La diplomatie est vitale pour mettre fin à l’escalade de la course aux armements dans le monde

Il est à espérer que l’augmentation des tensions dynamisera un engagement renouvelé en faveur des mécanismes de contrôle des armements (Fichier/AFP)
Il est à espérer que l’augmentation des tensions dynamisera un engagement renouvelé en faveur des mécanismes de contrôle des armements (Fichier/AFP)
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Publié le Mardi 12 septembre 2023

La diplomatie est vitale pour mettre fin à l’escalade de la course aux armements dans le monde

La diplomatie est vitale pour mettre fin à l’escalade de la course aux armements dans le monde
  • Dix ans après que le régime syrien a lancé son horrible attaque à l’arme chimique contre Douma, tuant plus de 1 400 personnes, la situation des affaires internationales devrait tirer la sonnette d’alarme
  • La prolifération des armes présente également un danger dans la mesure où elle pourrait aider les acteurs non étatiques à acquérir des armes toujours plus puissantes

Dix ans après que le régime syrien a lancé son horrible attaque à l’arme chimique contre Douma, tuant plus de 1 400 personnes, la situation des affaires internationales devrait tirer la sonnette d’alarme en ce qui concerne l’utilisation potentielle d’armes de destruction massive, et notamment nucléaires.

À plusieurs reprises, le monde a frôlé le pire. Des puissances nucléaires que sont l’Inde et le Pakistan se sont retrouvées face à face. Au fil des ans, des secrets jalousement gardés sur la crise des missiles cubains de 1962 ont révélé que le monde était encore plus proche que nous ne le pensions d’une catastrophe nucléaire entre les États-Unis et l’Union soviétique. Le succès du film Oppenheimer pourrait bien sortir les dirigeants et les peuples du monde entier du confort de la complaisance et de l’inertie.

Premièrement, l’instabilité et les conflits mondiaux se multiplient. Le problème majeur est celui de l’Ukraine et de l’invasion russe, alors que les tensions avec l’Otan dégénéraient en confrontation quasi directe. À mesure que la guerre s’intensifiait, les États-Unis et leurs alliés de l’Otan se sont de plus en plus impliqués, avec une augmentation constante des fournitures d’armes et de la formation militaire. Pendant des années, les membres de l’Otan ont, en théorie, accepté de consacrer 2% de leur produit intérieur brut (PIB) aux dépenses liées à la défense. En 2014, seuls trois membres ont atteint cet objectif, tandis que cette année, on s'attend à ce que onze y parviennent.

La Finlande a rejoint l’Otan, la Suède devant suivre, toutes deux pour leur propre sécurité, alors que les tensions s’aggravent avec la Russie. Même la Suisse réexamine son statut de neutralité à long terme, en ayant l’Otan en tête. Elle a déjà déclaré vouloir rejoindre l’initiative européenne Sky Shield, un projet mené par l’Allemagne visant à développer des systèmes européens de défense aérienne et antimissile. Les dépenses militaires en Europe ont augmenté de 13% en 2022, la plus forte hausse depuis la fin de la guerre froide.

«Il est à espérer que l’augmentation des tensions dynamisera un engagement renouvelé en faveur des mécanismes de contrôle des armements.»

- Chris Doyle

À plus long terme, la relation entre les États-Unis et la Chine est probablement bien plus périlleuse. La puissance russe est en déclin - elle est une économie de niveau intermédiaire dotée d'une machine militaire vieillissante et rouillée. La Chine est la force montante qui défie les États-Unis à tous les niveaux à l'échelle mondiale. Elle est désireuse d'affirmer sa prédominance en Asie-Pacifique, mais certains craignent des ambitions encore plus lointaines. Taiwan n’est que l’une des questions brûlantes qui doivent être gérées avec prudence.

L’attitude de la Chine est alarmante non seulement pour Taïwan mais aussi pour d’autres pays voisins, notamment l’Inde, l’Australie et le Japon. L'Australie a investi massivement dans ses propres capacités de frappe à longue portée, en achetant des systèmes américains. Pékin a demandé à l'Inde de garder son calme après qu'une carte officielle chinoise a semblé revendiquer un territoire indien dans le nord-est de l'État d'Arunachal Pradesh et le plateau contesté d'Aksai Chin. Sur cette carte, la Chine continue également de revendiquer la majeure partie de la mer de Chine méridionale. Garder son calme n’est peut-être pas si facile.

L'Inde connaît des tensions avec le Pakistan et la Chine. Si la Chine élargissait son arsenal, New Delhi pourrait lui emboîter le pas, ce qui pourrait entraîner des répercussions sur le Pakistan.

Parmi les acteurs les plus irrationnels et imprévisibles figure la Corée du Nord. Les essais de missiles provocateurs de Pyongyang sont monnaie courante. La Corée du Sud et d’autres pays ont été contraints de renforcer leurs capacités défensives et offensives pour contrer cette situation.

Bien entendu, l’Iran s’approche de plus en plus du statut de puissance nucléaire. Son rapprochement avec des acteurs clés comme l’Arabie saoudite pourrait constituer un frein, et la réduction des tensions est la bienvenue, mais qui est convaincu que cela durera?

Les nouvelles technologies constituent également une menace. Des cyberarmes pourraient-elles être déployées pour détruire l’intégralité d’une infrastructure étatique? Quel impact l’intelligence artificielle aura-t-elle sur les doctrines militaires et les prises de décision? Les missiles hypersoniques rendront-ils les systèmes défensifs obsolètes? Qu’en est-il des armes spatiales?

Les grandes puissances se méfient de toute modification de l’équilibre des forces et des menaces qui pourrait affaiblir leurs capacités de réponse. La destruction mutuelle assurée, doctrine reconnue pour avoir évité un conflit nucléaire durant la guerre froide, dépend de la confiance de toutes les parties dotées de l’arme nucléaire dans leurs options de seconde frappe. La stabilité stratégique dépend du fait que toutes les parties savent qu’il n’y a aucun avantage à recourir à la première frappe.

«La prolifération des armes présente également un danger dans la mesure où elle pourrait aider les acteurs non étatiques à acquérir des armes toujours plus puissantes.»

- Chris Doyle

Il est à espérer que l’augmentation des tensions dynamisera un engagement renouvelé en faveur des mécanismes de contrôle des armements. Or, c’est le contraire qui se produit, à mesure que l’architecture mondiale s’effondre. Sur la scène européenne, le Traité sur les forces armées conventionnelles en Europe, le Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire, et le Traité sur le ciel ouvert se sont tous effondrés, les puissances européennes et les États-Unis accusant la Russie de violations.

La plupart de ces accords n’étaient de toute façon pas applicables à un monde non bipolaire. Nous nous rapprochons désormais d’une configuration tripolaire. La Russie et les États-Unis ne sont peut-être plus disposés à limiter leur arsenal à 5 000 ou 6 000 armes. La Chine n’est plus disposée à avoir un moyen de dissuasion minimal constitué de quelques centaines d’armes nucléaires, comme par le passé. Les États-Unis estiment que la Chine possédera environ 1 500 ogives nucléaires d’ici 2035, mais à quel moment la Chine décidera-t-elle qu’elle en a suffisamment? D’aucuns aux États-Unis estiment que la seule réponse devrait être que les États-Unis maintiennent la parité en termes de nombre d’ogives nucléaires avec la Chine et la Russie réunies.

La prolifération des armes présente également un danger dans la mesure où elle pourrait aider les acteurs non étatiques à acquérir des armes toujours plus puissantes. L’une des craintes qui a suivi l’attaque aux armes chimiques à Douma était le fait que les extrémistes réussissent dans leur quête effrénée visant à voler de telles armes dans l’arsenal du régime syrien. Qui sait si l’instabilité au Pakistan ou peut-être en Corée du Nord risque de faire tomber des matériaux, voire des armes, entre d’autres mains?

L’inertie du Conseil de sécurité de l’ONU n’arrange rien à tout cela. En théorie, les grandes puissances conviennent toutes que le contrôle des armements est important, tout en ayant des positions très divergentes sur ce que cela signifie. La crise ukrainienne a anéanti tout sentiment de prise de décision partagée dans l’intérêt mondial. Les États-Unis et la Chine tentent de faire baisser la tension, avec un succès mitigé. Les mesures de confiance constituent une exigence minimale.

Cependant, la diplomatie reste la solution la plus sûre, la plus rentable et la plus fiable pour sortir de cette dangereuse escalade des tensions. À une époque où notre planète exige d’énormes investissements pour lutter contre le changement climatique, les dégâts environnementaux et l’impact d’une myriade de conflits, la dernière chose que des milliards de citoyens souhaitent voir, ce sont des milliers de milliards dépensés dans des armes apocalyptiques inutiles que personne ne souhaite jamais voir utilisées. Les puissances de taille moyenne non nucléaires pourraient être celles qui rassembleraient ces grands enfants pour qu’ils déposent leurs jouets dangereux sur la table des négociations et qu’ils s’engagent dans les discussions d’adultes dont nous avons tous besoin.

Chris Doyle est directeur du Council for Arab-British Understanding basé à Londres. Il a travaillé auprès de ce conseil depuis 1993 après avoir obtenu un diplôme spécialisé en études arabes et islamiques avec distinction honorifique à l'Université d'Exeter. Il a accompagné, et organisé les visites de nombreuses délégations parlementaires britanniques dans les pays arabes. Twitter: @Doylech

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est celle de l’auteur et ne reflète pas nécessairement le point de vue d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com