Les Américains d'origine arabe se donnent enfin une chance d'émancipation

Si les Américains d'origine arabe sont forts aux États-Unis, leur lobbying sur les questions relatives au Moyen-Orient sera d’autant plus efficace (Photo, AFP).
Si les Américains d'origine arabe sont forts aux États-Unis, leur lobbying sur les questions relatives au Moyen-Orient sera d’autant plus efficace (Photo, AFP).
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Publié le Mardi 25 juillet 2023

Les Américains d'origine arabe se donnent enfin une chance d'émancipation

Les Américains d'origine arabe se donnent enfin une chance d'émancipation
  • Le Conseil consultatif des entreprises arabo-américaines a un objectif essentiel qui ne doit pas être considéré comme acquis: il certifiera les entreprises appartenant à des Arabes
  • Afin de lutter plus efficacement pour la Palestine, la communauté arabo-américaine doit recentrer ses efforts sur les défis qui existent aux États-Unis

La semaine dernière, le Comité américain de lutte contre la discrimination arabe a créé le Conseil consultatif des entreprises arabo-américaines, qui s'attachera à fournir un nouveau service important à la communauté.

Ce Conseil consultatif n'est pas «une organisation arabe de plus», dotée d'un conseil d'administration et d'un grand nombre de patrons arborant des titres, qui organise des dîners et des fêtes. Il a un objectif essentiel qui ne doit pas être considéré comme acquis: il certifiera les entreprises appartenant à des Arabes afin de les aider à obtenir leur part des marchés publics.

Chaque année, les autorités fédérales, étatiques et locales réservent une part importante des centaines de milliards de dollars (1 dollar = 0,90 euro) de contrats nécessaires pour fournir des services au peuple américain à des entreprises reconnues comme appartenant à des minorités. Mais comme les Arabes ne sont pas identifiés comme une minorité dans les programmes gouvernementaux tels que le recensement américain ou le processus d'entreprise minoritaire, ils sont laissés pour compte et doivent rivaliser, pour les marchés publics, avec des sociétés disposant de ressources, de moyens financiers et de relations politiques bien plus importants.

On entend constamment dire que le gouvernement fédéral et certains gouvernements d'État reconnaissent la région du Moyen-Orient et l'Afrique du Nord (Mena) comme une nouvelle catégorie de minorité. Mais tous les projets de loi qui ont été proposés jusqu'à présent sur ce sujet ne mentionnent même pas le mot «arabe».

Le Conseil consultatif des entreprises arabo-américaines vise à combler ce vide. Il combine également la désignation de la minorité arabe – qui est la manière appropriée d'aborder et d'identifier la communauté arabo-américaine – avec la nouvelle catégorie plus large de Mena, dans laquelle les Arabes sont regroupés avec les non-Arabes tels que les Perses, les Israéliens et les Turcs.

Depuis des décennies, les Arabo-Américains font pression pour être reconnus en tant qu'entité minoritaire officielle. Pourquoi les gouvernements américains, à tous les niveaux, ne les ont-ils pas considérés comme tels?

Aux États-Unis, lorsque vous êtes reconnu comme une minorité, vous bénéficiez de privilèges et de considérations particulières. L'un des plus importants est l'obligation de recevoir une partie des contrats gouvernementaux. Ceux-ci doivent être répartis entre les nombreuses minorités reconnues, telles que les Noirs, les Hispaniques, les Asiatiques, les Amérindiens et autres.

En outre, le fait d'être reconnu comme un groupe minoritaire, ce que le nouveau Conseil contribuera à promouvoir, suppose que votre communauté reçoive un soutien financier sous la forme de subventions destinées à financer des projets tels que la création de centres communautaires, la publicité pour vos journaux et les médias communautaires, ainsi que la mise en place de services sociaux visant à résoudre les problèmes sanitaires et sociaux.

Plus important encore, le fait d'être officiellement reconnu comme une minorité oblige le gouvernement américain à prendre des mesures qui renforcent la voix politique et électorale de cette communauté. Cela signifie que, lorsque des minorités vivent à proximité les unes des autres, elles doivent être incluses dans une même circonscription politique afin de les aider à élire leurs propres représentants au niveau fédéral, étatique et local.

Les forces antiarabes au Congrès américain et dans les Assemblées législatives des États sont déterminées à faire taire les voix arabes.

Ray Hanania

Sans cette reconnaissance, les minorités peuvent être politiquement évincées, comme elles l'ont été récemment dans l'Illinois, lorsque le gouvernement fédéral et l'État se sont réunis pour diviser l'ancienne 3e circonscription du Congrès. Une initiative prise en partie parce que cette circonscription présentait la huitième plus grande concentration d'électeurs arabo-américains et pouvait faire accéder des Arabo-Américains au Congrès et à l’Assemblée législative de l'État.

Le 3e district du Congrès a été divisé en cinq nouveaux districts en vertu des lois fédérales sur le redécoupage électoral et désormais, ce qui était autrefois une voix puissante de l'électorat arabe, qui avait élu l'un des membres du Congrès le plus ouvertement pro-arabe, Marie Newman, s'est dilué et affaibli.

En politique américaine, cela s'appelle «diviser pour mieux régner». Les forces antiarabes au Congrès américain et dans les Assemblées législatives des États sont déterminées à faire taire les voix arabes, ainsi que les voix non-arabes qui défendent les droits des Arabes.

Le Comité américain de lutte contre la discrimination arabe et sa nouvelle entreprise commerciale font les premiers pas d'un processus formel de lutte contre ceux qui cherchent à diviser et à conquérir la communauté arabo-américaine. Le Conseil peut également contribuer à rassembler les entreprises arabo-américaines à l’échelle nationale afin qu'elles se concentrent sur les besoins de la communauté et non sur la politique internationale. Il existe près de six Chambres arabes dans les villes du pays. Il devrait y en avoir davantage et elles devraient travailler ensemble. Pour l'instant, ce n'est pas le cas. Ce Conseil peut contribuer à modifier ce schéma.

L'un des problèmes de ce processus est que les Américains d'origine arabe n'ont jamais pris cette question suffisamment au sérieux et ils ne se sont jamais battus pour elle. Ils ont été accaparés par des questions plus importantes, telles que la lutte pour les droits des Palestiniens en Palestine. Ils résistent fièrement à l'idée d'être considérés comme une minorité. Aux yeux de certains Arabes, le fait d'être qualifié de «minorité» est désobligeant et suggère la faiblesse, ce qui remet en question l'orgueil des Arabes et leur capacité à réussir. Les Américains d'origine arabe réussissent dans presque tous les domaines, sauf en politique et pour ce qui est d'être accepté par la société américaine.

La politique et la Palestine sont plus importantes à leurs yeux que des questions telles que la reconnaissance des besoins des entreprises arabo-américaines.

Afin de lutter plus efficacement pour la Palestine, la communauté arabo-américaine doit recentrer ses efforts sur les défis qui existent aux États-Unis. Si les Arabo-Américains sont forts et unis aux États-Unis, leur lobbying sur les questions relatives au Moyen-Orient sera d’autant plus efficace. S'ils sont forts, cohérents et unis, leurs voix seront beaucoup plus puissantes et efficaces dans le domaine des affaires étrangères et de l'émancipation des Arabo-Américains.

C'est pourquoi la création du Conseil consultatif des entreprises arabo-américaines est probablement l'une des annonces les plus importantes qui aient été faites dans la communauté depuis que les Arabes ont déclaré pour la première fois qu'ils voulaient être pris en compte dans le recensement américain, il y a cinquante ans.

- Ray Hanania est un ancien journaliste politique et chroniqueur primé de la mairie de Chicago. Il peut être joint sur son site web personnel à l'adresse suivante: www.Hanania.com.

Twitter: @RayHanania

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com