Les Tunisiens noirs « victimes collatérales» de la campagne anti-migrants

Des migrants ivoiriens rapatriés de Tunisie montent à bord d'un bus après leur arrivée à l'aéroport Félix Houphouet Boigny d'Abidjan, le 04 mars 2023. (Photo, AFP)
Des migrants ivoiriens rapatriés de Tunisie montent à bord d'un bus après leur arrivée à l'aéroport Félix Houphouet Boigny d'Abidjan, le 04 mars 2023. (Photo, AFP)
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Publié le Samedi 11 mars 2023

Les Tunisiens noirs « victimes collatérales» de la campagne anti-migrants

  • Après « la bombe» du président, beaucoup de Tunisiens noirs sont restés silencieux car ils « ne veulent pas être rattachés à une question (migratoire) qui les ramènerait à une condition d'étrangers dans leur pays»
  • L'ancien capitaine noir de l'équipe nationale de football de Tunisie, Radhi Jaidi, s'est lui exprimé par un tweet de solidarité: « Je suis Africain non pas parce que je suis né en Afrique mais parce que l'Afrique est née en moi»

TUNIS: "Dégage, que fais-tu encore ici": la jeune Nebras se sent mal à l'aise comme bon nombre de Tunisiens noirs après qu'un discours incendiaire du président tunisien Kais Saied contre les migrants illégaux subsahariens a entraîné des agressions racistes.

Depuis ses propos le 21 février dénonçant l'arrivée de "hordes" de clandestins et un complot pour "changer la composition démographique" du pays, des exactions ont été recensées à l'encontre de ressortissants d'Afrique subsaharienne, dont des centaines ont été rapatriés par leurs ambassades.

Nebras, 26 ans, une diplômée actuellement serveuse, dit avoir "senti davantage de racisme" qui "se manifeste sans que les gens ne soient inquiétés ni poursuivis".

"Après le discours, j'ai remarqué que les Noirs de Tunisie avaient aussi la peur au ventre", assure Saadia Mosbah, présidente de l'association anti-raciste Mnemty, évoquant "cinq ou six agressions de Tunisiens noirs".

Outre une tempête de haine en ligne, cette ex-hôtesse de l'air de 63 ans dont le combat a débouché sur une loi anti-discrimination en 2018, a fait l'objet elle aussi d'invectives en pleine rue telles que "retourne chez toi".

Sa réaction a été la solidarité avec les migrants subsahariens dont un grand nombre (sur plus de 21.000 recensés officiellement) se sont retrouvés privés de travail et logement, en apportant des produits de première nécessité aux plus démunis d'entre eux.

«Tunisiens à part entière»

Selon la militante, le racisme "plus ou moins caché" en Tunisie est brusquement "remonté à la surface alors que je disais toujours que l'Etat tunisien n'était ni raciste ni ségrégationniste".

Le discours de M. Saied a été "comme un feu vert du pouvoir politique aux racistes", ajoute-t-elle, étonnée de reconnaître parmi eux "des gens de l'élite intellectuelle, des personnes éclairées".

Estimés à entre 10 et 15% d'une population totale de près de 12 millions, les Tunisiens noirs, en majorité descendants d'esclaves, se concentrent dans le sud du pays.

Et "même si leur condition sociale est hétérogène, la majorité habite dans des régions défavorisées et appartient aux couches les plus pauvres", a écrit la chercheuse Maha Abdelhamid pour l'institut EuroMesco en août 2018.

"Les Noirs de Tunisie sont une victime collatérale du discours du président qui ne visait pas la peau noire, mais les sans-papiers", souligne auprès de l'AFP l'anthropologue Stéphanie Pouessel.

Ils subissaient déjà "un racisme latent mais régulé, un racisme de tous les jours, avec aussi la difficulté d'accéder à des postes supérieurs", dit-elle.

Après "la bombe" du président, beaucoup de Tunisiens noirs sont restés silencieux car ils "ne veulent pas être rattachés à une question (migratoire) qui les ramènerait à une condition d'étrangers dans leur pays alors qu'ils luttent depuis toujours pour être considérés comme des Tunisiens à part entière", selon la chercheuse.

«Afrique née en moi»

L'ancien capitaine noir de l'équipe nationale de football de Tunisie, Radhi Jaidi, s'est lui exprimé par un tweet de solidarité avec les Africains subsahariens: "Je suis Africain non pas parce que je suis né en Afrique mais parce que l'Afrique est née en moi".

"Ca m'a énervé que des individus prennent l'initiative de faire le travail du gouvernement contre l'immigration illégale avec agressivité et en dehors de la légalité", déclare à l'AFP l'ancien défenseur, joint par téléphone en Belgique où il fait partie du staff technique du Cercle Bruges.

"Mon post visait à demander le respect des droits" des migrants, ajoute-t-il, déplorant que les agressions aient "sali l'image de la Tunisie", dont il est "fier d'avoir porté le drapeau 105 fois" à l'international.

Par ailleurs, "il faut se pencher sérieusement sur l'intégration des noirs tunisiens. C'est un sujet qui traîne depuis des années sans qu'on voit une vraie initiative"", estime-t-il.

Il espérait que son tweet allait être imité par d'autres célébrités tunisiennes mais constate qu'à part la star du tennis Ons Jabeur, le mouvement n'a pas pris.

Malgré les récents évènements, il veut continuer à vanter à l'étranger une "Tunisie pays de liberté, avec son sens de l'accueil, sa variété".

Mais il redoute leur impact durable dans le reste de l'Afrique, évoquant le "geste très politique" des joueurs de l'équipe de moins de 20 ans du Sénégal qui ont célébré récemment une victoire contre la Tunisie en montrant leur peau noire.

 


Soudan: craintes de la poursuite des exactions à El-Facher

Des enfants et des familles déplacés d'El-Fasher dans un camp où ils se sont réfugiés pour échapper aux combats entre les forces gouvernementales et le RSF, à Tawila, dans la région du Darfour. (UNICEF via AP)
Des enfants et des familles déplacés d'El-Fasher dans un camp où ils se sont réfugiés pour échapper aux combats entre les forces gouvernementales et le RSF, à Tawila, dans la région du Darfour. (UNICEF via AP)
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  • Des massacres se poursuivent à El-Facher, dernière grande ville du Darfour tombée aux mains des Forces de soutien rapides (FSR) après 18 mois de siège
  • La situation est décrite comme « apocalyptique » par les diplomaties allemande et britannique, tandis que l’ONU réclame des enquêtes rapides sur les atrocités et que plus de 65 000 civils ont fui la ville, désormais en ruines

Port-Soudan: De nouvelles images satellites et l'ONG Médecins sans frontières (MSF) suggèrent samedi la poursuite des massacres dans la ville soudanaise d'El-Facher, près d'une semaine après sa prise par les paramilitaires.

Alors que les informations sur des violences contre les civils se multiplient, les chefs de la diplomatie allemande et britannique ont alerté sur une situation "absolument apocalyptique" et "véritablement terrifiante" sur le terrain.

Après 18 mois de siège, les Forces de soutien rapides (FSR, paramilitaires) de Mohamed Daglo ont pris dimanche El-Facher, dernière grande ville du Darfour (ouest) qui échappait encore à leur contrôle dans leur guerre contre l'armée du général Abdel Fattah al-Burhane.

Selon le Laboratoire de recherche humanitaire de l'université de Yale, qui analyse des vidéos et des images satellites, les dernières images datant de vendredi ne "montrent aucun mouvement à grande échelle" à El-Facher, ce qui suggère que la majorité de sa population est "morte, capturée ou cachée".

Le laboratoire a identifié au moins 31 groupes d'objets correspondant à des corps humains entre lundi et vendredi, dans différents quartiers, sur des sites universitaires et des sites militaires. "Les indices montrant que les massacres se poursuivent sont clairement visibles", conclut-il.

- "Tuées, retenues, pourchassées" -

MSF a lui aussi dit craindre samedi qu'un "grand nombre de personnes" y soient toujours "en grave danger de mort" et que les civils soient empêchés par les FSR et leurs alliés "d'atteindre des zones plus sûres" comme Tawila.

Des milliers de personnes ont déjà fui El-Facher pour cette ville située à environ 70 km à l'ouest, et où les équipes de MSF se sont préparées à faire face à un afflux massif de déplacés et de blessés.

Des survivants ont raconté à l'ONG que les personnes ont été séparées selon leur sexe, âge ou identité ethnique présumée, et que beaucoup sont toujours détenues contre rançon. Un survivant a rapporté des "scènes horribles" où des combattants écrasaient des prisonniers avec leurs véhicules.

"Le nombre de personnes arrivées à Tawila est très faible (...) Où sont toutes les personnes manquantes, qui ont déjà survécu à des mois de famine et de violence à El-Facher?" s'interroge Michel-Olivier Lacharité, responsable des opérations d'urgence chez MSF. "D'après ce que nous disent les patients, la réponse la plus probable, bien qu'effrayante, est qu'elles sont tuées, retenues et pourchassées lorsqu'elles tentent de fuir", relate-t-il.

Au total, plus de 65.000 civils ont fui El-Facher, où des dizaines de milliers de personnes sont encore piégées, selon l'ONU. Avant l'assaut final des paramilitaires, la ville comptait environ 260.000 habitants.

- "Apocalyptique" -

Depuis dimanche, plusieurs vidéos sur les réseaux sociaux montrent des hommes en uniforme des FSR procédant à des exécutions sommaires à El-Facher, les paramilitaires affirmant que plusieurs de ces enregistrements ont été "fabriqués" par des sites liés à l'armée.

Les paramilitaires ont affirmé jeudi avoir arrêté plusieurs de leurs combattants soupçonnés d'exactions lors de la prise d'El-Facher, l'ONU réclamant vendredi des enquêtes "rapides et transparentes" après des "témoignages effroyables" d'atrocités dans cette localité.

S'exprimant en marge d'une conférence à Bahreïn, le ministre allemand des Affaires étrangères, Johann Wadephul, a décrit samedi la situation à El-Facher comme "absolument apocalyptique", évoquant comme l'ONU la "pire crise humanitaire du monde". "Les FSR se sont publiquement engagés à protéger les civils et devront rendre compte de leurs actions", a-t-il ajouté.

"Les informations qui nous parviennent du Darfour ces derniers jours sont véritablement terrifiantes", a déclaré son homologue britannique Yvette Cooper, évoquant les "atrocités commises, exécutions de masse, famine et le viol comme arme de guerre".

Le Soudan est déchiré depuis avril 2023 par une guerre opposant l'armée, qui contrôle l'est et le nord du pays, et les FSR, désormais maîtres de l'ensemble du Darfour, une région vaste comme la France métropolitaine.

Les pourparlers en vue d'une trêve, menés depuis plusieurs mois par un groupe réunissant les Etats-Unis, l'Egypte, les Emirats arabes unis et l'Arabie saoudite, sont dans l'impasse, selon un responsable proche des négociations.

Les FSR ont reçu armes et drones des Emirats arabes unis, selon des rapports de l'ONU, tandis que l'armée bénéficie de l'appui de l'Egypte, de l'Arabie saoudite, de l'Iran et de la Turquie, selon des observateurs. Tous nient toute implication.


Le président libanais accuse Israël de répondre à son offre de négociations en intensifiant ses attaques

Le président libanais Joseph Aoun a accusé vendredi Israël de répondre à son offre de négociation en intensifiant ses frappes aériennes, dont la dernière a tué un homme à moto dans le sud du Liban. (Reuters/File)
Le président libanais Joseph Aoun a accusé vendredi Israël de répondre à son offre de négociation en intensifiant ses frappes aériennes, dont la dernière a tué un homme à moto dans le sud du Liban. (Reuters/File)
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  • Le président libanais Joseph Aoun accuse Israël d’avoir répondu à son offre de négociations par une intensification des frappes, qui ont tué deux personnes dans le sud du Liban
  • En visite à Beyrouth, le ministre allemand Johann Wadephul appelle à un retrait israélien du sud du Liban et à un désarmement du Hezbollah, condition jugée essentielle pour la reprise du dialogue

BEYROUTH: Le président libanais, Joseph Aoun, a accusé Israël de répondre à l'offre de négociations du Liban par une intensification de ses frappes, les dernières ayant tué vendredi deux hommes dans le sud du pays selon Beyrouth.

"Le Liban est prêt à des négociations pour mettre fin à l'occupation israélienne, mais toute négociation (...) a besoin d'une volonté réciproque, ce qui n'est pas le cas", a affirmé M. Aoun à l'issue d'un entretien avec le ministre allemand des Affaires étrangères, Johann Wadephul.

Le chef de l'Etat s'était déjà prononcé le 13 octobre pour des négociations entre les deux pays voisins, toujours formellement en état de guerre, et qui ont émergé en novembre dernier d'un an de conflit meurtrier entre Israël et le Hezbollah libanais.

Israël "répond à cette option en menant davantage d'attaques contre le Liban (...) et en intensifiant la tension", a déploré M. Aoun

Selon le ministère de la Santé libanais, deux personnes ont été tuées vendredi lors de deux frappes israéliennes dans le sud du pays.

L'Agence nationale d'information libanaise (Ani, officielle) a indiqué qu'un drone avait notamment visé un homme à moto dans le village de Kounine.

L'armée israélienne a affirmé avoir tué un "responsable de la maintenance du Hezbollah", qui oeuvrait selon elle à rétablir des infrastructures du mouvement pro-iranien.

La veille, une unité israélienne s'était introduite dans le village frontalier de Blida, où les soldats ont tué un employé municipal.

M. Aoun a demandé à l'armée de "faire face" à toute nouvelle incursion israélienne en territoire libanais.

- "Condition sine qua non" -

Malgré le cessez-le-feu ayant mis fin en novembre 2024 à la guerre entre le Hezbollah et Israël, ce dernier continue de mener des frappes régulières au Liban disant viser des cibles du mouvement chiite, et a intensifié ses raids ces derniers jours.

L'armée israélienne se maintient aussi dans cinq positions dans le sud du Liban.

Selon un bilan de l'AFP basé sur des données du ministère de la Santé, au moins 25 personnes, dont un Syrien, ont été tuées en octobre.

L'ONU avait indiqué mardi que 111 civils avaient été tués au Liban par les forces israéliennes depuis la fin de la guerre.

Le chef de la diplomatie allemande a apporté son soutien au président libanais, affirmant qu'il exhorterait son homologue israélien, Gideon Saar, à retirer l'armée israélienne du sud du Liban.

"Il doit y avoir un retrait des troupes israéliennes. Je comprends qu'Israël ait besoin de sécurité (...) Mais nous avons maintenant besoin d'un processus de confiance mutuelle. Et je m'engage à ce que les deux parties se parlent", a dit le ministre allemand.

Il a également "encouragé le gouvernement libanais à veiller à ce qu'un processus crédible, compréhensible et rapide de désarmement du Hezbollah soit mis en place", une "tâche colossale" mais, a-t-il estimé, "la condition sine qua non" pour régler les relations avec Israël.

Le Hezbollah est sorti très affaibli du conflit et les Etats-Unis exercent une intense pression sur le gouvernement libanais pour que le mouvement chiite livre ses armes à l'armée nationale, ce qu'il refuse jusqu'à présent.


Israël a rendu à Gaza 30 corps de Palestiniens en échange de deux dépouilles d'otages 

Israël a rendu vendredi à l'hôpital Nasser les corps de 30 Palestiniens en échange de deux dépouilles d'otages israéliens restituées la veille par le mouvement islamiste palestinien Hamas, a indiqué à l'AFP cet établissement du sud de la bande de Gaza. (AFP)
Israël a rendu vendredi à l'hôpital Nasser les corps de 30 Palestiniens en échange de deux dépouilles d'otages israéliens restituées la veille par le mouvement islamiste palestinien Hamas, a indiqué à l'AFP cet établissement du sud de la bande de Gaza. (AFP)
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  • "Les corps de 30 prisonniers palestiniens ont été reçus de la partie israélienne dans le cadre de l'accord d'échange", a précisé l'hôpital, situé à Khan Younès
  • Au total, en échange de 15 dépouilles d'Israéliens, 225 dépouilles de Palestiniens ont été rendues conformément aux termes de l'accord de cessez-le feu en vigueur depuis le 10 octobre

GAZA: Israël a rendu vendredi à l'hôpital Nasser les corps de 30 Palestiniens en échange de deux dépouilles d'otages israéliens restituées la veille par le mouvement islamiste palestinien Hamas, a indiqué à l'AFP cet établissement du sud de la bande de Gaza.

"Les corps de 30 prisonniers palestiniens ont été reçus de la partie israélienne dans le cadre de l'accord d'échange", a précisé l'hôpital, situé à Khan Younès.

Les otages avaient été enlevés lors de l'attaque sans précédent du Hamas en Israël le 7 octobre 2023, qui avait déclenché la guerre dans la bande Gaza.

Au total, en échange de 15 dépouilles d'Israéliens, 225 dépouilles de Palestiniens ont été rendues conformément aux termes de l'accord de cessez-le feu en vigueur depuis le 10 octobre.

Depuis cette date, le Hamas a également rendu deux dépouilles d'otages non-israéliens, un Thaïlandais et un Népalais.

Le mouvement islamiste a jusqu'à présent restitué les restes de 17 des 28 corps qui se trouvaient encore à Gaza et auraient dû être rendus au début de la trêve, assurant que localiser les autres dépouilles est "complexe" dans le territoire dévasté par deux ans de guerre.

Des équipes égyptiennes autorisées à entrer dans le territoire palestinien par Israël participent aux recherches avec des engins de chantiers.

Lundi soir, le Hamas avait rendu à Israël les restes d'un otage, identifié comme étant ceux d'Ofir Tzarfati, dont une partie de la dépouille avait déjà été récupérée en deux fois.

Les retards successifs dans la remise des corps des otages ont provoqué la colère du gouvernement israélien, qui a accusé le Hamas de violer l'accord de trêve. Et les familles des otages ont exigé des mesures plus sévères pour contraindre le groupe palestinien à se conformer à l'accord.

Dix corps d'otages du 7-Octobre seraient encore à Gaza, ainsi que celui d'un soldat mort durant une guerre en 2014. Tous sont israéliens sauf un Tanzanien et un Thaïlandais.

Par ailleurs, à deux reprises depuis le 10 octobre, Israël a mené des bombardements massifs sur Gaza en représailles à des tirs qui ont tué trois de ses soldats. Le 19 octobre, les bombardements israéliens avaient fait au moins 45 morts et mardi 104.

Le Hamas, qui dément avoir tiré sur les soldats israéliens, a accusé Israël de violer le cessez-le-feu.