Beyrouth: Un concert de pop devient le symbole des disparités économiques au Liban

Le chanteur égyptien Amr Diab lors du concert à Beyrouth le 19 août, à mille lieues de ceux qui subissent les affres d'une crise économique prolongée (Photo, AFP).
Le chanteur égyptien Amr Diab lors du concert à Beyrouth le 19 août, à mille lieues de ceux qui subissent les affres d'une crise économique prolongée (Photo, AFP).
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Publié le Lundi 28 août 2023

Beyrouth: Un concert de pop devient le symbole des disparités économiques au Liban

  • Depuis 2019, la monnaie libanaise a perdu plus de 90% de sa valeur ; 80% de la population vit désormais sous le seuil de pauvreté
  • Les disparités économiques dans le pays se sont clairement manifestées lors du concert donné par le chanteur Amr Diab sur le front de mer de Beyrouth

DUBAÏ: Le chanteur égyptien Amr Diab s'est produit devant des milliers de personnes sur le front de mer de Beyrouth, au Liban, le 19 août. Les billets ont été vendus à 60 dollars l'unité (1 dollar = 0,93 euro), et les spectateurs ont été priés de s'habiller en blanc pour pouvoir entrer.

Lors de son premier concert au Liban depuis douze ans, le chanteur arborait une montre Rolex d'une valeur de 500 000 dollars et aurait été payé 750 000 dollars pour le concert et une représentation privée à l'occasion d'un mariage.

Les fans libanais de Diab ont sans doute été éblouis, à en croire leurs posts Instagram depuis le lieu du concert. Toutefois, nombreux sont ceux qui ont trouvé le concert et sa star de mauvais ton à une période où le Liban traverse une crise économique qui a poussé 80% de sa population en dessous du seuil de pauvreté.

L'image festive que les jeunes élites du pays projettent sur les réseaux sociaux dissimule la réalité d'une nation en proie à une multitude de crises et au bord de l'effondrement (Photo, réseaux sociaux).

Certains se demandent aussi comment Diab a pu rassembler près de 20 000 personnes sur le front de mer de Beyrouth, alors que les familles touchées par l'explosion du port de Beyrouth continuent d'appeler en vain leurs concitoyens à l'aide.

L'explosion du 4 août 2020 à Beyrouth, l'une des plus importantes explosions non nucléaires de l'histoire, a dévasté la capitale. Le choc a détruit le port de Beyrouth, endommagé plus de la moitié de la ville et tué 218 personnes, faisant environ 7 000 blessés et laissant quelque 300 000 sans abri.

Nasser Yassin, ministre libanais de l'Environnement, a vivement critiqué l'état dans lequel les lieux ont été laissés après la fin du spectacle. Des vidéos diffusées sur les réseaux sociaux montrent les rues environnantes jonchées d'ordures.

Dans un message publié sur X (anciennement Twitter), M. Yassin a demandé à la société qui a organisé l'événement de nettoyer le site et les rues adjacentes à ses propres frais, conformément à la loi 80 de 2018 sur la gestion des déchets du pays.

Il a également demandé au gouverneur de Beyrouth de publier des directives générales en matière de propreté et a terminé son message par un hashtag en arabe qui se traduit par «nettoie ton pays».

Des militaires à la retraite se heurtent à des soldats devant la banque centrale du Liban lors d'une manifestation réclamant des ajustements à l'inflation de leurs pensions, à Beyrouth, le 30 mars 2023 (Photo, AFP).

Les internautes arabes se sont également emparés de la plateforme X pour commenter les vidéos du concert, affichant des messages sarcastiques tels que «le dollar est revenu au taux de change de 1 500 livres libanaises et l'électricité est également rétablie».

D'autres commentaires ont pris un ton plus sérieux : «même si Michael Jackson revenait d'entre les morts pour se produire, la ville restera paralysée jusqu'à ce que les victimes de l'explosion obtiennent justice», affirme l’un d’eux. 

Le journaliste libanais Omar Kaskas a défendu les fêtards contre les critiques dans un article publié sur Houna Loubnan: «Ils ont pointé du doigt les fans passionnés d'Amr Diab, leur attribuant la responsabilité de l'explosion du port, de l'effondrement politique et financier et, selon certains intellectuels, du vide présidentiel et gouvernemental dans le pays!»

Si personne n'a blâmé les fans de Diab pour le malheur économique du Liban, le concert et les participants vêtus de blanc ont illustré un écart de richesse flagrant qui a abouti à deux sociétés parallèles dans une ville autrefois connue comme le Paris du Moyen-Orient.

Beyrouth est devenue une ville de contrastes, avec des voitures de luxe hors de prix garées devant des restaurants et des bars chics, tandis que de l'autre côté de la rue, des gens fouillent dans les poubelles à la recherche de quelque chose à manger ou à vendre. La situation économique est devenue si désastreuse que certains Libanais en sont venus à voler leurs propres fonds gelés dans les banques.

Le vide présidentiel et administratif du pays est aggravé par l'incapacité de la classe dirigeante à former un nouveau gouvernement et à élire un président. L'opinion publique reste indifférente à l'évolution de la situation politique. De nombreux Libanais, préoccupés par leur survie au jour le jour, font la sourde oreille aux discours des partis.

Tatiana, une mère de deux enfants vivant dans la capitale et qui a préféré ne pas donner son nom de famille, a déclaré à Arab News: «J'ai honte de ma situation actuelle, même si ce n'est pas moi qui l'ai provoquée. J'envoie mes filles à l'école, mais je dois souvent le faire sans sandwichs, encas et friandises qu'elles peuvent manger pendant les récréations, ou avec une seule tartine de labné dont elles se sont lassées.»

Tatiana a du mal à subvenir aux besoins de ses filles, mais elles continuent au moins d'aller à l'école. De nombreuses autres familles libanaises ont été contraintes de retirer leurs enfants de l'école et de les envoyer travailler pour éviter que la famille ne s'enfonce davantage dans la pauvreté.

La mère explique qu'elle est obligée de «faire semblant de sourire et d'être heureuse parce que je ne veux pas que mes filles se rendent compte de la gravité de notre situation». «Comment certaines personnes peuvent-elles se permettre d'assister à des concerts, de payer en dollars et de s'amuser, c'est quelque chose que je comprenais avant, mais maintenant je ne peux plus», confie-t-elle.

EN CHIFFRES

* 3 millions de personnes vivent aujourd'hui dans la pauvreté au Liban

* 46% de la population souffre de la faim

* 1,5 million de réfugiés syriens au Liban

Par ailleurs, une confrontation potentielle avec son voisin du sud, Israël, menace d'aggraver la situation du Liban. Les tensions n'ont cessé de croître entre Israël et le Hezbollah, soutenu par l'Iran, qui exerce une influence politique considérable au Liban.

Au cours des derniers mois, chacun a accusé l'autre de violer les résolutions des Nations unies régissant la frontière établie il y a dix-huit ans après le retrait des troupes israéliennes du Sud-Liban.

Jeudi, l'agence de sécurité israélienne Shin Bet a annoncé que quatre citoyens israéliens avaient été arrêtés en juillet pour des liens présumés avec le Hezbollah, affirmant qu'ils étaient impliqués dans la contrebande d'engins explosifs de fabrication iranienne dans le pays. Le lendemain, les autorités libanaises ont affirmé avoir démantelé «une cellule d'espionnage au service de l'ennemi israélien» en arrêtant deux individus à l'aéroport de Beyrouth.

Au début du mois, lors d'une guerre des mots sans précédent depuis 2006, le ministre israélien de la Défense et le secrétaire général du Hezbollah ont menacé de renvoyer le pays de l'autre «à l'âge de pierre».

«Nous faisons face à un scénario de guerre imminente depuis l'été dernier. Ils peuvent aller de l'avant. Nous avons une blague: il n'y a pas d'été tant qu'il n'y a pas de menace de guerre. Quoi qu'il en soit, la situation peut-elle empirer?», a confié Elio Azar, citoyen libanais, à Arab News.

Cette question rhétorique reflète la dure réalité d'un pays appauvri qui n'est pas en mesure de mener une guerre, et encore moins de se remettre de ses ravages inévitables, ce qui risquerait d'attiser la colère populaire contre les élites en place dans le pays.

Une chose est sûre à en juger par le concert de Diab: ceux qui en ont les moyens continueront à manger, boire et faire la fête, vivant dans leur propre Beyrouth, loin de la triste réalité du reste du pays (Photo, AFP).

Un rapport de la Banque mondiale publié au début de cette année décrit la situation comme «l'une des crises les plus graves à l'échelle mondiale depuis le milieu du XIXe siècle... avec un vide institutionnel sans précédent qui retardera encore tout accord sur la résolution de la crise et la ratification des réformes essentielles, aggravant les malheurs du peuple libanais».

Depuis le début de l'effondrement financier en 2019 jusqu'à aujourd'hui, la monnaie libanaise a perdu plus de 90% de sa valeur, alors qu'environ 80% de la population vit sous le seuil de pauvreté.

D’après un rapport du Fonds monétaire international (FMI) publié le mois dernier, la crise financière s’est encore aggravée par le manque d'action politique et les intérêts hostiles aux réformes. Le rapport explique également qu'en l'absence de mesures, la dette publique pourrait atteindre 547% du produit intérieur brut du pays d'ici 2027.

«Le maintien du statu quo présente le plus grand risque pour la stabilité économique et sociale du Liban, entraînant le pays sur une voie imprévisible», indique le rapport.

En avril 2022, le pays a signé un accord avec le FMI, promettant des réformes et des mesures qu'il doit encore mettre en œuvre pour obtenir un programme complet.

Le chef de la mission du FMI, Ernesto Rigo, a pour sa part qualifié la situation de «désastreuse».

Beyrouth est-il le meilleur ou le pire endroit où vivre? La réponse dépend du côté du fossé économique où l'on se trouve (Photo, AFP).

En attendant, certains experts préviennent qu'en cas de nouvelle guerre entre le Hezbollah et Israël, le Liban ne sera pas en mesure de se reconstruire.

«Je ne pense pas que le Hezbollah puisse se permettre une guerre aujourd'hui», a déclaré à Arab News Michael Young, rédacteur en chef du Carnegie Middle East Center, basé à Beyrouth.

«Il faudra probablement des années avant que le Liban puisse se reconstruire du fait de sa situation économique désastreuse. L'impact de la guerre se fera sentir pendant longtemps, contrairement à la guerre de 2006 où l'argent est rapidement entré dans le pays pour aider à la reconstruction.»

M. Young a ajouté que si l'échange actuel de menaces se transformait en échange de tirs, «la destruction au Liban serait si immense que, d'une certaine manière, cela créerait un grand mécontentement parmi les autres communautés du pays».

Alors que la monnaie du pays a perdu plus de 90% de sa valeur, que la majorité des citoyens vivent dans une pauvreté étouffante et que de nombreuses personnes se remettent à peine de l'explosion de Beyrouth d’il y a trois ans, la question que se posent la plupart des Libanais est la suivante: «la situation peut-elle vraiment empirer?»

Toutefois, tant que le Liban n'aura pas atteint son point de rupture, une chose est sûre à en croire le concert de Diab. Ceux qui en ont les moyens continueront à manger, à boire et à faire la fête, vivant dans leur propre Beyrouth, loin de la triste réalité du reste du pays.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com 


« La Syrie n’est pas condamnée » : les leçons d’un an de transition, selon Hakim Khaldi

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  • Parmi les scènes les plus marquantes, Khaldi se souvient d’une vieille dame de Homs qui, voyant les portraits d’Assad retirés des bâtiments officiels, murmure : « On peut respirer ? Est-ce que c’est vrai ? »
  • Mais ce soulagement intense laisse rapidement place à une inquiétude plus sourde : celle du vide

PARIS: La Syrie post-Assad, carnets de bord, de Hakim Khaldi, humanitaire chez Médecins sans frontières, publié chez L’Harmattan, n’est pas seulement un récit de témoins, mais une immersion dans la réalité d’un pays brisé mais pas vaincu, où la chute d’un pouvoir omnipotent n’a pas suffi à étouffer l’exigence de dignité.
Ce qu’il raconte, c’est l’envers des discours diplomatiques, la géographie vécue d’une société projetée brutalement hors d’un demi-siècle d’autoritarisme dans un vide politique, économique et moral.

Les premiers jours après la chute du régime de Bachar Al-Assad ressemblent, selon Khaldi, à un moment de bascule irréel.

Dans ses carnets, comme dans ses réponses à Arab News en français, revient une même conviction : la chute d’un régime ne signifie pas la naissance immédiate d’un pays. La Syrie, aujourd’hui, est entre les deux, « en état de transformation ».

Les premiers jours après la chute du régime de Bachar Al-Assad ressemblent, selon Khaldi, à un moment de bascule irréel : « On ne savait pas si c’était la fin d’une époque ou le début d’une autre tragédie », confie-t-il.
Dans les villes « libérées », les scènes oscillent entre euphorie et sidération ; la population découvre, sans y croire encore, la possibilité de parler librement, de respirer autrement.

Il raconte ces familles qui, pendant quarante ans, n’avaient jamais osé prononcer le mot « moukhabarat » (services secrets en arabe), ne serait-ce qu’à voix basse chez elles.
Et brusquement, les voilà qui se mettent à raconter : les disparitions, les tortures, les humiliations, et la peur devenue routine.
Des parents ressortent des photos d’adolescents morts sous la torture, des certificats de décès maquillés, des lettres écrites depuis la prison mais jamais envoyées.

Parmi les scènes les plus marquantes, Khaldi se souvient d’une vieille dame de Homs qui, voyant les portraits d’Assad retirés des bâtiments officiels, murmure : « On peut respirer ? Est-ce que c’est vrai ? »
Ce qui l’a le plus frappé, c’est « ce sentiment presque physique d’un poids qui tombe. C’est ce que j’ai le plus entendu », affirme-t-il.

Mais ce soulagement intense laisse rapidement place à une inquiétude plus sourde : celle du vide. En quelques jours, l’État s’est évaporé : plus de police, plus d’électricité, plus d’école, plus de justice.
Les anciens bourreaux disparaissent dans la nature, mais les réseaux de corruption se reconstituent, et les premières milices locales émergent, prêtes à occuper le terrain déserté par les institutions.

Pourtant, au fil de ses déplacements, Khaldi est frappé par la force de résilience et d’auto-organisation de la population : « Les Syriens n’ont jamais cessé d’exister comme société, même quand l’État les avait réduits au silence », assure-t-il.
Dans les villages, des comités improvisés se forment et organisent la distribution alimentaire, la remise en marche d’une station d’eau, la sécurité ou la scolarisation d’urgence.

Un an après la chute du régime (le 8 décembre 2024), la Syrie tente de se relever lentement, mais elle demeure une mosaïque de composants hybrides.

Cette responsabilité populaire est, pour Khaldi, l’un des rares points lumineux du paysage syrien, la preuve qu’une société peut exister en dehors de l’appareil répressif qui prétendait être l’État.

Un an après la chute du régime (le 8 décembre 2024), la Syrie tente de se relever lentement, mais elle demeure une mosaïque de composants hybrides, de milices rivales, de zones d’influence et d’ingérences étrangères. « Une mosaïque qui ne ressemble plus au pays d’avant », estime Khaldi.
Le territoire est éclaté entre forces locales, groupes armés (notamment les milices druzes à Soueida, au nord-est du pays), gouvernances provisoires ou structures étrangères. Les routes sont coupées, les administrations doublées ou contradictoires.

Avec des infrastructures détruites, une monnaie en chute libre et un secteur productif quasi paralysé, la survie quotidienne est devenue un exercice d’équilibriste.
Les Syriens ne nourrissent plus d’illusions sur l’arrivée immédiate d’un modèle démocratique idéal : il s’agit d’abord de survivre, de reconstruire, de retrouver un minimum de continuité.

Le traumatisme est profond, à cause des disparitions massives, de l’exil et des destructions psychologiques. Pourtant, affirme Khaldi, « jamais je n’ai entendu un Syrien regretter que la dictature soit tombée ».

De ses observations et des témoignages qu’il a collectés en arpentant le pays, Khaldi tire les priorités pour éviter que la Syrie ne devienne ni un conflit gelé ni un espace livré aux milices.
De son point de vue, la reconstruction politique ne peut se réduire à remplacer un gouvernement par un autre : il faut rebâtir les fondations, à savoir une justice indépendante, une police professionnelle et des administrations locales.

Des dizaines de groupes armés contrôlent aujourd’hui une partie du territoire, et une transition politique sérieuse est impensable sans un processus de désarmement, de démobilisation et de réintégration, soutenu par une autorité légitime et par un cadre international solide.
Au-delà des aides internationales, la Syrie a besoin d’un cadre empêchant la capture des fonds par les anciens réseaux de corruption ou les factions armées.
Elle doit donner la priorité à la relance de l’agriculture, au rétablissement de l’électricité, des réseaux routiers et des petites industries, les seules capables à court terme de soutenir la vie quotidienne.

Le pays porte une blessure immense : celle des prisons secrètes, des fosses communes, des disparitions et des exactions documentées. « Sans justice, il n’y aura pas de paix durable », affirme Khaldi.
Il ne s’agit ni de vengeance ni de tribunaux-spectacle, mais de vérité et de reconnaissance, conditions indispensables à une réconciliation nationale.

De cet entretien se dégage une idée forte : malgré la faim, la peur, les ruines, malgré la fragmentation politique et l’ingérence étrangère, les Syriens n’ont pas renoncé à eux-mêmes.
Ils ouvrent des écoles improvisées, réparent des routes avec des moyens dérisoires, organisent l’entraide, résistent au chaos. « La Syrie n’est plus la Syrie d’avant, mais elle n’est pas condamnée pour autant », affirme Khaldi.
Son témoignage rappelle qu’un pays ne meurt pas quand un régime tombe ; il meurt lorsque plus personne ne croit possible de le reconstruire. Et les Syriens, eux, y croient encore.


Liban: Israël annonce des frappes dans le sud, appelle à des évacuations

L'armée israélienne a annoncé jeudi après-midi des frappes imminentes dans le sud du Liban contre ce qu'elle présente comme des infrastructures du mouvement islamiste Hezbollah, et a appelé à des évacuations dans deux villages de cette région. (AFP)
L'armée israélienne a annoncé jeudi après-midi des frappes imminentes dans le sud du Liban contre ce qu'elle présente comme des infrastructures du mouvement islamiste Hezbollah, et a appelé à des évacuations dans deux villages de cette région. (AFP)
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  • Les forces israéliennes vont "bientôt attaquer des infrastructures terroristes du Hezbollah à travers le sud du Liban afin de contrer ses tentatives illégales de rétablir ses activités dans la région"
  • Dans un "message urgent" en arabe, le colonel Adraee signale, cartes à l'appui, deux bâtiments dans les villages de Jbaa et Mahrouna, dont il appelle les riverains dans un rayon d'au moins 300 mètres à s'écarter

JERUSALEM: L'armée israélienne a annoncé jeudi après-midi des frappes imminentes dans le sud du Liban contre ce qu'elle présente comme des infrastructures du mouvement islamiste Hezbollah, et a appelé à des évacuations dans deux villages de cette région.

Cette annonce survient au lendemain d'une rencontre entre responsables civils libanais et israélien, lors d'une réunion de l'organisme de surveillance du cessez-le-feu entré en vigueur il y a un an, présentée comme de premières discussions directes depuis plus de 40 ans entre les deux pays toujours techniquement en état de guerre.

Les forces israéliennes vont "bientôt attaquer des infrastructures terroristes du Hezbollah à travers le sud du Liban afin de contrer ses tentatives illégales de rétablir ses activités dans la région", a annoncé le colonel Avichay Adraee, porte-parole de l'armée israélienne pour le public arabophone.

Dans un "message urgent" en arabe, le colonel Adraee signale, cartes à l'appui, deux bâtiments dans les villages de Jbaa et Mahrouna, dont il appelle les riverains dans un rayon d'au moins 300 mètres à s'écarter.

Accusant le Hezbollah de se réarmer dans le sud du pays et de violer ainsi les termes de la trêve entrée en vigueur fin novembre 2024, l'armée israélienne a multiplié depuis plusieurs semaines les frappes aériennes dans le sud du Liban mais a marqué une pause dans ses attaques pendant la visite du pape Léon XIV cette semaine.

Israël a même frappé jusque dans la banlieue de Beyrouth le 23 novembre pour y éliminer le chef militaire du Hezbollah, Haitham Ali Tabatabai.

Le Liban dénonce ces attaques comme des violations patentes du cessez-le-feu.

Mais Israël, qui peut compter sur l'aval tacite des Etats-Unis pour ces frappes, affirme qu'il ne fait qu'appliquer la trêve en empêchant le Hezbollah, allié de la République islamique d'Iran, ennemie d'Israël, "de se reconstruire et de se réarmer".

Tout en déclarant que les discussions directes de mercredi avec le Liban s'étaient déroulées dans "une atmosphère positive", le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a rappelé mercredi soir que le désarmement du Hezbollah restait une exigence "incontournable" pour son pays.


Soudan: le chef des droits de l'homme de l'ONU appelle à cesser les combats «immédiatement»

Le Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l'homme a appelé jeudi les belligérants à "cesser immédiatement les combats" dans le sud du Soudan, affirmant craindre une nouvelle vague d'atrocités après les massacres d'El-Facher. (AFP)
Le Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l'homme a appelé jeudi les belligérants à "cesser immédiatement les combats" dans le sud du Soudan, affirmant craindre une nouvelle vague d'atrocités après les massacres d'El-Facher. (AFP)
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  • Depuis le 25 octobre, date à laquelle les FSR ont pris le contrôle de la ville de Bara, dans le Kordofan-Nord, le Haut-Commissariat a recensé "au moins 269 morts parmi les civils, victimes de frappes aériennes, de tirs d'artillerie et d'exécutions
  • "Il est véritablement choquant de voir l'histoire se répéter au Kordofan si peu de temps après les événements terrifiants d'El-Facher", a déclaré le Haut-Commissaire

GENEVE: Le Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l'homme a appelé jeudi les belligérants à "cesser immédiatement les combats" dans le sud du Soudan, affirmant craindre une nouvelle vague d'atrocités après les massacres d'El-Facher.

"Nous ne pouvons rester silencieux face à cette nouvelle catastrophe", a déclaré Volker Türk dans un communiqué. "Ces combats doivent cesser immédiatement et l’aide humanitaire vitale doit parvenir aux personnes menacées de famine".

Les combats se sont intensifiés cette semaine dans la région du Kordofan, dans le sud du Soudan riche en pétrole, l'armée cherchant à repousser les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) loin de l'axe routier vital reliant la capitale Khartoum au Darfour.

Depuis le 25 octobre, date à laquelle les FSR ont pris le contrôle de la ville de Bara, dans le Kordofan-Nord, le Haut-Commissariat a recensé "au moins 269 morts parmi les civils, victimes de frappes aériennes, de tirs d'artillerie et d'exécutions sommaires".

Et il affirme avoir relevé "des cas de représailles, de détentions arbitraires, d'enlèvements, de violences sexuelles et de recrutements forcés, y compris d'enfants".

"Il est véritablement choquant de voir l'histoire se répéter au Kordofan si peu de temps après les événements terrifiants d'El-Facher", a déclaré le Haut-Commissaire, en référence aux exactions commises par les FSR après la prise fin octobre de la dernière grande ville du Darfour (ouest) qui échappait à leur contrôle.

"Nous ne devons pas permettre que le Kordofan devienne un autre El-Facher", a insisté M. Türk.

Dans son communiqué, le Haut-Commissariat rapporte que le 3 novembre dernier, un drone des FSR avait frappé une tente où des personnes en deuil étaient rassemblées à El Obeid, dans le Kordofan du Nord, tuant 45 personnes, principalement des femmes.

Il indique aussi que le 29 novembre, une frappe aérienne des Forces armées soudanaises (SAF) à Kauda, dans le Kordofan du Sud, aurait fait au moins 48 morts, pour la plupart des civils.

Selon l'organisation, "de violents combats se poursuivent depuis dans les trois États du Kordofan". "La situation humanitaire est catastrophique : la famine est confirmée à Kadugli et un risque de famine persiste à Dilling", ajoute le Haut-Commissariat, affirmant que "toutes les parties entravent l’accès et les opérations humanitaires".

"Nous ne pouvons (...) laisser d’autres Soudanais devenir victimes de terribles violations des droits de l’homme. Nous devons agir", a insisté M. Türk.

Depuis avril 2023, les combats ont fait des dizaines de milliers de morts, forcé le déplacement de 12 millions de personnes et plongé le pays dans la plus grande crise humanitaire au monde, selon l'ONU.