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Tout le monde s'y attendait. Les attaques israéliennes brutales perpétrées pendant le ramadan, et en particulier mardi soir, contre les fidèles de la troisième mosquée la plus sacrée de l'islam, n'ont pas été une surprise. Tout le monde l'avait prédit. La Jordanie, gardienne des Lieux saints de Jérusalem, a convoqué des réunions de sécurité au plus haut niveau pour éviter les attaques. Le roi Abdallah, dont la famille hachémite a pris en charge l'administration du Lieu saint construit il y a mille quatre cents ans, s'est personnellement impliqué dans le sommet d'Aqaba, qui a été suivi par les réunions de Charm el-Cheikh. Ses efforts et ceux d'autres personnes pour désamorcer les tensions ont échoué en raison de l'intransigeance d'Israël et de son incapacité à s'opposer à ses fanatiques.
Toutes les personnes et tous les gouvernements concernés, y compris Washington et Le Caire, ont insisté pour que des réunions de sécurité soient organisées afin d'éviter la violence et l'escalade dans et autour de cette mosquée sacrée, qui est vénérée par 1,9 milliard de fidèles musulmans dans le monde entier. Israël a promis une désescalade, mais a fait le contraire. Le gouvernement actuel truffé d'extrémistes, dirigé par Benjamin Netanyahou qui est soumis à leurs souhaits, semble incapable de les contrôler. Les gigantesques manifestations populaires en Israël concernant les projets de réforme du système judiciaire ont ébranlé le Premier ministre, d'habitude politiquement stable. Le fait de laisser au ministre extrémiste de la Sécurité nationale le soin de régler la question sensible de la mosquée Al-Aqsa pendant le ramadan et Pâques a enflammé la situation.
Le gouvernement israélien a fermé les yeux sur les fanatiques juifs radicaux qui ont installé près de la mosquée Al-Aqsa un site où des animaux étaient censés être sacrifiés. Il n'a rien fait non plus pour empêcher une organisation radicale de récompenser généreusement tout fanatique prêt à pénétrer dans la zone de la mosquée pour y répandre les cendres de l'agneau sacrifié. Au lieu de cela, les troupes israéliennes ont décidé que le principal problème auquel elles étaient confrontées était le fait que quelques fidèles musulmans avaient décidé de passer la nuit dans le Lieu saint. La pratique de l'itikaf (retraite spirituelle) a lieu pendant le mois sacré musulman du ramadan depuis des siècles. Il est vrai que la plupart des personnes qui passent la nuit pendant le mois de jeûne le font au cours des dix derniers jours, mais en raison de la menace réelle et sérieuse de voir des juifs fanatiques prendre d'assaut la mosquée, nombreux sont ceux qui ont décidé d'anticiper cette violation du statu quo en offrant littéralement leur propre corps pour protéger leur Lieu saint.
Les avertissements adressés par des gouvernements et d'autres aux dirigeants israéliens sont passés inaperçus, car le ministre israélien de la Sécurité nationale, Itamar Ben-Gvir, était aux commandes et il voulait montrer à ses collègues qu'il était fidèle à sa propre idéologie malfaisante. Les efforts déployés pour obtenir une déclaration de M. Ben-Gvir respectant le statu quo et s'opposant à l'assaut de la mosquée ont échoué, le ministre chargé de la sécurité ayant ignoré un bain de sang prévisible.
Le gouvernement israélien a fermé les yeux sur les fanatiques juifs radicaux qui ont installé un site près de la mosquée Al-Aqsa.
Daoud Kuttab
Le conflit israélo-palestinien, qui dure depuis des décennies, est essentiellement politique, même si le mouvement sioniste a utilisé la religion pour faire valoir ses prétentions à un droit divin sur la terre de Palestine. Toutefois, pour la communauté internationale, Israël se comporte comme un pays démocratique et civilisé qui croit au droit de culte et respecte le droit humanitaire. Les efforts déployés par les Palestiniens, les Israéliens et les organisations non gouvernementales (ONG) internationales pour dénoncer ce mensonge sont passés inaperçus jusqu'à ce que des centaines de milliers de juifs israéliens manifestent pour s'opposer à ce qu'ils considèrent comme des mesures antidémocratiques, même à l'encontre de leurs concitoyens juifs (en grande partie laïques).
La décision du gouvernement Netanyahou, contrôlé par les colons, d'ignorer les avertissements et de violer le statu quo millénaire plonge la zone et la région, ainsi que la communauté mondiale, dans un conflit religieux dont personne ne peut prédire l'issue. Les Palestiniens utilisent leur propre corps pour protéger leurs Lieux saints, mais la communauté mondiale des musulmans et d'autres personnes qui comprennent les dangers de ce qui se passe à Jérusalem ne permettront pas une guerre de religion.
La foi est un élément important de la vie individuelle et collective. Il est important que la foi soit laissée à la relation entre les humains et leur Dieu. La foi est également une question communautaire, et l'introduction d'un conflit politique en violation des croyances de longue date et de l’attachement aux Lieux saints est un acte dangereux qui peut être totalement évité.
Les puissants dirigeants qui ont occupé Jérusalem n'ont pas réussi à contrôler la ville lorsqu'ils ont tenté de prendre en compte les souhaits de la communauté de foi locale avec laquelle ils traitaient. Israël ne fait pas exception à cette règle. Plus vite les Israéliens comprendront et respecteront le statu quo et veilleront à ce que les différends politiques soient résolus politiquement sans faire intervenir des émotions religieuses, mieux ce sera pour toutes les parties concernées.
La mosquée Al-Aqsa est un Lieu saint musulman administré par des dirigeants respectés qui se sont efforcés d'éviter la violence et les effusions de sang. Si tous les préparatifs et les avertissements restent lettre morte, il faut en conclure qu'il existe des parties malveillantes qui ne veulent pas de la stabilité et de la paix. Le respect du Lieu saint et de ses traditions est une étape nécessaire pour que la zone et la région restent stables et pacifiques. La patience de ceux dont la foi et les traditions sont bafouées ne doit pas être davantage mise à l'épreuve.
Daoud Kuttab est un journaliste palestinien de Jérusalem. Il a été professeur de journalisme à l'université de Princeton.
Twitter : @daoudkuttab
NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
