L’accord entre l’Arabie saoudite et l’Iran marquerait-il le début d’une nouvelle ère?

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Publié le Vendredi 17 mars 2023

L’accord entre l’Arabie saoudite et l’Iran marquerait-il le début d’une nouvelle ère?

L’accord entre l’Arabie saoudite et l’Iran marquerait-il le début d’une nouvelle ère?
  • Pendant le mandat présidentiel d’Akbar Hashemi Rafsandjani (1989-1997), l’Arabie saoudite et l’Iran ont déployé des efforts considérables sur le plan diplomatique, ce qui a laissé place au dialogue et conduit à une désescalade régionale
  • Le succès au cours des semaines et des mois à venir dépendra de la manière dont l’Iran modifiera ses politiques régionales conformément aux principes internationalement acceptés du comportement de l’État

L’accord qui vise à rétablir les relations diplomatiques entre l’Arabie saoudite et l’Iran après sept ans d’interruption et de nombreuses années de conflit a suscité de l’espoir dans toute la région et bien au-delà. Beaucoup s’attendent à ce que la restauration des relations diplomatiques soit la première étape vers la désescalade et la résolution des conflits par le dialogue et la diplomatie. Mais quelle est la probabilité que cette démarche menée par les deux principales puissances régionales entraîne des changements importants au niveau des politiques régionales de l’Iran? Dans quelle mesure cet accord est-il différent des ententes précédentes qui n’ont finalement pas réussi à changer la conduite régionale de l’Iran?
L’Arabie saoudite et les autres pays du Conseil de coopération du Golfe (CCG) ont constamment souligné que la diplomatie était leur moyen préféré de régler les conflits avec l’Iran – le plus récemment dans un communiqué publié le 15 février à la suite d’une réunion du groupe de travail CCG-États-Unis sur l’Iran au siège du CCG à Riyad. Ce groupe a été créé en 2015 pour coordonner les approches des États-Unis et du CCG par rapport à l’Iran, y compris son programme nucléaire, ses missiles balistiques, ses drones et son activité régionale.
Il y a eu plusieurs tentatives précédentes de diplomatie entre l’Arabie saoudite, et le CCG dans son ensemble, et l’Iran. Certaines ont été plus soutenues et réussies que d’autres.
Pendant le mandat présidentiel d’Akbar Hashemi Rafsandjani (1989-1997), l’Arabie saoudite et l’Iran ont déployé des efforts considérables sur le plan diplomatique, ce qui a laissé place au dialogue et conduit à une désescalade régionale, permettant aux deux côtés de faire preuve de bonne volonté.
Grâce à ces progrès, deux accords ont été conclus entre l’Arabie saoudite et l'Iran sous la présidence de Mohammed Khatami (1997-2005): l’accord général pour la coopération dans les domaines de l’économie, du commerce, de l’investissement, de la technologie, de la science, de la culture, des sports et de la jeunesse, qui a été signé en mai 1998, et l’accord de coopération en matière de sécurité, signé en avril 2001.
En décembre 2007, le CCG a invité le président Mahmoud Ahmadinejad à assister à son sommet annuel, où il a prononcé un discours de réconciliation suivi de plusieurs manœuvres diplomatiques au cours de son premier mandat. Cependant, la politique régionale de l’Iran a considérablement changé au cours du deuxième mandat d’Ahmadinejad, qui a débuté en 2009, devenant plus agressive et intrusive. Son deuxième mandat a commencé par des manifestations sanglantes et des accusations d’élections truquées, dans le cadre de ce qu’on a qualifié de Mouvement vert. Beaucoup ont été tués, blessés ou arrêtés, dont les deux candidats de l’opposition.
Confronté à une vive opposition dans son pays et à des remises en cause de sa légitimité, le gouvernement radical d’Ahmadinejad de l’époque a profité des soi-disant soulèvements populaires du printemps arabe au début de 2011. En Syrie, il a soutenu le régime d’Al-Assad dans la répression pacifique de la dissidence par la force, en mobilisant des milices sectaires du Liban, d’Afghanistan et d’Iran, travaillant sous la direction du Corps des gardiens de la révolution islamique (CGRI), en particulier de sa force Al-Qods. Il a adopté des tactiques similaires ailleurs, se vantant à un moment donné d’avoir le contrôle de quatre capitales arabes.

Le rôle de la Chine est le nouvel élément qui pourrait contribuer au succès des prochaines étapes après le rétablissement des relations diplomatiques.

Dr Abdel Aziz Aluwaisheg

Pendant la présidence de Hassan Rohani (2013-2021), le CCG a néanmoins poursuivi ses tentatives de diplomatie, échangeant avec l’Iran des correspondances et des réunions de fond visant à établir de nouvelles règles d’engagement plus fiables, notamment en mettant l'accent sur le droit international et la charte des Nations unies en tant que base du dialogue.
Sous l’actuel président Ebrahim Raïssi, les États membres du CCG ont poursuivi les discussions dans le même but, y compris des réunions entre l’Arabie saoudite et l’Iran à Oman et en Irak, ouvrant la voie à l’annonce faite vendredi à Pékin.
Les déclarations faites après l’annonce du conseiller à la sécurité nationale, le Dr Musaed ben Mohammed al-Aiban, représentant saoudien aux pourparlers de Pékin, expriment l’espoir que l’accord conduirait à des relations de bon voisinage avec l’Iran, au renforcement de la sécurité et de la stabilité dans la région et dans le monde, et à l’adoption du «principe du dialogue et de la diplomatie» pour résoudre les désaccords.
L’Arabie saoudite espère clairement que l’accord ouvrira une nouvelle page basée sur un engagement envers les «principes et objectifs des chartes des Nations unies, de l’Organisation de la coopération islamique, et des conventions et normes internationales», y compris le respect de la souveraineté des États et la non-ingérence dans leurs affaires intérieures.
Il y a une continuité évidente entre les messages livrés précédemment par le CCG et les autres États membres. Ils mettent particulièrement l’accent sur le droit international et les conventions et coutumes au niveau des relations entre les États de la région.
L’Arabie saoudite espère que l’accord contribuera à maintenir un dialogue constructif.
Il y a de nombreuses raisons pour lesquelles l’Iran s’est soudain tourné vers la diplomatie avec l’Arabie saoudite, après des années d’agression à la fois directement et par l’intermédiaire de ses mandataires et collaborateurs régionaux. Le Royaume a été la cible de centaines d’attaques par missiles et drones au cours des dernières années. Ses villes, ses aéroports et ses installations pétrolières ont été fréquemment la cible de ces attaques. Les sanctions occidentales ont contribué à limiter la capacité de l’Iran à s’étendre indéfiniment et les troubles locaux sont également un facteur de ce revirement de situation, puisque les partisans de la ligne dure se sont retrouvés trop dispersés et incapables de subvenir aux besoins de la population iranienne, usée et appauvrie par les politiques de Téhéran.
Les forces de défense du CCG et la présence militaire considérable de nombreux pays dans le Golfe, y compris la cinquième flotte des États-Unis, les forces maritimes combinées et d’autres, ont également réduit les options militaires de l’Iran.
Les efforts diplomatiques d’autres pays du CCG et de l’Irak ont également aidé les deux parties à en arriver là. Cependant, la Chine a joué un rôle déterminant dans ces progrès, grâce à l’implication personnelle du président Xi Jinping et de ses principaux conseillers, dont Wang Yi.
Les deux parties ont exprimé leur souhait de voir le rôle «continu et positif» de la Chine à l’avenir. Ce rôle est le nouvel élément qui pourrait contribuer au succès des prochaines étapes après le rétablissement des relations diplomatiques. En effet, le pays entretient des relations étroites avec l’Arabie saoudite et l’Iran et a mis son prestige diplomatique en jeu de manière très visible.
Le succès au cours des semaines et des mois à venir dépendra de la manière dont l’Iran modifiera ses politiques régionales conformément aux principes internationalement acceptés du comportement de l’État. Par exemple, Téhéran cessera-t-il d’envoyer des armes au Yémen et permettra-t-il aux Yéménites de régler leurs différends à la table des négociations conformément à la loi et à la Constitution du Yémen et aux résolutions de l’ONU?
Au Liban, Téhéran permettra-t-il enfin au Parlement d’élire un nouveau président consensuel après un retard de plusieurs mois et des tentatives d’imposer par la force et l’intimidation un partisan de l’Iran et du Hezbollah à la présidence?
En Irak, Téhéran arrêtera-t-il ses attaques par missiles et drones contre le territoire irakien et la Coalition mondiale pour vaincre Daech?
La liste est longue, mais les observateurs et les acteurs clés surveilleront si le gouvernement iranien tiendra les promesses faites à Pékin la semaine dernière.
Le Dr Abdel Aziz Aluwaisheg est le secrétaire général adjoint du Conseil de coopération du Golfe pour les affaires politiques et la négociation, et un chroniqueur régulier chez Arab News.
Twitter: @abuhamad1
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com