La guerre d'Israël contre les Palestiniens est menée depuis le début dans les médias, et même à un niveau plus agressif depuis octobre 2023. Israël a consacré d'énormes ressources à sa campagne de propagande, afin de persuader les puissances occidentales que sa guerre et ses actions étaient justifiées. Il a refusé aux journalistes l'accès à Gaza et tué plus de 185 professionnels des médias palestiniens dans l'enclave au cours de cette période.
Peu de réseaux médiatiques ont subi un assaut israélien plus soutenu que la BBC. Sa portée mondiale de 450 millions de personnes la place en première ligne des efforts du gouvernement israélien. Elle se targue d'une réputation d'impartialité, mais comme le souligne un nouveau rapport fondé sur des données publié la semaine dernière, c'est loin d'être le cas lorsqu'il s'agit des Palestiniens. Certains affirment que la BBC est devenue complice des crimes de guerre d'Israël. La couverture de Gaza s'est faite en marchant sur des œufs, la BBC refusant de dénoncer ce qui se passe. L'utilisation abondante de la voix passive, où la partie qui commet le crime n'est pas identifiée, est une caractéristique notable.
Le rapport du Center for Media Monitoring, un projet du Muslim Council of Britain, a examiné la couverture par la BBC de la guerre d'Israël contre Gaza principalement entre le 7 octobre 2023 et le 6 octobre 2024. Pour cette période de 12 mois, un total de 3 873 articles et 32 092 segments d'émissions ont été analysés à l'aide de l'IA et de la vérification humaine.
Certains résultats sont stupéfiants. Les présentateurs de la BBC ont partagé le point de vue israélien 11 fois plus souvent que le point de vue palestinien (2 340 contre 217), même lorsqu'ils ont interrogé des tiers neutres, tels que des organisations humanitaires. C'est loin d'être le cas. Les titres des articles de la BBC font référence aux victimes palestiniennes deux fois plus souvent qu'aux victimes israéliennes, alors qu'il y a eu 34 fois plus de morts à Gaza.
Certaines des conclusions sont à couper le souffle
Chris Doyle
Les statistiques ne disent pas tout, comme les rédacteurs de la BBC sont prompts à le souligner, mais ce rapport met en évidence des schémas de couverture alarmants. L'absence de contexte est flagrante. Les guerres israéliennes précédentes et les atrocités commises à Gaza sont à peine évoquées. Le fait que 70 % de la population sont des réfugiés de 1948 n'est pas mentionné. Même dans le cas de la guerre israélienne contre l'Iran, aucune mention n'est faite de l'arsenal nucléaire d'Israël et de son refus de signer le traité de non-prolifération nucléaire.
La couverture des questions juridiques internationales par la BBC est incroyablement médiocre et, une fois de plus, favorable à Israël. La BBC a rarement utilisé le terme "occupation" pour décrire le statut juridique de Gaza. Ce n'est que récemment que son rédacteur en chef international a fini par rédiger un article, encore timide, sur la question de savoir si Israël avait commis des crimes de guerre à Gaza. Depuis que la Cour pénale internationale a lancé un mandat d'arrêt contre le Premier ministre Benjamin Netanyahu, le fait qu'il soit recherché pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité est rarement mentionné.
Pire encore, les présentateurs de la BBC ont activement fermé le vaste débat sur la question de savoir si Israël a commis un génocide dans plus de 100 cas documentés selon le rapport. C'est extraordinaire puisque la Cour internationale de justice a déterminé que la situation à Gaza était si grave qu'elle a dû ordonner des mesures provisoires à l'encontre d'Israël pour empêcher un génocide. C'était en janvier 2024 et la situation est bien pire aujourd'hui. La plupart des groupes de défense des droits de l'homme ont estimé qu'Israël commettait un génocide.
L'utilisation généralisée de commentaires génocidaires de la part des dirigeants israéliens, depuis le président jusqu'au bas de l'échelle, est également minimisée. C'est extraordinaire étant donné qu'il s'agit d'une intention déclarée d'anéantir Gaza, un contexte vital alors qu'Israël détruit les infrastructures civiles, y compris le système de soins de santé.
L'absence de contexte approprié est frappante
Chris Doyle
Fait remarquable, selon le rapport, la BBC n'a jamais fait référence à la directive Hannibal et à la doctrine Dahiya. La première, dont nous savons maintenant qu'elle a été invoquée le 7 octobre, permet aux forces israéliennes de lancer des attaques même si elles risquent de mettre en danger la vie d'otages, tandis que la seconde, certainement déployée à Gaza et au Liban, autorise la destruction à grande échelle d'infrastructures civiles. Ces protocoles mettent en évidence la mentalité des forces armées israéliennes.
Le rapport a également montré comment la couverture par la BBC des crimes russes en Ukraine était si différente de celle des crimes israéliens à Gaza. Les tentatives d'Israël pour justifier ses actions ont été incluses dans 75 % des articles cette année-là, mais seulement dans 17 lorsqu'il s'agissait des actions russes. Prenons l'exemple des assassinats de journalistes. L'étude a révélé que 62 % des décès de journalistes en Ukraine ont été signalés, mais seulement 6 % des assassinats de journalistes palestiniens par des Israéliens.
Le traitement des documentaires par la BBC fait écho aux échecs susmentionnés. Elle a déjà retiré le documentaire "Gaza : How To Survive a War Zone", qui avait reçu des critiques élogieuses, même dans les médias de droite. Elle a ensuite choisi de ne pas diffuser un autre documentaire, "Gaza : Doctors Under Attack", sur la manière dont Israël a pris pour cible le système de santé de Gaza.
Tout comme les dirigeants politiques occidentaux ont donné leur feu vert aux crimes israéliens et facilité le climat d'impunité dont bénéficie toujours Israël dans ses attaques contre l'Iran, la BBC et d'autres médias contribuent à créer cet environnement permissif. En toute justice, la BBC compte de nombreux excellents reporters qui ont parfois réussi à franchir le pare-feu managérial et éditorial contre la critique d'Israël grâce à des reportages convaincants. Mais dans l'ensemble, comme le souligne ce rapport, la BBC continue tout simplement à faciliter la tâche du gouvernement israélien extrémiste.
Chris Doyle est directeur du Conseil pour la compréhension arabo-britannique à Londres.
X : @Doylech
NDLR: Les opinions exprimées par les auteurs dans cette section leur sont propres et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d'Arab News.