pertes et dommages» réclamé depuis trois décennies et dont les pays en développement ont désespérément besoin. Ce n’est pas une mince affaire, puisque les nations fortement émettrices de CO2 reconnaissent enfin qu’elles devraient aider financièrement les États qui subissent les conséquences les plus désastreuses du changement climatique, même si leur contribution au réchauffement est négligeable.

Dans de nombreux autres domaines, les négociateurs de la COP27 sont partis sans parvenir à la percée nécessaire qui aurait redonné à tous la confiance qu’il existe une stratégie mondiale capable de s’attaquer de front au réchauffement climatique.

Ce qu’il faudrait faire maintenant va au-delà du rituel annuel qui consiste à promettre de réduire les émissions de gaz à effet de serre, ce qui n’arrive presque jamais dans la pratique, ou la mise en garde constante contre un cataclysme écologique qui approche à grands pas – aussi valable et aussi urgent soit-il. Il faudrait favoriser un avenir plus vert, plus durable sur le plan environnemental et aussi plus prospère.

La perception qui prévaut actuellement est qu’un avenir plus vert est un avenir qui compromet le développement et le progrès de la condition humaine qui ont été réalisés depuis la révolution industrielle. En réalité, c’est le contraire qui est vrai. En effet, la transition vers un monde plus vert pourrait conduire à une prospérité qui surpasse tout ce que l’humanité a connu jusqu'à présent: une prospérité qui est plus équitablement répartie et qui coexiste en harmonie avec la nature, au lieu de la détruire. Cependant, plus nous éviterons la transformation nécessaire, plus les mesures indispensables pour forcer notre transition vers une économie verte seront douloureuses. Il est aussi important de changer le discours que de traiter les aspects scientifiques et techniques nécessaires pour faire face au réchauffement climatique.

Exploiter les forces mondiales pourrait transformer les économies en mécanismes pour faire de l’humanité un monde meilleur.

Yossi Mekelberg

S’il est crucial de maintenir les avertissements sur le changement climatique – et avec cela le sentiment d’urgence pour répondre à la nécessité de le contenir et de l’inverser –, cela nous oblige également à véhiculer constamment un message à la fois plein d’espoir et réaliste. Se tourner vers un monde plus vert, ce n’est pas seulement éviter l’anéantissement total de l’humanité, mais aussi analyser de quelle manière nous pouvons tirer profit d’une meilleure qualité de vie et de la création d’emplois hautement qualifiés et bien rémunérés.

Bien qu’il n’y ait peut-être pas suffisamment de nouvelles positives sur le changement climatique, la PDG de General Motors, Mary Barra, a déclaré la semaine dernière que le portefeuille de véhicules électriques de l’entreprise générerait des bénéfices en Amérique du Nord d’ici à 2025. C’est une bonne nouvelle. Le géant de l’automobile s’est fixé pour objectif de ne vendre que des véhicules de tourisme électriques d’ici à 2035. Un tel exploit contribuerait non seulement à réduire les émissions de gaz à effet de serre, mais aussi à favoriser la création d’emplois et à donner un regain d’optimisme au sujet des bénéfices qui peuvent être réalisés.

Le fait que l’investissement dans les technologies vertes alternatives puisse bel et bien être fructueux et économiquement viable doit inciter la communauté des affaires à accélérer ses efforts dans cette direction. C’est particulièrement prometteur lorsque ce genre de nouvelles provient des États-Unis compte tenu de la relation très spéciale que les habitants entretiennent avec leurs voitures.

La capacité de production d’énergie renouvelable grâce aux énergies solaire, éolienne, hydraulique, marémotrice, géothermique ou de biomasse se développe dans le cadre de la réforme économique de l’avenir proche. Environ un tiers de la capacité mondiale de production d’électricité provient actuellement de sources à faible émission de carbone, dont 26% d’énergies renouvelables et environ 10% d’énergie nucléaire. Cependant, les investissements annuels dans les énergies propres devront tripler d’ici à la fin de cette décennie si l’on veut atteindre l’objectif de zéro émission nette d’ici à 2050.

Pour que cela se produise, il faut non seulement des investissements et des avancées technologiques, mais également un changement de perception parmi tous les segments de la société; cela concerne également le gouvernement, les entreprises et les consommateurs. En ce moment de crise existentielle où le scepticisme et le déni du changement climatique sont enfin relégués aux marges de la société, il est temps d’exploiter les forces innovantes de l’industrie, de l’université et de la recherche avec le soutien des marchés financiers et l’influence des gouvernements pour encourager la transition vers une économie verte.

Il existe par ailleurs suffisamment de signes qui montrent qu’investir dans les technologies vertes peut non seulement être rentable, mais aussi permettre d’économiser d’énormes sommes d’argent à travers le monde. Selon une étude menée par des chercheurs de l’université d’Oxford, la transition vers un système énergétique décarboné pourrait, d’ici au milieu de ce siècle, permettre au monde d’économiser «au moins 12 000 milliards de dollars [1 dollar = 0,96 euro], si l’on compare avec le maintien de nos niveaux actuels d’utilisation de combustibles fossiles». Selon cette étude – et d’autres –, il n’est pas irréaliste de conclure que, d’ici à 2050, l’énergie sans combustible fossile aura augmenté pour fournir 55% de services énergétiques de plus dans le monde par rapport au taux actuel.

La peur du changement et de l’inconnu est compréhensible, surtout si l’on considère que, depuis plus de cent cinquante ans, les combustibles fossiles, notamment le charbon, le pétrole et le gaz naturel, alimentent les économies et qu’elles ont grandement contribué à améliorer notre espérance ainsi que notre qualité de vie tout en continuant à fournir une grande partie de l’énergie consommée dans le monde. Cependant, la solution de rechange est encore plus prometteuse.

Il n’est pas facile de se défaire progressivement du développement économique rapide qui nécessite de brûler des quantités excessives de combustibles fossiles. Toutefois, l’économie verte offre d’énormes possibilités et, par conséquent, les moyens de minimiser l’irruption de catastrophes naturelles qui coûtent la vie à des millions de personnes, en forcent beaucoup d’autres à quitter leur foyer et détruisent leurs moyens de subsistance. En outre, elles alimentent l’instabilité politique, sans parler des menaces pour la santé causée par la pollution de l’air, de la terre et de la mer.

Par nécessité, une économie verte est en cours d’application. Néanmoins, le fait d’exploiter les forces mondiales pourrait transformer les économies en mécanismes qui feront de l’humanité un monde meilleur. Certes, une partie de l’équation repose sur la nécessité de compenser les dommages causés par le réchauffement climatique aux régions les plus pauvres du monde. Mais l’autre réside dans le fait de transformer les ressources de la planète en un vecteur de croissance et de développement, de ne pas les compromettre, de veiller à ce que cette voie vers une économie verte, durable, prospère soit inclusive et bénéfique aux pays à faible revenu dans le monde.

Yossi Mekelberg est professeur de relations internationales et membre associé dans le Programme de la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (Mena) à Chatham House. Il collabore régulièrement avec les médias internationaux écrits et en ligne.

Twitter: @Ymekelberg

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com