Le Golfe : un marché en pleine croissance pour l’industrie de la défense turque

Un drone de combat turc Bayraktar TB2  (Photo de Petras Malukas / AFP)
Un drone de combat turc Bayraktar TB2 (Photo de Petras Malukas / AFP)
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Publié le Lundi 23 janvier 2023

Le Golfe : un marché en pleine croissance pour l’industrie de la défense turque

Le Golfe : un marché en pleine croissance pour l’industrie de la défense turque
  • Les pays du CCG considèrent les drones turcs comme une force importante capable de surpasser les drones iraniens
  • L’économie reste le moteur d’expansion des ventes de drones d’Ankara au CCG

La coopération dans le domaine de la défense est devenue l’une des les aires les plus progressistes du rapprochement Turquie-Golfe. Les états du CCG deviennent un nouveau marché pour les entreprises de défense turques. La part de la Turquie dans les achats de l’industrie de la défense du Golfe demeure toujours faible par rapport aux exportateurs de défense occidentaux. Pourtant, les deniers accords et les visites mutuelles entre les responsables turcs et du Golfe ont une signification politique.

Mercredi, le ministère koweïtien de la Défense et la société turque Baykar ont signé un contrat d’une valeur de 370 millions de dollars (1 dollar = 0,92 euro) pour exporter des drones Bayraktar TB2 vers le pays du Golfe. Baykar, étant en pourparlers avec les Koweïtiens depuis 2019, a remporté le contrat malgré la concurrence d’entreprises importantes en Amérique, en Europe et en Chine. Avec le Koweït maintenant à bord, le nombre de pays ayant signé des contrats afin d’acheter des drones Bayraktar TB2 est passé à 28. Le Koweït, lui, en obtiendrait 18.

L’année dernière, la Turquie a conclu un accord de 2 milliards de dollars avec les Émirats arabes unis pour lui vendre 120 des Bayraktar TB2. Reuters a rapporté plus tard que seuls 20 drones avaient été livrés l’année dernière.

C’est avec le Qatar que l’intérêt du Golfe pour les drones Bayraktar a commencé. En 2018, Baykar a signé un accord pour exporter six véhicules aériens sans pilote armés aux forces armées du Qatar. L’accord portait sur la livraison à Doha de six TB2, de trois systèmes et équipements de station de contrôle au sol et d’un simulateur de formation.

Oman est venu après. En 2021, les ministères de la Défense omanais et turc étaient parvenus à un accord préliminaire pour l’achat par Mascate de drones Bayraktar TB2. Aucun chiffre n’a pourtant été divulgué.

L’Arabie Saoudite, connue comme le géant du Golfe, s’intéresse également à l’industrie de défense turque. La semaine dernière, des responsables des industries militaires saoudiennes ont rencontré la société de défense turque BMC afin de discuter de la coopération sur les technologies de défense avancées et les systèmes de défense terrestre. Il a d’ailleurs été signalé l’année dernière que SAMI avait exprimé son intérêt pour les drones turcs et était prêt à se lancer dans des pourparlers avec Baykar.

BMC est devenue la première entreprise de défense du secteur privé turc à faire partie des «100 meilleures » dans la liste de Defense News en 2019. Avec 533 millions de dollars de revenus de défense, l’entreprise s’est classée 85e  sur la liste. Elle figure aux cotés de plusieurs entreprises turques comme Aselsan, Baykar et HAVELSAN, qui exportent des produits de défense vers les pays du Golfe.

Les pays du CCG considèrent les drones turcs comme une force importante capable de surpasser les drones iraniens.

Sinem Cengiz

La rencontre entre les responsables du SAMI et ceux du BMC s’est déroulée quelques semaines après la visite officielle du ministre adjoint saoudien de la Défense, Talal Ben Abdullah Al-Otaibi, en Turquie en tant que dirigeant d’une délégation de haut niveau comportant plusieurs agences. Au cours de la visite, Al-Otaibi a rencontré quelques hauts responsables turcs, dont le ministre de la Défense Hulusi Akar. Les réunions ont inclus des discussions sur l’importance de la coopération en matière de défense entre les deux pays, l’activation des accords signés dans ce domaine et leur développement pour servir les intérêts communs et soutenir la sécurité et la stabilité de la région. Une réunion préparatoire a également eu lieu afin de présenter à Al-Otaibi les industries militaires turques. Il a ensuite visité un certain nombre d’entreprises affiliées au ministère turc de la Défense.

On s’attend à ce que la Turquie coopère plus étroitement avec les pays du Golfe dans le domaine de la défense, avec des visites de haut niveau qui soulignent particulièrement cet objectif. La nature de cette coopération de défense est telle que les pays du Golfe orientent leurs relations de défenses en fonction de leurs intérêts nationaux respectifs et de leurs stratégies régionales. Cependant, la principale raison pour laquelle ces pays souhaitent acquérir des drones turcs est de contrer les défis sécuritaires croissants de l’Iran et de ses groupes mandataires dans la région. Ils considèrent les drones turcs comme une force importante capable de surpasser les drones iraniens.

Selon les données récemment publiées par l’Association des fabricants de l’industrie de la défense, les ventes de la défense et de l’aérospatiale de la Turquie ont décuplé au cours des deux dernières décennies. En 2002, les ventes équivalaient à 1 milliard de dollars tandis qu’en 2021, elles ont atteint les 10,1 milliards de dollars.

Alors que le but des pays du Golfe est d’améliorer leurs capacités de défense, l’économie reste le moteur d’expansion des ventes de drones d’Ankara au CCG. L’intérêt croissant du Golfe pour l’industrie de la défense turque est un coup de pouce pour la Turquie qui essaie d’augmenter ses exportations afin d’atténuer ses problèmes économiques. Cette équation forme le lien de défense-économie dans les relations Turquie-Golfe.

Sinem Cengiz est analyste politique turque spécialisée dans les relations extérieures de la Turquie notamment avec les pays du Moyen-Orient.

Twitter : @SinemCngz

NDLR : L’opinion exprimée dans cette section est celle de l’auteur et ne reflète pas nécessairement le point de vue d'Arab News en français.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com