Un élu américain se retrouve au cœur de l'injustice israélo-palestinienne

Un diplomate européen vérifie un bâtiment palestinien qui a été incendié par des colons israéliens, à Turmus Ayya, le 23 juin 2023. (Photo, Reuters)
Un diplomate européen vérifie un bâtiment palestinien qui a été incendié par des colons israéliens, à Turmus Ayya, le 23 juin 2023. (Photo, Reuters)
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Publié le Samedi 01 juillet 2023

Un élu américain se retrouve au cœur de l'injustice israélo-palestinienne

Un élu américain se retrouve au cœur de l'injustice israélo-palestinienne
  • Lorsque des Palestiniens sont tués, les médias les traitent généralement comme de simples statistiques, des chiffres qui ne cessent de croître
  • Toutefois, le pogrom de Turmus Ayya a donné l'occasion aux Palestiniens d'équilibrer l’écho des médias

Depuis le début de l'année, après la formation du gouvernement le plus à droite de l'histoire d'Israël, entre cent trente et cent soixante Palestiniens et vingt-quatre à quarante Israéliens ont été tués. Malgré la disparité de ces chiffres, avec environ cinq fois plus de morts palestiniens, les médias occidentaux continuent de traiter les Israéliens comme des victimes et les Palestiniens comme des terroristes.

Lorsque des Palestiniens sont tués, les médias les traitent généralement comme de simples statistiques, des chiffres qui ne cessent de croître, occultant toute forme d’humanité et décourageant toute sympathie. En revanche, lorsque des Israéliens sont tués, les médias les décrivent dans les termes les plus humanistes et donnent des détails tels que leur nom et leur âge, voire leurs espoirs et leurs rêves.

Il s'agit d'un cycle familier qui se répète sans cesse.

Le 19 juin, les forces israéliennes ont pris d'assaut le camp de réfugiés de Jénine, en Cisjordanie. Elles ont tué cinq Palestiniens et en ont blessé quatre-vingt-onze autres. La plupart des médias occidentaux ont décrit cette violence comme une simple poursuite des tensions entre Israéliens et Palestiniens. Quelques jours plus tard, quatre colons israéliens ont été tués par des Palestiniens; cette fois, les tueries ont fait la une des journaux nationaux.

Cette couverture médiatique subjective a renforcé l'atmosphère de choc et de colère du public à l'égard des Palestiniens. Le lendemain, des centaines de colons israéliens armés ont pris pour cible Turmus Ayya, un village situé au nord de Jérusalem, en Cisjordanie. Ils se sont déchaînés dans ce que de nombreux Palestiniens ont décrit comme un véritable pogrom, ont tiré des coups de feu sur des maisons, tué un Palestinien et blessé plus d'une douzaine d'autres. Le maire, Lafi Adeeb, a déclaré que trente maisons et soixante voitures avaient été endommagées ou détruites par le feu.

Toutefois, le pogrom de Turmus Ayya a également donné l'occasion aux Palestiniens d'équilibrer l’écho des médias. L'un des Palestiniens qui s'est retrouvé au milieu du pogrom est Abdelnasser Rashid, un dirigeant de Chicago formé à Harvard, qui a été élu en novembre dernier et est devenu le premier membre palestinien et musulman de l'Assemblée générale de l'Illinois. Rashid rendait visite à des membres de sa famille dans le village lorsque les colons armés ont commencé leur carnage.

L'histoire de Rashid, qui s'est retrouvé au milieu de cet horrible acte de violence, est devenue la pierre angulaire de l'intérêt des médias américains, principalement à Chicago, où plusieurs chaînes de télévision ont rendu compte de la violence et de ses craintes. Il a déclaré aux médias de Chicago et à Arab News qu'il était avec sa fille de 7 ans à ce moment-là et qu'elle craignait pour sa vie tandis que des coups de feu résonnaient dans tout le village.

Sa peur, justifiée, l'a poussé à écrire une lettre de deux pages pour partager son expérience avec d'autres membres de l'Assemblée générale de l'Illinois. Rashid écrit: «Le mercredi 21 juin, je me trouvais dans la ville voisine de Ramallah pour faire des courses lorsque j'ai reçu un appel affolé de ma mère. Elle m'a dit que le village était attaqué par une foule de colons israéliens armés. Pendant que nous parlions, mon téléphone a été inondé de vidéos et de photos de l'attaque en direct. J'ai raccroché et j'ai commencé à contacter l'ambassade des États-Unis, le département d'État et d'autres organismes.

«Le lendemain, jeudi, je n'oublierai jamais le sentiment que j'ai ressenti lorsque j'ai reçu un SMS qui m’informait que les colons étaient de retour, cette fois dans mon quartier. […] Puis les coups de feu ont commencé et nous savions que nous devions rester à l'intérieur. J'ai couru dehors en criant à ma famille de rentrer. Nous avons barricadé les portes, fermé les fenêtres et commencé à élaborer un plan de sécurité. Ma fille de 7 ans s'est accrochée à moi et m'a demandé, en pleurant: “Qu'est-ce qu'on fait si on nous tire dessus?” Je ne savais vraiment pas, à ce moment-là, si nous allions être tués.»

Rashid a déclaré qu'il avait dû parler à ses jeunes enfants et leur expliquer que «le gouvernement israélien ne croit pas que nous méritons l'égalité des droits» et que «nous devons être particulièrement prudents parce que nous pouvons être blessés ou même tués impunément».

Le pogrom de Turmus Ayya a donné aux Palestiniens l'occasion d'équilibrer l'écho des médias.

Ray Hanania

Plusieurs collègues parlementaires lui ont répondu par des messages personnels de sympathie. Mais lorsque j'ai essayé de contacter des membres du corps législatif pour qu'ils s'expriment publiquement sur la violence et l'horrible expérience de Rashid, la plupart d'entre eux m'ont répondu qu'ils craignaient de s'immiscer dans une question où ils seraient probablement dénoncés comme antisémites parce qu'ils critiqueraient Israël.

Il s'agit là d'un autre préjugé américain, adopté par une grande partie des médias occidentaux: l'affirmation selon laquelle critiquer le gouvernement d'Israël équivaut à de la haine antijuive. Cela ne doit pas être pris à la légère. L'Illinois a été l'un des premiers des 35 États américains à adopter une législation qui vise à punir toute personne qui critique ou boycotte Israël, un pays étranger.

Rashid a également déposé une plainte auprès du département d'État américain. Sans mentionner son témoignage, ce dernier a exprimé son inquiétude face à l'escalade de la violence «des deux côtés». Son porte-parole, Vedant Patel, a fait part de son indignation face au massacre «terroriste» des quatre Israéliens, ajoutant que la Maison Blanche était «profondément préoccupée par la montée de la violence en Cisjordanie au cours des derniers mois». L’expression «montée de la violence» fait référence aux cent trente à cent soixante Palestiniens tués. Ils sont sans visage et considérés comme des statistiques déshumanisées.

Bien que Patel ait également noté les «rapports troublants sur la violence des colons extrémistes», la déclaration n'est pas allée beaucoup plus loin sur ce sujet.

L'American Arab Anti-Discrimination Committee, qui surveille la discrimination à l'encontre des Arabes, a demandé au ministère de la Justice et à l'administration Biden d'enquêter sur le rôle joué par les colons israélo-américains dans les meurtres, les incendies criminels et les actes de violence.

Le conflit israélo-palestinien n'est pas seulement une guerre violente qui fait des victimes des deux côtés, quoique dans un camp plus que dans l'autre. Il expose un tableau de la manière dont les médias peuvent émousser la justice pour certains et l'exagérer pour d'autres.

 

Ray Hanania est un ancien journaliste politique et chroniqueur plusieurs fois primé de la mairie de Chicago. Il peut être joint sur son site Internet personnel à l'adresse www.Hanania.com
Twitter: @RayHanania

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com