Nickolay Mladenov : 47% des palestiniens dépendent de l’aide pour survivre

Nickolay Mladenov, coordinateur spécial des Nations Unies pour le processus de paix au Moyen-Orient (Photo, AFP).
Nickolay Mladenov, coordinateur spécial des Nations Unies pour le processus de paix au Moyen-Orient (Photo, AFP).
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Publié le Mardi 22 décembre 2020

Nickolay Mladenov : 47% des palestiniens dépendent de l’aide pour survivre

  • Certains pays donateurs, tels que l'Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et le Canada, ont renforcé leurs contributions pour compenser la perte de l’aide américaine
  • Mladenov mentionne aussi la résolution 2334 du Conseil de sécurité. Adoptée en décembre 2016, elle déclare que les colonies israéliennes violent le droit international et ordonne de mettre un terme à leurs activités

NEW YORK: Les paroles de Nickolay Mladenov résonnent dans son dernier point de presse comme coordinateur spécial de l’ONU pour le processus de paix au Moyen-Orient, et saisissent l’essentiel des tragédies tissées à travers des décennies de lutte. «Les Israéliens et les Palestiniens, les Juifs et les Arabes ont vécu en conflit pendant trop longtemps», a déclaré lundi l'envoyé au Conseil de sécurité de l'ONU, «le deuil et le déplacement habitent chaque histoire personnelle derrière les murs des maisons», et «47% des palestiniens dépendent de l’aide pour survivre».

L’implacable réalité du peuple palestinien est actuellement exacerbée par un important déficit de 88 millions de dollars dans le financement de l'Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient. Ceci ravive les craintes que l'agence, connue sous son acronyme anglophone UNRWA, ne se trouve dans l’obligation de suspendre les services essentiels en santé et en éducation qu'elle fournit aux réfugiés de la région.

L'organisation souffre cruellement du manque de fonds depuis que le président américain Donald Trump a mis un moratoire en août 2018 sur les «énormes sommes d'argent déboursées pour les Palestiniens». Cette décision met un terme à la politique, vieille de 70 ans, et suivie par chaque président américain, républicain et démocrate, qui honore la valeur américaine fondamentale d’aider les peuples les plus vulnérables.

«L'agence n’est pas uniquement la bouée de sauvetage de millions de réfugiés palestiniens, en plus de constituer un rempart de taille dans la lutte contre la Covid-19. L’UNRWA est un élément essentiel pour la stabilité régionale», a déclaré Mladenov au Conseil de sécurité.

Mladenov a réitéré son appel pour un financement adéquat de l’organisme, et a mentionné le chiffre alarmant de 2,45 millions de Palestiniens, soit environ 47% de la population, qui en dépendent pour survivre. L'argent contribue au financement des institutions éducatives laïques qui accueillent un demi-million d'enfants, des campagnes de vaccination, et des dispensaires qui constituent le dernier recours de plus de trois millions de réfugiés apatrides.

Certains pays donateurs, tels que l'Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et le Canada, ont renforcé leurs contributions pour compenser la perte de la contribution américaine. Mais ces efforts ne seraient pas suffisants pour éliminer le risque de réduction des services de l’agence onusienne.

Mladenov a abordé pendant le point de presse l’évolution de la situation du 21 novembre au 10 décembre, et qui a vu une reprise des violences. Il a tenu à discuter d’incidents qui ont vu des enfants palestiniens tués par les forces de sécurité israéliennes. «Je suis outré de voir encore des enfants victimes de violence, dans une série d'incidents particulièrement troublants au cours du mois dernier dans les territoires palestiniens occupés», a-t-il déclaré. «Les enfants ne devraient pas être la cible de violences, et ne constituent pas un risque collatéral acceptable».

Il appelle les autorités israéliennes et palestiniennes à mener des enquêtes «impartiales et rapides» sur toutes les accusations de force excessive. Il a de plus rappelé que «les forces de sécurité doivent faire preuve de retenue, et ne devraient avoir recours à leurs armes que lorsque cela est strictement inévitable; la protection de la vie est primordiale».

Les organismes de surveillance de l'ONU et des organismes de la société civile rapportent 155 cas d'enfants palestiniens tués par des soldats israéliens depuis 2013, avec balles réelles ou des armes de contrôle de la foule. Des accusations criminelles ont été déposées  dans trois des cas seulement, et l’un des dossiers a été plus tard retiré.

Mladenov exhorte le Hamas, le Jihad islamique palestinien et les autres factions à cesser immédiatement «Les tirs de roquettes et de mortiers à l’aveuglette vers les centres de population civile israélienne».

L'envoyé insiste que le Hamas devrait imposer «un moratoire immédiat sur les exécutions, et cesser d'utiliser les tribunaux militaires pour les dossiers civils». Cette demande vient en réponse aux tribunaux de Gaza qui continuent de violer la loi palestinienne et de multiplier les condamnations à mort.

Il s'est par ailleurs dit préoccupé par «la violence des colons en Cisjordanie occupée, notamment à Jérusalem-Est». Mladenov somme les autorités israéliennes de respecter le droit international, de protéger les Palestiniens, et à trouver un moyen pour que les agriculteurs puissent accéder à leurs terres librement et en toute sécurité. Il mentionne aussi la résolution 2334 du Conseil de sécurité. Adoptée en décembre 2016, elle déclare que les colonies israéliennes violent le droit international et ordonne de mettre un terme à leurs activités.

Parmi les principaux obstacles à une solution à deux États sont les «plans de colonisation controversés, gelés depuis des années» en Cisjordanie occupée, véhiculés par le gouvernement israélien, et qui incluent Jérusalem-Est, estime l'envoyé.

«Les activités de colonisation doivent cesser immédiatement», tonne Mladenov, c’est une «violation flagrante» des résolutions de l'ONU ainsi que du droit international. Il a ajouté qu’il se retrouve «profondément préoccupé» par les saisies et les démolitions continues d'écoles et de bâtiments palestiniens utilisés à des fins humanitaires. «J'appelle les autorités israéliennes à mettre fin à la démolition des propriétés palestiniennes, au déplacement, et à l'expulsion des Palestiniens», a-t-il dit.

Mladenov a voulu clore avec une touche d’espoir. La paix reste un objectif réalisable et négociable du Quatuor pour le Moyen-Orient, et qui comprend l'ONU, les États-Unis, l'UE et la Russie, et ses partenaires arabes. Ces derniers doivent, avec les dirigeants israéliens et palestiniens, «travailler pour véritablement remettre les négociations sur les rails».

«Le monde ne peut pas laisser cette situation dégénérer», a-t-il ajouté, réitérant le consensus mondial sur la solution à deux États. «Nul dans la communauté internationale ne remet en question que toute résolution (…) doit être se baser sur principe de deux États. La solution passe par l’engagement, non la violence». Les deux parties doivent «trouver en eux la force de protéger l'objectif d'une paix durable», a-t-il déclaré.

Mladenov a été nommé à son poste de coordinateur spécial en février 2015. Nommé nouvel envoyé de l'ONU pour la Libye, il quitte ses fonctions en janvier.

Le diplomate vétéran norvégien Tor Wennesland succéde à Mladenov. Ce dernier décrit son successeur comme «l'un des diplomates les plus compétents que j’ai jamais côtoyé».

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


MSF nie les allégations de l’armée israélienne selon lesquelles il existait une «activité terroriste» sur le site d’une attaque meurtrière à Gaza

Sky News a révélé les résultats de son enquête sur cet incident, ce qui a incité l’armée israélienne à mener sa propre «enquête». (MSF)
Sky News a révélé les résultats de son enquête sur cet incident, ce qui a incité l’armée israélienne à mener sa propre «enquête». (MSF)
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  • Deux membres de la famille d’un employé tués et sept autres blessés par l’armée israélienne en février
  • Un obus de char aurait été «tiré directement dans le bâtiment», selon une enquête menée par un organe de presse

DUBAÏ: L’armée israélienne a été accusée d’avoir attaqué intentionnellement et sans provocation un centre d’hébergement de Médecins sans frontières (MSF) qui abritait 64 personnes dans la région d’Al-Mawasi, à Gaza, le 20 février, tuant deux membres de la famille d’un employé et blessant sept autres personnes.

L’attaque a eu lieu malgré le fait que l’armée israélienne a été informée de l’emplacement précis du centre, selon MSF. L’armée a affirmé qu’il existait une «activité terroriste» sur le site, ce que MSF a nié.

Mercredi, Sky News a révélé les résultats de son enquête sur cet incident, ce qui a incité l’armée israélienne à mener sa propre «enquête».

L’organe de presse a déclaré s’être rendu sur place et avoir utilisé des images prises sur le terrain, des techniques «open source» ainsi que des entretiens avec des témoins et des experts en armement pour comprendre comment l’incident s’est déroulé.

Des témoins ont affirmé à Sky News qu’ils avaient entendu des bruits forts qui semblaient provenir de chenilles de chars, tandis que d’autres ont également entendu des coups de feu.

Les preuves recueillies laissent penser que l’attaque a été déclenchée par un obus de char qui a pénétré par une fenêtre. «Il est difficile de tirer des conclusions définitives à partir d’images, mais je pense que les dégâts sont dus à un obus de char tiré directement dans le bâtiment», a expliqué Chris Cobb-Smith, ancien officier d’artillerie de l’armée britannique et directeur de Chiron Resources.

Ce dernier a réfuté toute idée selon laquelle il s’agirait d’une attaque du Hamas. Il a affirmé qu’il n’était «pas au courant de l’existence d’armes à tir direct de ce calibre utilisées par le Hamas» et qu’il était «peu probable qu’un obus de cette taille ait pu être déployé et tiré compte tenu de l’activité de l’armée israélienne dans la région».

Des témoins et des membres de MSF ont déclaré avoir entendu des coups de feu avant que le bâtiment ne soit touché.

Meinie Nicolai, directrice générale de l’organisation humanitaire, s’est rendue sur place peu après l’attaque. Elle a indiqué que des balles avaient été tirées sur la façade du centre.

L’enquête a par ailleurs révélé que le jour de l’attaque, l’armée israélienne a écrit sur sa chaîne Telegram que ses forces opéraient dans le nord, le centre et le sud de la bande de Gaza et qu’elles menaient «des opérations intensives dans l’ouest de Khan Younès». Cependant, elle n’a pas mentionné les environs immédiats du centre d’hébergement.

En outre, le porte-parole en langue arabe de l’armée israélienne, Avichay Adraee, a publié le même jour une carte d’évacuation de deux quartiers plus au nord, dans la ville de Gaza et ses environs. Cette carte ne couvrait pas la zone où se trouve le centre.

Selon l’enquête, les services d’urgence sont arrivés sur les lieux au moins deux heures et demie après l’attaque pour des raisons de sécurité.

Les blessés ont été transportés à l’hôpital de campagne de l’International Medical Corps à Rafah, a précisé MSF.

«Nous sommes indignés et profondément attristés par ces meurtres», avait commenté Mme Nicolai au mois de février. «Ces meurtres  témoignent de la triste réalité: aucun endroit à Gaza n’est sûr, les promesses de mise en place de zones sûres n’ont pas été tenues et les mécanismes de “déconfliction” ne sont pas fiables», avait-elle ajouté.

L’armée israélienne, qui mène sa propre enquête, a précisé qu’elle avait «tiré sur un bâtiment identifié comme étant le théâtre d’activités terroristes», mais elle n’a fourni aucune preuve.

Dans un communiqué publié mercredi, MSF «réfute toute allégation d’activité terroriste dans les structures gérées par la MSF».

«Le centre était utilisé par le personnel humanitaire et les membres de leurs familles. Il était identifié par un drapeau MSF et les autorités israéliennes étaient informées de son emplacement.»

«Après l’incident, des informations ont été reçues. Elles font état de la mort de deux civils innocents dans la zone. L’armée regrette tout préjudice causé aux civils et fait tout ce qui est en son pouvoir pour opérer de manière précise et exacte», a ajouté l’armée israélienne dans un communiqué.

En vertu du droit international humanitaire, les installations et les unités médicales doivent être respectées et protégées en toutes circonstances.

Oona Hathaway, professeure de droit international à la faculté de droit de Yale, a expliqué à Sky News que les installations médicales sont «présumées être des biens civils et ne doivent pas être prises pour cibles lors d’un conflit armé».

Elle a souligné que si l’armée israélienne prend intentionnellement pour cible un bien civil, cela constitue «potentiellement un crime de guerre».

La semaine dernière, l’armée a mené une opération à l’intérieur et autour de l’hôpital Al-Shifa, affirmant que de hauts responsables du Hamas étaient basés dans cet immense complexe. Des jours de combats intenses ont suivi. L’armée a signalé qu’environ 170 combattants palestiniens avaient été tués et que des centaines d’autres avaient été arrêtés ou interrogés.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Tunisie: quatre accusés condamnés à mort pour l'assassinat de l'opposant Belaïd en 2013

L'avocat tunisien et leader de l'opposition Chokri Belaid (Photo, AFP).
L'avocat tunisien et leader de l'opposition Chokri Belaid (Photo, AFP).
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  • Au total, 23 personnes étaient inculpées pour l'assassinat par balles dans sa voiture devant son domicile le 6 février 2013 de l'avocat de 48 ans, critique virulent du parti islamo-conservateur Ennahdha
  • Après 11 ans d'enquêtes et poursuites judiciaires, le tribunal de première instance de Tunis a également condamné deux accusés à la prison à perpétuité

TUNIS: Quatre accusés jugés en Tunisie pour l'assassinat de l'opposant de gauche Chokri Belaïd en 2013 ont été condamnés à mort, dans le tout premier verdict prononcé mercredi dans cette affaire qui avait secoué le pays et provoqué une grave crise politique.

Au total, 23 personnes étaient inculpées pour l'assassinat par balles dans sa voiture devant son domicile le 6 février 2013 de l'avocat de 48 ans, critique virulent du parti islamo-conservateur Ennahdha, à l'époque au pouvoir en Tunisie.

Après 11 ans d'enquêtes et poursuites judiciaires, le tribunal de première instance de Tunis a également condamné deux accusés à la prison à perpétuité, a annoncé à l'aube sur la télévision nationale Aymen Chtiba, procureur général adjoint du pôle judiciaire antiterroriste.

"Justice a été rendue", a estimé le procureur, expliquant la longueur des délibérés, qui ont duré pendant près de 15 heures, par "la nature et le volume" du dossier.

Entouré de manifestants de gauche réunis comme chaque mercredi au centre de Tunis pour réclamer la vérité sur cette affaire, le frère de Chokri Belaïd, Abdelmajid, a salué auprès de l'AFP "une première bataille gagnée dans cette guerre", tout en promettant de poursuivre "sa lutte", notamment contre "la manipulation du dossier".

Les proches de Chokri Belaïd ont à de nombreuses reprises pointé du doigt Ennahdha, accusant notamment le mouvement de s'être montré "indulgent" envers le discours des islamistes extrémistes qui s'était développé à l'époque.

Quelques heures après le verdict, Zouhaier Ben Abdallah, procureur de la République près du tribunal de première instance de Tunis et responsable à ce titre du pôle judiciaire anti-terroriste, a été démis de ses fonctions, sans qu'aucune explication ne soit donnée, ont rapporté les médias.

Ennahdha a estimé dans un communiqué que les condamnations prononcées mercredi "prouvent (son) innocence". Le parti a dénoncé "une volonté de certains courants idéologiques et partis politiques de l'accuser à tort".

"Dans leur communiqué, ils affirment que les coupables ont été trouvés et que le dossier est clos mais ce n'est pas vrai", a rétorqué Abdelmajid Belaïd, assurant qu'il y aurait "bientôt un autre procès d'autres accusés qui étaient en relation directe avec Rached Ghannouchi", chef d'Ennahdha et principale figure de l'opposition, emprisonné depuis plus d'un an.

Moratoire 

Des peines de 2 à 120 ans d'emprisonnement ont aussi été prononcées contre d'autres inculpés tandis que cinq individus ont bénéficié d'un non-lieu.

Si la justice tunisienne prononce régulièrement des condamnations à la peine capitale, notamment dans des affaires de terrorisme, un moratoire est appliqué de facto depuis les dernières exécutions menées en octobre 1991 lorsque trois membres d'Ennahdha avaient été pendus sous le régime du dictateur Zine El Abidine Ben Ali.

Des jihadistes ralliés au groupe Etat islamique (EI) avaient revendiqué l'assassinat de Chokri Belaïd ainsi que celui, six mois plus tard, du député Mohamed Brahmi, une autre figure de l'opposition de gauche.

Les autorités tunisiennes avaient annoncé en février 2014 la mort de Kamel Gadhgadhi, considéré comme le principal auteur de l'assassinat de Chokri Belaïd, pendant une opération antiterroriste.

Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi s'opposaient à la politique d'Ennahdha, qui a dominé le Parlement et le gouvernement après la révolution tunisienne de 2011 jusqu'à un coup de force de l'actuel président Kais Saied qui s'est arrogé les pleins pouvoirs en juillet 2021.

Les deux assassinats avaient constitué un tournant pour la Tunisie, berceau du Printemps arabe alors en pleine transition démocratique, en provoquant des manifestations et une crise politique au terme de laquelle Ennahdha avait dû céder le pouvoir à un gouvernement de technocrates en 2014.

En juin 2022, le président Kais Saied, qui considère l'assassinat des deux "martyrs" comme une cause nationale, avait ordonné la révocation de dizaines de magistrats soupçonnant certains d'avoir entravé l'enquête, faisant écho aux récriminations des familles et de la défense des deux opposants.

Ennahdha a toujours nié toute implication et après les assassinats, avait classé comme organisation terroriste le mouvement salafiste jihadiste Ansar al-Charia, toléré dans le pays depuis la chute de Ben Ali.

A l'époque, la Tunisie avait également connu un essor des groupes jihadistes avec des milliers d'islamistes partis combattre en Syrie, Irak et Libye.

Des attentats avaient également fait des dizaines de morts, dont près de 60 touristes tués en 2015 au musée du Bardo à Tunis et dans la station balnéaire de Sousse.


Israël: la conscription des ultra-orthodoxes secoue le gouvernement Netanyahu

Les membres d’un groupe juif ultra-orthodoxe se préparent à jouer sur la tombe du rabbin Shimon Bar Yochai au mont Meron, dans le nord d’Israël, le 9 mai 2023 (Photo, AFP).
Les membres d’un groupe juif ultra-orthodoxe se préparent à jouer sur la tombe du rabbin Shimon Bar Yochai au mont Meron, dans le nord d’Israël, le 9 mai 2023 (Photo, AFP).
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  • Compte tenu de la sensibilité de cette question qui a rouvert une fracture profonde dans le pays, la coalition gouvernementale dirigée par M. Netanyahu n'est pas parvenue à un accord
  • La Cour suprême, saisie de plusieurs appels exigeant une conscription immédiate des ultra-orthodoxes

JÉRUSALEM: Le gouvernement israélien est engagé jeudi dans une course contre la montre pour trouver un compromis et répondre à la Cour suprême sur la conscription des ultra-orthodoxes, un dossier épineux pour la coalition du Premier ministre Benjamin Netanyahu.

La Cour suprême, saisie de plusieurs appels exigeant une conscription immédiate des ultra-orthodoxes, afin de respecter les lois sur l'égalité entre les citoyens, avait donné jusqu'à mercredi au gouvernement pour formuler une proposition détaillée de projet de loi.

En Israël, le service militaire est obligatoire, mais les juifs ultra-orthodoxes ("haredim" en hébreu) peuvent échapper à la conscription s'ils consacrent leur temps à étudier les textes sacrés du judaïsme, une exemption instaurée à la création de l'Etat d'Israël en 1948 et qui n'a jamais été changée depuis.

Compte tenu de la sensibilité de cette question qui a rouvert une fracture profonde dans le pays, la coalition gouvernementale dirigée par M. Netanyahu n'est pas parvenue à un accord en raison de l'opposition des partis ultra-orthodoxes qui ne veulent pas entendre parler de conscription.

La demande du gouvernement de bénéficier de quelques heures supplémentaires, jusqu'à 12H00 GMT jeudi, pour remettre sa réponse à la Cour suprême, semble indiquer que les différentes parties cherchent à trouver un compromis.

La procureure générale Gali Baharav-Miara, dont le rôle est de conseiller le gouvernement sur les questions juridiques et de le représenter devant les juridictions judiciaires, a jeté un pavé dans la mare mercredi soir en annonçant que le gouvernement aurait l'obligation de procéder à la conscription des ultra-orthodoxes à partir du 1er avril en raison d'un vide juridique.

Au moment où Israël est en guerre contre le mouvement islamiste palestinien Hamas à Gaza depuis bientôt six mois, cette exemption est de plus en plus critiquée au sein de la société, dont une partie estime que les juifs ultra-orthodoxes devraient comme les autres apporter leur contribution à la sécurité du pays et faire leur service militaire.

La coalition gouvernementale de M. Netanyahu repose largement sur l'alliance avec les deux grands partis ultra-orthodoxes, Shass et Judaïsme unifié de la Torah, farouchement opposés à la conscription des haredim. Leur défection ferait tomber la coalition.

Défi d'un ministre 

En mai 2023, le gouvernement a voté pour les écoles talmudiques (yeshivot) un budget sans précédent de près d'un milliard d'euros (3,7 milliards de shekels).

Ces derniers avaient soutenu le projet controversé de réforme judiciaire de Benjamin Netanyahu en échange de son soutien à un projet de loi qui devait être discuté au Parlement avant la guerre sur la poursuite du report de la conscription pour les ultra-orthodoxes.

Mais fin février, le ministre de la Défense, Yoav Gallant, avait défié son Premier ministre en annonçant une réforme du service militaire visant à inclure les haredim, et exigé que l'ensemble du gouvernement la soutienne.

Le service militaire (32 mois pour les hommes et deux ans pour les femmes) est obligatoire pour les jeunes israéliens mais la quasi-totalité des ultra-orthodoxes y échappe, grâce à un accord offrant aux jeunes hommes étudiant à plein temps dans des écoles talmudiques de reporter chaque année leur service militaire. Les jeunes femmes religieuses en sont elles automatiquement exemptées.

Depuis l'invalidation par la Cour suprême israélienne en 2012 de la loi Tal, permettant la tenue de cet accord, les exonérations se sont poursuivies, régies par des accords entre les gouvernements successifs et les partis ultra-orthodoxes.

Les ultra-orthodoxes représentent environ 14% de la population juive d'Israël, selon l'Institut israélien pour la démocratie (IDI), soit près de 1,3 million de personnes.

Environ 66.000 hommes ultra-orthodoxes en âge de servir bénéficient de ce report, selon un chiffre de l'armée.

En 1948, ce report permettait à une élite de 400 jeunes de préserver le monde des études des textes sacrés en grande partie décimé pendant la Shoah.

La plupart des haredim réclament le maintien de cette exemption pour tous les étudiants, jugeant l'armée incompatible avec leurs valeurs.