Retraites: La réforme dans l'arène de l'Assemblée, démarrage sous haute tension

La Première ministre française Elisabeth Borne prononce un discours devant l'Assemblée nationale à Paris (Photo, AFP).
La Première ministre française Elisabeth Borne prononce un discours devant l'Assemblée nationale à Paris (Photo, AFP).
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Publié le Mardi 07 février 2023

Retraites: La réforme dans l'arène de l'Assemblée, démarrage sous haute tension

  • Le coup d'envoi des débats a été donné à 16H00 (15H00 GMT), dans un hémicycle comble pour cette bataille autour du report de 62 à 64 ans de l'âge légal de départ, réforme phare du second quinquennat d'Emmanuel Macron
  • Elisabeth Borne a martelé qu'avec cet âge légal à 64 ans, «nous demandons un effort collectif aux Français» mais «notre objectif est d'assurer l'avenir de notre système de retraite par répartition»

PARIS: "La réforme ou la faillite": à la veille d'une nouvelle journée de mobilisation dans la rue, le gouvernement a tenté de défendre lundi sa très controversée réforme des retraites, au coup d'envoi de débats électriques à l'Assemblée nationale où des assauts de LFI et du RN ont été repoussés.

Série de rappels au règlement et suspension de séance ont retardé les discours des ministres dans un hémicycle surchauffé où les oppositions ont ferraillé autour du projet gouvernemental, qui prévoit un recul de l'âge de la retraite de 62 à 64 ans.

C'est "une réforme d'équité et de progrès qui répartit l'effort de manière juste", a affirmé le ministre du Travail Olivier Dussopt, prêt à "aller plus loin" pour améliorer l'emploi des seniors ou les pensions des femmes.

L'ancien socialiste a été chahuté par la gauche, qui l'a traité de "vendu". "Vous faites du favoritisme pour les riches", l'a tancé l'Insoumis François Ruffin, en référence aux soupçons de favoritisme visant le ministre dans l'attribution d'un marché public lorsqu'il était maire en Ardèche.

A sa suite, le ministre des Comptes publics Gabriel Attal est monté au créneau contre les opposants au projet. "C'est la réforme ou la faillite" du système de retraites, a-t-il argué, renvoyant dos à dos la Nupes et son "canon fiscal", et le RN, "camp du mensonge et des privilèges".

Par 292 voix contre 243, et 3 abstentions, les députés ont repoussé une motion de rejet de l'ensemble du projet de loi portée par les insoumis. Leur patronne Mathilde Panot a fustigé une réforme qui "aggrave le chaos" dans la société, sans convaincre toutes les oppositions. La motion "échoue de peu, la bataille commence", pour Cyrielle Chatelain (EELV).

Guedj (PS) veut que le débat parlementaire «alimente la mobilisation sociale»

Le député socialiste Jérôme Guedj a souhaité lundi que le débat parlementaire, qui débute lundi à l'Assemblée nationale, serve à "alimenter la mobilisation sociale" contre la réforme des retraites et parler "concrètement" des conséquences pour les Français.

"J'espère (...) que le travail parlementaire va permettre d'alimenter la mobilisation sociale parce que cette réforme des retraites, elle est frappée du syndrome Dracula qui n'aime pas être mis à la lumière", a expliqué sur France Inter le député de l'Essonne.

Le débat va de "parler concrètement des conséquences pour les Français et les vies brisées que ça va représenter pour telle ou telle catégorie de Français", a-t-il ajouté.

Le coup d'envoi des débats sera donné à 16H00 pour cette bataille autour du report de 62 à 64 ans de l'âge légal de départ à la retraite. Cette réforme phare du second quinquennat d'Emmanuel Macron est contestée par l'ensemble des syndicats qui organisent deux nouvelles journées de mobilisation mardi et samedi.

L'ancien président de la République (PS) François Hollande a pointé pour sa part une "erreur de méthode" du gouvernement: avoir "considéré que c'était au niveau du Parlement que les ajustements devaient être faits et pas au niveau de la négociation sociale avec les organisations syndicales".

"Le gouvernement va être confronté maintenant à des amendements parlementaires qui vont peut-être lui coûter cher sans qu'il n'y ait pour autant d'apaisement dans la rue parce que ce sont les organisations syndicales qui sont motrices, c'est pas monsieur Ciotti (président de LR, NDLR) qui conduit les manifestations", a-t-il averti sur BFMTV et RMC, alors que la Première ministre Élisabeth Borne a annoncé dimanche des concessions aux Républicains.

Il a par ailleurs défendu "une contribution des plus hauts revenus et des plus hauts patrimoines", rappelant que "même pour les réformes de Nicolas Sarkozy et de François Fillon" en 2010, ça avait été le cas, mais "là, rien!".

Pour le député LFI Alexis Corbière sur CNews, il y a un "sujet démocratique" car avec le recours à la procédure de l'article 47.1, (de la Constitution qui encadre les délais d'examen parlementaire pour un projet de budget de la Sécurité sociale, NDLR) "il y aura peut-être même pas de majorité au sein de l'Assemblée nationale" et le texte pourra être imposé par ordonnance.

"La question maintenant, ça n'est plus de savoir si vous retirez la loi mais quand", a ajouté sur Sud Radio son collègue Éric Coquerel, président de la Commission des finances.

«Casse sociale»

Puis une motion du groupe RN demandant un référendum a été rejetée par 272 voix contre 101. La gauche avait déserté l'hémicycle pour dénoncer "mascarade" et "déni démocratique", car la Nupes souhaitait qu'une autre motion soit soumise au vote: celle de la coalition de gauche ou celle initiée dans la journée par le petit groupe indépendant Liot.

Signe des tensions dans l'hémicycle et au-delà, la présidente des députés RN Marine Le Pen a pointé des "manoeuvres" pour "distraire" des députées pendant ce scrutin. "Quatre ou cinq (...) viennent de recevoir un message leur indiquant qu'un de leurs enfants est hospitalisé", ce qui est faux, a-t-elle expliqué, en indiquant vouloir porter plainte.

Sur le fond, la dirigeante d'extrême droite a combattu la réforme, une "casse sociale" pour "complaire à l'Union européenne", a-t-elle dit, en réclamant une politique de "natalité".

A l'autre bout de l'hémicycle, le LFI François Ruffin s'en est pris aux ministres et au président Macron: "Vous faites pitié" avec une réforme "mesquine": "deux ans ferme pour la France qui se lève tôt et va au boulot, formidable ambition".

"Votre réforme, c'est un impôt sur la vie", a dénoncé à son tour le patron du groupe socialiste Boris Vallaud.

Les deux semaines prévues d'examen s'annoncent à haut risque sur cette réforme phare du second quinquennat d'Emmanuel Macron, qui ne dispose que d'une majorité relative à l'Assemblée.

A l'approche de deux journées d'action, mardi et samedi à l'appel de l'intersyndicale, la cheffe du gouvernement Élisabeth Borne a reconnu dimanche que le recul de l'âge légal représentait "un effort collectif".

Grèves: Pour Clément Beaune, le service minimum est «un slogan»

Le ministre délégué aux Transports Clément Beaune a estimé lundi que l'instauration d'un service minimum dans les transports était "un slogan", alors que des sénateurs LR ont l'intention de déposer un projet de loi pour interdire de faire grève les jours de grande affluence.

"Je n'aime pas les slogans et les débats ressassés. Le service minimum, c'est un slogan, en réalité", a déclaré M. Beaune sur LCI.

Une dizaine de sénateurs LR ont annoncé dimanche une proposition de loi "pour interdire la grève dans les transports les jours fériés et lors des départs et retours de vacances", évoquant "la gréviculture française".

"Je suis pragmatique et je veux bien qu'on regarde", a indiqué le ministre, remarquant cependant que "le débat a (déjà) eu lieu" sous la présidence de Nicolas Sarkozy.

La "loi sur le service minimum" de 2007, qui n'a en réalité instauré qu'un service prévisible en cas de grève, pourrait être améliorée, a-t-il dit, jugeant le débat "compliqué" et insistant sur une solution "respectueuse du droit de grève, qui est un droit constitutionnel (...), et de manière efficace avec la boussole qui est la protection des usagers".

Clément Beaune a une nouvelle fois appelé "les organisations syndicales à la responsabilité pour samedi 11 février", quatrième journée de protestation nationale contre la réforme des retraites, et premier jour des vacances scolaires dans la zone B.

"Il faut prendre en compte" les départs en vacances dans le choix des actions syndicales, alors que les syndicats de la SNCF sont encore divisés sur la question, a-t-il insisté.

«Rustine»

Dans une concession de dernière minute, elle a annoncé que les personnes ayant commencé à travailler entre 20 et 21 ans pourront partir à la retraite à 63 ans, une extension du dispositif carrières longues.

Suffisant pour obtenir les voix, cruciales, de la droite ? Non, pour Aurélien Pradié notamment, qui épingle une "tromperie" et demande d'aller plus loin pour ceux ayant commencé à cotiser tôt.

Marine Le Pen raille une "négociation de marchands de tapis" entre le gouvernement et la droite.

Côté syndicats, l'effort de Mme Borne n'a pas convaincu: une "rustine" qui "n'est pas la réponse" attendue "à la mobilisation massive constatée", dénonce Laurent Berger, patron de la CFDT.

Les journées de mobilisation des 19 et 31 janvier ont déjà réuni chaque fois plus d'un million de manifestants selon la police, plus de deux millions selon les organisateurs.

"On compte sur le fait qu'il y ait des mobilisations pour que les élus de la République prennent en compte l'avis des citoyens", a déclaré le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez.

Alors que les vacances scolaires ont commencé pour la zone A, le trafic sera fortement perturbé mardi à la SNCF et la RATP.

Pour la quatrième journée de mobilisation samedi, début des congés de la zone B, les syndicats de la SNCF ont décidé de ne pas appeler à la grève pour ne pas pénaliser les voyageurs.


A Paris, une réunion des droites sous l'égide des médias Bolloré

Animateurs, politiques en pré-campagne et formules choc: le temps d'une grand-messe devant quelques milliers de sympathisants, les médias du milliardaire conservateur Vincent Bolloré ont mis en avant leurs thématiques fétiches - identité, immigration, sécurité - et un éventail de personnalités de droite et d'extrême droite susceptibles de les porter pour 2027. (AFP)
Animateurs, politiques en pré-campagne et formules choc: le temps d'une grand-messe devant quelques milliers de sympathisants, les médias du milliardaire conservateur Vincent Bolloré ont mis en avant leurs thématiques fétiches - identité, immigration, sécurité - et un éventail de personnalités de droite et d'extrême droite susceptibles de les porter pour 2027. (AFP)
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  • Mardi 20H00, les 4.000 places du Dôme de Paris, plongées dans le noir, sont remplies. Musique épique, jeu de projecteurs bleus, blancs, rouges, le ton est donné
  • Pour chauffer la salle, le directeur du JDD, Geoffroy Lejeune commence par quelques railleries sur Libération, Mediapart et Télérama

PARIS: Animateurs, politiques en pré-campagne et formules choc: le temps d'une grand-messe devant quelques milliers de sympathisants, les médias du milliardaire conservateur Vincent Bolloré ont mis en avant leurs thématiques fétiches - identité, immigration, sécurité - et un éventail de personnalités de droite et d'extrême droite susceptibles de les porter pour 2027.

Mardi 20H00, les 4.000 places du Dôme de Paris, plongées dans le noir, sont remplies. Musique épique, jeu de projecteurs bleus, blancs, rouges, le ton est donné.

Pour chauffer la salle, le directeur du JDD, Geoffroy Lejeune commence par quelques railleries sur Libération, Mediapart et Télérama. Huées puis rires quand il lance: "On sait quel article ils vont écrire, on l'a rédigé comme ça ils pourront aller au bistrot".

Apparaît Philippe de Villiers, largement promu par le groupe du milliardaire breton - il est chroniqueur chez Cnews et son dernier livre est publié chez Fayard, également dans la galaxie Bolloré.

Le souverainiste commence par "remercier Jean-Luc Mélenchon" - qui lui aurait inspiré son ouvrage - déclenchant une nouvelle bronca.

Puis, il sert son discours habituel sur une France "au bord de l'abîme", menacée par "un changement de peuplement" encouragé par "un parti sarrasin", et abandonnée par des "élites écartelées entre le wokistan et l'islamistan".

Pour le fondateur du Puy du Fou, la solution est simple: "la remigration ou la françisation". Nouvelle salve d'applaudissements, on entend quelques "Philippe président". L'hypothèse d'une candidature pour 2027 a encore été entretenue en une de Valeurs actuelles la semaine dernière, où l'intéressé affirme être "redescendu dans l'arène".

Il n'est pas le seul. Surgit l'animatrice Christine Kelly de Cnews, pour lancer une discussion sur "notre civilisation judéo-chrétienne" entre Michel Onfray et Eric Zemmour.

Au terme d'un échange théologique parfois confus, le président du parti Reconquête conclut que "la croisade a sauvé l'Occident" et qu'"à partir du moment où nous retrouverons notre identité, tout ira beaucoup mieux". L'ancien polémiste de Cnews, propulsé par l'empire Bolloré dans la course à l'Elysée en 2022, espère déjà rendosser son costume de candidat en 2027. En attendant, il reste lui aussi en tête de gondole chez Fayard.

"Le côté sans filtre" 

D'autres ne bénéficient pas de la même bienveillance. Comme Aurore Bergé, lors d'une tumultueuse séquence "insécurité" face à Claire Géronimi, devenue vice-présidente de l'UDR d'Eric Ciotti après avoir été victime d'un viol par un étranger sous OQTF.

La ministre déléguée à l'Egalité Femmes-Hommes, conspuée, reste combative: "Je suis venue pour accepter l'idée du débat (...) Ma ligne ne changera pas, quel que soit le public".

Plus en phase avec l'assistance, l'avocat Gilles-William Goldnadel fustige "le racisme anti-blanc" et le "féminisme d'extrême gauche".

Un discours familier aux oreilles de Philippe, 55 ans et sans emploi, qui a déboursé 25 euros pour "voir le côté sans filtre" de ces personnalités médiatiques dont il "partage les idées, sans ambiguïté". Plus intéressé par l'aspect politique, Foucauld, 24 ans, étudiant en école de commerce, reconnaît que l'événement "participe à faire avancer les pions vers l'union des droites".

Pourquoi pas avec David Lisnard? Invité à ouvrir le chapitre du "grand enjeu" des municipales de mars 2026, le maire de Cannes fait florès avec ses leitmotiv: "Vive la liberté" et "Afuera!" la "bureaucratie" et la "technocratie".

Lui succèdent une brochette de candidats plus ou moins déclarés, dont la députée RN Laure Lavalette déplorant qu'il y ait "autant de barbiers et de kebabs" dans sa ville de Toulon.

Signe d'un rapprochement entre le parti à la flamme et la galaxie Bolloré? Après tout, Jordan Bardella en est à son deuxième livre publié chez Fayard.

Mais c'est une autre étoile montante qui est mise à l'honneur mardi soir. Clou du spectacle, l'eurodéputée Reconquête Sarah Knafo vient délivrer un "message d'espérance" face à l'essayiste Eric Neaulleau, dans le rôle du décliniste persuadé que "tout est foutu" car "les lieux de pouvoir sont tous tenus par des gens animés d'une idéologie immigrationniste".

Au contraire, les idées infusent dans la société et "le combat de la lucidité est gagné", réplique la nouvelle coqueluche de la "bollosphère", qui assure "qu'on peut changer les choses, avec méthode, détermination et travail". Et quelques solides appuis.


Pour la présidente de l'Assemblée Braun-Pivet, une majorité absolue n'est plus «souhaitable»

Le retour d'une majorité absolue n'est pas "souhaitable" à l'Assemblée nationale, où son absence depuis 2022 oblige à rechercher des compromis, a estimé la présidente de l'Assemblée, Yaël Braun-Pivet, dans un nouveau podcast diffusé mercredi. (AFP)
Le retour d'une majorité absolue n'est pas "souhaitable" à l'Assemblée nationale, où son absence depuis 2022 oblige à rechercher des compromis, a estimé la présidente de l'Assemblée, Yaël Braun-Pivet, dans un nouveau podcast diffusé mercredi. (AFP)
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  • "J'ai toujours privilégié le travail en collégialité, (...) et je m'étais toujours dit, au fond de moi, une Assemblée où il y a une majorité absolue, c'est une Assemblée qui finalement ne représente pas bien les Français"
  • Sans majorité, pour décider par exemple de la création d'une commission d'enquête ou encore de la tenue d'un débat, "vous présentez nécessairement des décisions qui sont les plus justes pour l'institution et les plus équilibrées"

PARIS: Le retour d'une majorité absolue n'est pas "souhaitable" à l'Assemblée nationale, où son absence depuis 2022 oblige à rechercher des compromis, a estimé la présidente de l'Assemblée, Yaël Braun-Pivet, dans un nouveau podcast diffusé mercredi.

"J'ai une conviction personnelle forte qui est que nous n'aurons pas demain à nouveau une majorité absolue mais je pense surtout, et c'est ça ma conviction forte, c'est que ce n'est pas souhaitable pour notre pays", a-t-elle déclaré dans le podcast "Dans l'Hémicycle".

"Je suis convaincue que la délibération collective avec des groupes politiques qui ne partagent pas les mêmes orientations mais qui essayent de trouver des solutions, elle est bénéfique", a-t-elle poursuivi.

Depuis 2022, le camp présidentiel auquel appartient Mme Braun-Pivet ne dispose pas d'une majorité absolue à l'Assemblée nationale. Face à une fragmentation de l'hémicycle encore accentuée depuis la dissolution de juin 2024, de nombreux députés disent espérer le retour d'une majorité absolue après l'élection présidentielle de 2027. Mais pas la présidente de l'Assemblée.

"J'ai toujours privilégié le travail en collégialité, (...) et je m'étais toujours dit, au fond de moi, une Assemblée où il y a une majorité absolue, c'est une Assemblée qui finalement ne représente pas bien les Français", a-t-elle déclaré dans cette interview.

Sans majorité, pour décider par exemple de la création d'une commission d'enquête ou encore de la tenue d'un débat, "vous présentez nécessairement des décisions qui sont les plus justes pour l'institution et les plus équilibrées, parce qu'autrement, ça ne passe pas", a-t-elle dit.

Cette situation force aussi à "inventer des nouvelles façons de faire", a-t-elle ajouté en donnant l'exemple des semaines dédiées aux textes proposés par les députés, auparavant dévolues à ceux de la majorité. Depuis 2022, ces semaines sont devenues "transpartisanes", avec des propositions soutenues par différents groupes.

Au moment où les débats budgétaires peinent à aboutir, Mme Braun-Pivet a toutefois estimé qu'il fallait encore "adapter" les règles de l'Assemblée à cette nouvelle configuration. Elle a rappelé avoir lancé une réflexion autour d'une modification du règlement de l'institution.


Laurent Wauquiez dépose une proposition de loi pour interdire le voile aux mineures

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  • Sa proposition vise à modifier la loi du 11 octobre 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l'espace public
  • Il apparaît toutefois peu probable que ce texte soit examiné avant deux mois : la journée annuelle réservée aux propositions du groupe LR n’est prévue que le 22 janvier

PARIS: Le chef des députés Les Républicains Laurent Wauquiez a déposé lundi une proposition de loi pour interdire aux mineures de porter le voile dans l'espace public, mais son examen rapide semble peu probable et sa constitutionnalité mise en doute par des juristes.

M. Wauquiez veut interdire "à tout parent d'imposer à sa fille mineure ou de l'autoriser à porter, dans l'espace public, une tenue destinée à dissimuler sa chevelure", selon l'article unique de sa proposition de loi.

Il s'appuie notamment sur un rapport sur les Frères musulmans commandé par le gouvernement et publié en mai dernier, relatant l'augmentation "massive et visible du nombre de petites filles portant le voile".

Il estime que "le voilement de jeunes filles" heurte les principes républicains "les plus fondamentaux", tels que la "protection de l'enfant", "la liberté de conscience" et "l'égalité entre les hommes et les femmes".

Sa proposition vise à modifier la loi du 11 octobre 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l'espace public.

Il apparaît toutefois peu probable que ce texte soit examiné avant deux mois : la journée annuelle réservée aux propositions du groupe LR n’est prévue que le 22 janvier.

En outre, des professeurs de droit public interrogés par l'AFP émettent de sérieuses réserves quant à la conformité avec la Constitution de cette proposition déjà formulée, tout en la circonscrivant aux moins de 15 ans, par le patron des députés macronistes Gabriel Attal en mai - même si celui-ci n'avait pas déposé de texte.

Pour la constitutionnaliste Anne-Charlène Bezzina, elle n'a "aucune chance d'être conforme", rappelant que la loi sur la dissimulation du visage que son texte vient modifier a un motif de "sécurité à l'ordre public" et ne "vise aucune religion en particulier".

Or, M. Wauquiez cible très clairement le voile islamique dans l'espace public, contrevenant "au principe de liberté de religion", ajoute l'enseignante.

Jean-Philippe Derosier, professeur de droit public à l’Université de Lille, se dit également "très réservé".

Bien que le texte se heurte au principe de liberté religieuse, Laurent Wauquiez justifie sa démarche par la "préservation des droits de l’enfant", ce qui est "assez habile", reconnaît-il, mais insuffisant pour garantir sa conformité constitutionnelle.

Assimiler le port du voile par une mineure à "une forme d’asservissement" reste juridiquement fragile. "Incontestablement, une fillette de 9 ans pourrait le faire par mimétisme ou sous l'effet d’une instrumentalisation", observe-t-il. "Mais une adolescente de 16 ans peut davantage le porter par conviction personnelle."

Il rappelle par ailleurs que l’interdiction de dissimulation du visage est justifiée par des raisons de sécurité, avec la nécessité de pouvoir "identifier les personnes", un raisonnement difficilement transposable au fait de se couvrir la chevelure.