Frankly Speaking : Le programme climatique est-il devenu étranger aux réalités humaines ?

Badr Jafar, PDG de Crescent Enterprises, représentant spécial de la COP28 pour les entreprises et la philanthropie, s'entretient avec Katie Jensen, animatrice de Frankly Speaking (Photo, AN).
Badr Jafar, PDG de Crescent Enterprises, représentant spécial de la COP28 pour les entreprises et la philanthropie, s'entretient avec Katie Jensen, animatrice de Frankly Speaking (Photo, AN).
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Publié le Lundi 23 octobre 2023

Frankly Speaking : Le programme climatique est-il devenu étranger aux réalités humaines ?

  • Le directeur général du Crescent Group déclare que le bilan humanitaire du conflit de Gaza, et non son impact sur les marchés pétroliers, est sa principale préoccupation à l'heure actuelle
  • Jafar, également PDG de Crescent Enterprises, exhorte les pays développés à cesser de mener des politiques intéressées qui affectent la confiance

DUBAÏ : Les gouvernements occidentaux devraient cesser de prêcher la politique climatique aux pays en développement et s'efforcer plutôt d'améliorer la coopération intergouvernementale, de reconnaître les réalités économiques et de donner la priorité au développement durable, a déclaré Badr Jafar, PDG de Crescent Enterprises, dont le siège se trouve à Sharjah.

Il a ajouté que les nations développées devraient « moins se pointer du doigt » et « davantage tendre la main à la coopération ».

Dans l'émission « Frankly Speaking » d'Arab News, Jafar, qui est également représentant spécial pour les entreprises et la philanthropie à la 28e conférence des Nations unies sur le changement climatique (COP28), qui se tiendra à Dubaï le mois prochain, a ajouté que l'agenda du développement humain et climatique ne devaient pas être dissociés.

Le sommet COP28 se déroulera du 30 novembre au 12 décembre à Expo City, Dubaï, marquant un rassemblement important pour orienter le monde vers un avenir plus vert. (Shutterstock)
Le sommet COP28 se déroulera du 30 novembre au 12 décembre à Expo City, Dubaï, marquant un rassemblement important pour orienter le monde vers un avenir plus vert. (Shutterstock)

Il a déclaré : « Une grande partie de l'agenda politique vert préconisé aujourd'hui pose problème, car de nombreuses personnes luttent pour joindre les deux bouts ou même survivre, et peuvent considérer ce discours comme de la bigoterie élitiste occidentale, ignorant les réalités humaines sur le terrain ».

« Nous ne pouvons donc plus séparer les objectifs de développement humain, qui constituent 12 des 17 ODD (objectifs de développement durable de l'ONU), des objectifs climatiques, ou même de ceux relatifs à la nature ».

« Ce sont les deux faces d'une même pièce. Et le côté de cette pièce est une politique climatique propice à une évolution plus verte de tous nos systèmes, tout en garantissant des opportunités équitables pour les milliards de personnes qui n'en ont pas encore bénéficié, notamment les 800 millions de personnes qui n'ont pas accès à l'électricité aujourd'hui, ou les 2,3 milliards de personnes qui n'ont pas accès à des combustibles de cuisson propres ».

Dans un échange avec Katie Jensen, animatrice de l'émission « Frankly Speaking », Jafar s'est interrogé, entre autres, sur le bien-fondé des critiques formulées à l'encontre des Émirats arabes unis qui accueillent le sommet, sur son rôle dans la création d'un héritage durable et sur les répercussions possibles de l'escalade rapide du conflit entre Israël et le groupe militant palestinien Hamas.

Dans la région troublée du Moyen-Orient, la réponse au changement climatique pourrait sembler reléguée à l’arrière-plan. Néanmoins, dans une partie du monde si liée à la sécurité énergétique mondiale, ce qui s'est passé dans la région ne pouvait pas être négligé. En ce qui concerne les conséquences de la guerre entre Israël et le Hamas sur les marchés pétroliers de la région, Jafar a déclaré qu'il était plus préoccupé par la situation humanitaire.

« Pour l'instant, je ne m'intéresse pas aux inquiétudes du marché lorsqu'il s'agit de la souffrance humaine. » La souffrance humaine est au centre, et devrait être au centre, pour tout le monde, de tout ce que nous faisons et de tout ce à quoi nous pensons en ce moment. En ce qui me concerne, le marché n'est donc ni au beau fixe ni au ralenti », a-t-il ajouté.

Dr Sultan Al-Jaber, président de la COP28 ; championne du climat de haut niveau pour la présidence de la COP 28 ; et Badr Jafar se sont entretenus avec les dirigeants mondiaux Williams Ruto, Bill Gates et Mike Bloomberg lors d'un événement axé sur la santé et le climat pour discuter du programme d'action de la COP28 (Photo, fournie).
Dr Sultan Al-Jaber, président de la COP28 ; championne du climat de haut niveau pour la présidence de la COP 28 ; et Badr Jafar se sont entretenus avec les dirigeants mondiaux Williams Ruto, Bill Gates et Mike Bloomberg lors d'un événement axé sur la santé et le climat pour discuter du programme d'action de la COP28 (Photo, fournie).

Les Émirats arabes unis étant l'un des plus grands producteurs de pétrole et de gaz au monde, les critiques ont suggéré qu'ils n'étaient pas un bon candidat pour accueillir la COP28. D'autres ont défendu le choix du lieu, soulignant l'absence de critiques lorsque l'Écosse, elle-même productrice de pétrole, a accueilli la COP26 en 2021.

 Jafar, qui est également directeur général du Crescent Group, qui gère un portefeuille de plus de 25 entreprises diversifiées par l'intermédiaire de Crescent Enterprises et de Crescent Petroleum, a estimé que ces critiques n'avaient rien à voir avec l'objectif du sommet.

Il a souligné que les participants et les observateurs de la COP28 devraient se concentrer sur l'aide aux communautés dans les nations les plus vulnérables au climat du monde en développement plutôt que sur leurs intérêts personnels.

Il a ajouté : « Je me sens obligé de dire que nous ne devons pas oublier le véritable objectif de tout ce qui est discuté, dont le changement climatique ».

« Il s'agit certainement de sauvegarder et d'assurer le bien-être de l'humanité et de notre habitat, en se concentrant sur les plus vulnérables. Et ceci est particulièrement vrai avec les souffrances incroyables dont nous avons été témoins cette semaine (à Gaza), notamment en raison de la guerre menée contre certains des civils les plus sans défense et sans voix de la planète ».

« Pensez-y, et je parle ici au sens figuré. Lorsque votre maison brûle, il est absurde de vous demander d'envisager d'ajouter des panneaux solaires à votre toit ou de vous préoccuper de limiter le réchauffement climatique à 1,5 degré d'ici à 2030.Vous essayez simplement de survivre un jour, une heure de plus ».

Badr Jafar, PDG de Crescent Enterprises, représentant spécial de la COP28 pour les entreprises et la philanthropie, s'entretient avec Katie Jensen, animatrice de Frankly Speaking (Photo, AN).
Badr Jafar, PDG de Crescent Enterprises, représentant spécial de la COP28 pour les entreprises et la philanthropie, s'entretient avec Katie Jensen, animatrice de Frankly Speaking (Photo, AN).

Il a souligné que certains pays développés avaient revu à la baisse leurs engagements en matière d'émissions et délivré de nouvelles licences pour le forage pétrolier et gazier, et a suggéré que le « l’écart de confiance » entre les pays industrialisés et les pays en développement devait être comblé si l'on voulait atteindre les objectifs en matière de climat.

« Toutes les nations doivent se regarder dans le miroir avec honnêteté intellectuelle et se demander si ce qu'elles font elles-mêmes contribue réellement à améliorer la situation, au lieu de faire de la politique intéressée et d'aggraver la situation en créant un fossé dans la confiance encore plus grand à travers le monde, ce qui garantira que nous n'atteindrons jamais nos objectifs en matière de climat et de nature », a-t-il ajouté.

 Défendant le choix de Dubaï comme lieu d'accueil de la COP28, Jafar a précisé que les Émirats arabes unis devraient être jugés sur la base de leurs politiques climatiques et de leurs investissements dans les sources d'énergie propres et renouvelables.

« C'est ce que représentent les Émirats arabes unis et leur participation à la COP28. En seulement deux générations, les Émirats arabes unis ont rapidement diversifié leur économie, avec plus de 70 % du PIB (produit intérieur brut) généré aujourd'hui en dehors du pétrole. »

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Il a mis en exergue l'Agenda vert des Émirats arabes unis, lancé en 2015, sa stratégie « zéro émission nette d'ici 2050 » et son engagement à investir plus de 160 milliards de dollars dans les énergies propres au cours des prochaines années, ajoutant que Masdar d'Abou Dhabi était déjà le plus grand investisseur au monde dans le domaine des énergies renouvelables.

 Jafar a également souligné les efforts déployés par les Émirats arabes unis pour protéger les puits de carbone naturels en inversant la déforestation et en lançant des initiatives telles que le projet Mangrove Breakthrough, qui vise à restaurer 15 millions d'hectares de mangrove dans le monde. Saluant l'initiative verte saoudienne et d'autres projets au Moyen-Orient visant à lutter contre le changement climatique, il a affirmé qu'ils étaient « tous vraiment en phase avec la transition énergétique en cours ».

 Jafar a dit à Mme Jensen qu'un sommet sur le climat réussi impliquerait l'inclusion de chefs d'entreprise et de philanthropes dans la recherche et la mise en œuvre de solutions climatiques.

 Il a dit : « Le secteur privé, y compris la philanthropie à mon avis, est le plus prometteur pour accélérer la réalisation de nos objectifs mondiaux en matière de climat et de nature »

« Je crois honnêtement que l'une des principales raisons pour lesquelles le processus de la COP n'a pas été aussi fructueux en termes de mise en œuvre et d'action qu'il ne l'a peut-être été en termes de déclarations et d'engagements, c'est que les entreprises n'ont pas été correctement impliquées dans le processus. Cela doit changer et changera avec la COP28 ».

 Jafar estime que l'on ne peut pas compter uniquement sur les gouvernements pour tenir leurs promesses ambitieuses de réduction des émissions et de mise en œuvre de politiques vertes.

« Une autre raison essentielle pour laquelle l'inclusion authentique des entreprises n'est plus facultative est qu’elles peuvent fournir le tissu de connexion essentiel entre les présidences de la COP.

 Nous avons tous été témoins, au fil des ans, des volte-face de divers gouvernements, principalement en Europe, et peut-être même aux États-Unis, les partis politiques en concurrence jouant au ping-pong avec les politiques climatiques et certains allant même jusqu'à repousser l'objectif « zéro net » pour servir leurs propres intérêts.

 « L'incapacité constante de nombreux pays à respecter leurs engagements en matière de financement de la lutte contre le changement climatique est une autre raison pour laquelle nous ne pouvons pas nous contenter de nous fier à ces engagements. Cette déconnexion et cette discontinuité sont donc fatales à un processus tel que la COP », a-t-il ajouté.

 Jafar a indiqué qu'un forum sur le climat consacré aux entreprises et à la philanthropie se tiendrait en décembre, après la COP28 des Émirats arabes unis, afin d'examiner des solutions ciblées pour accélérer le transfert de technologies, réduire les risques liés aux investissements verts, permettre des investissements efficaces pour la conservation de la nature, favoriser les petites et moyennes entreprises et les startups dans le domaine du climat, et investir dans la résilience pour les plus vulnérables, entre autres résultats essentiels du secteur privé.

Ce faisant, les organisateurs espèrent élaborer « une feuille de route axée sur les résultats et non sur les noms », a déclaré Jafar.

« C'est exactement ce que nous faisons avec le forum et, je crois, plus largement avec la COP28.  C'est vraiment l'objectif que nous nous sommes fixé au cours des deux derniers mois, afin de nous assurer que l'ordre du jour n'est pas seulement adapté à la COP28 et principalement, bien sûr, à l'agenda d'action de la COP28 ou du président, mais qu'il est également approprié pour les communautés que l'ensemble de l'ordre du jour et les résultats doivent servir ».

Dans un entretien accordé à Arab News lors du Forum économique mondial de Davos cette année, Jafar avait déclaré que le monde n'était pas confronté à une crise énergétique, mais plutôt à une crise de gestion, soulignant l'incapacité de l'Occident à conduire les nations vers des solutions réalistes pour lutter contre le changement climatique.

Il a de nouveau souligné ce qu'il considère comme une incapacité à accepter une réalité économique qui a entraîné une plus grande division.

 Il a déclaré : « La plupart des discours prononcés aujourd'hui dans les cercles occidentaux de politique énergétique, ou plutôt dans la sphère politique, semblent être centrés sur un point de départ - un monde dépendant des combustibles fossiles - et un point d'arrivée, un monde net-zéro pour remplacer l'ancien par le nouveau, d'un simple coup de baguette magique et en divisant le problème en camps à somme nulle ».

 « Lorsque nous abordons les problèmes de cette manière réductrice, nous sommes victimes de nos instincts d'écart : nous et eux, l'Occident et le reste ».

« Nous créons des groupes qui se confrontent avec un fossé imaginaire entre eux, ce qui engendre un choix impossible, en particulier pour de nombreuses (économies) émergentes qui se sentent obligées de choisir entre les enjeux climatiques et la croissance et éloigne le monde des objectifs climatiques », a ajouté Jafar.

 

Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com


Des rapports internes concluent à un climat antisémite et anti-musulman à Harvard

Le rapport exhorte l'université pluricentenaire à "devenir leader dans la lutte contre l'antisémitisme et les positions anti-Israël". (AFP)
Le rapport exhorte l'université pluricentenaire à "devenir leader dans la lutte contre l'antisémitisme et les positions anti-Israël". (AFP)
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  • Harvard, comme d'autres universités américaines de renom, Columbia en particulier, est accusée par le président républicain d'avoir laissé prospérer l'antisémitisme sur son campus pendant les mouvements étudiants contre la guerre à Gaza menée par Israël
  • Un premier groupe de travail sur l'antisémitisme et les positions anti-Israël, composé principalement de membres du corps enseignant mais aussi d'étudiants

NEW YORK: Deux rapports distincts sur Harvard publiés mardi par l'université ont établi qu'un climat antisémite et anti-musulman s'était installé sur le campus de la prestigieuse université américaine, dans le viseur de Donald Trump, et la pressent d'agir pour y remédier.

Ces deux rapports de plusieurs centaines de pages, construits notamment à partir de questionnaires et de centaines de témoignages d'étudiants et d'encadrants menés depuis janvier 2024, sont rendus au moment où l'université implantée près de Boston (nord-est) s'est attiré les foudres de Donald Trump, qui l'a dernièrement dépeinte en "institution antisémite d'extrême gauche", "foutoir progressiste" et "menace pour la démocratie".

Harvard, comme d'autres universités américaines de renom, Columbia en particulier, est accusée par le président républicain d'avoir laissé prospérer l'antisémitisme sur son campus pendant les mouvements étudiants contre la guerre à Gaza menée par Israël après l'attaque du Hamas le 7 octobre 2023.

Un premier groupe de travail sur l'antisémitisme et les positions anti-Israël, composé principalement de membres du corps enseignant mais aussi d'étudiants, a établi que les deux phénomènes "ont été alimentés, pratiqués et tolérés, non seulement à Harvard, mais aussi plus largement dans le monde universitaire".

Le rapport exhorte l'université pluricentenaire à "devenir leader dans la lutte contre l'antisémitisme et les positions anti-Israël".

Un autre groupe de travail distinct, lui consacré aux positions anti-musulmans, anti-arabes et anti-Palestiniens, a conclu à "un sentiment profondément ancré de peur parmi les étudiants, les enseignants et le personnel". Les personnes interrogées décrivent "un sentiment de précarité, d'abandon, de menace et d'isolement, ainsi qu'un climat d'intolérance omniprésent", écrivent ses auteurs.

"Harvard ne peut pas - et ne va pas - tolérer l'intolérance. Nous continuerons à protéger tous les membres de notre communauté et à les préserver du harcèlement", s'engage dans une lettre accompagnant les deux rapports le président de Harvard, Alan Garber, à l'initiative des deux rapports, en promettant de "superviser la mise en oeuvre des recommandations" préconisées.

Harvard, l'université la plus ancienne des Etats-Unis et une des mieux classées au monde, s'est distinguée en étant la première à attaquer en justice l'administration Trump contre un gel de plus de deux milliards de dollars de subventions fédérales, décidé après que la célèbre institution a refusé de se plier à une série d'exigences du président.

Donald Trump, qui reproche aux universités d'être des foyers de contestation progressiste, veut avoir un droit de regard sur les procédures d'admission des étudiants, les embauches d'enseignants ou encore les programmes.

L'accusation d'antisémitisme est fréquemment employée par son administration pour justifier ses mesures contre les établissements d'enseignement supérieur, ainsi que contre certains étudiants étrangers liés aux manifestations contre la guerre à Gaza.


Canada: le libéral Mark Carney donné vainqueur après une campagne centrée sur Trump

Le Premier ministre canadien et chef du Parti libéral, Mark Carney, salue ses partisans lors d'une fête de victoire à Ottawa (Ontario), le 29 avril 2025. (AFP)
Le Premier ministre canadien et chef du Parti libéral, Mark Carney, salue ses partisans lors d'une fête de victoire à Ottawa (Ontario), le 29 avril 2025. (AFP)
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  • Le Parti libéral de Mark Carney a remporté lundi les législatives canadiennes, selon les projections des médias locaux, après une campagne centrée sur les menaces du président américain Donald Trump contre le pays
  • Toutefois, selon des résultats encore préliminaires, les libéraux pourraient rester minoritaires au Parlement et seraient donc contraints de gouverner avec l'appui d'un autre parti

OTTAWA: Le Parti libéral de Mark Carney a remporté lundi les législatives canadiennes, selon les projections des médias locaux, après une campagne centrée sur les menaces du président américain Donald Trump contre le pays.

Toutefois, selon des résultats encore préliminaires, les libéraux pourraient rester minoritaires au Parlement et seraient donc contraints de gouverner avec l'appui d'un autre parti.

Il y a quelques mois encore, la voie semblait toute tracée pour permettre aux conservateurs canadiens emmenés par Pierre Poilievre de revenir aux affaires, après dix ans de pouvoir de Justin Trudeau.

Mais le retour de Donald Trump à la Maison Blanche et son offensive inédite contre le Canada, à coups de droits de douane et de menaces d'annexion, ont changé la donne.

A Ottawa, où les libéraux sont réunis pour la soirée électorale dans une aréna de hockey, l'annonce des résultats a provoqué une salve d'applaudissements et des cris enthousiastes.

"Je suis si heureuse", lâche sur place Dorothy Goubault, originaire de la région des Mille Iles en Ontario. "Je suis contente car nous avons quelqu'un qui peut parler à M. Trump à son niveau. M. Trump est un homme d'affaires. M. Carney est un homme d'affaires, et je pense qu'ils peuvent tous les deux se comprendre".

Pour le ministre Steven Guilbeault, "les nombreuses attaques du président Trump sur l'économie canadienne, mais aussi sur notre souveraineté et notre identité même, ont vraiment mobilisé les Canadiens", a-t-il déclaré sur la chaine publique CBC.

Et les électeurs "ont vu que le Premier ministre Carney avait de l'expérience sur la scène mondiale".

Mark Carney n'avait pas encore pris la parole à minuit locales (04H00 GMT), tandis que se poursuivait le dépouillement.

Dans les longues files devant les bureaux de vote toute la journée, les électeurs ont souligné l'importance de ce scrutin, parlant d'élections historiques et déterminantes pour l'avenir de ce pays de 41 millions d'habitants.

- "Chaos" -

À 60 ans, Mark Carney, novice en politique mais économiste reconnu, a su convaincre une population inquiète pour l'avenir économique et souverain du pays qu'il était la bonne personne pour piloter le pays en ces temps troublés.

Cet ancien gouverneur de la banque du Canada et de Grande-Bretagne n'a cessé de rappeler pendant la campagne que la menace américaine est réelle pour le Canada.

"Ils veulent nos ressources, notre eau. Les Américains veulent notre pays", a-t-il prévenu.

"Le chaos est entré dans nos vies. C'est une tragédie, mais c'est aussi une réalité. La question clé de cette élection est de savoir qui est le mieux placé pour s'opposer au président Trump?", a-t-il expliqué pendant la campagne.

Pour faire face, il a promis de maintenir des droits de douane sur les produits américains tant que les mesures de Washington seront en place.

Mais aussi de développer le commerce au sein de son pays en levant les barrières douanières entre provinces et de chercher de nouveaux débouchés, notamment en Europe.

En face, le chef conservateur, qui avait promis des baisses d'impôts et des coupes dans les dépenses publiques, n'a pas réussi à convaincre les électeurs de ce pays du G7, 9e puissance mondiale, de tourner le dos aux libéraux.

Pierre Poilievre aura aussi souffert jusqu'au bout de la proximité, de par son style et certaines de ses idées, avec le président américain, ce qui lui a aliéné une partie de l'électorat, selon les analystes.

Au QG des conservateurs à Ottawa, Jason Piche se dit toutefois "surpris" des résultats, "je pensais que ce serait plus serré que ça".

Un peu plus loin, Jean-Guy Bourguignon, homme d'affaires de 59 ans, se dit carrément "très triste". "Est-ce que c'est vraiment ça le pays dans lequel nous voulons vivre?", demande-t-il alors qu'il énumère les politiques des libéraux, qu'il juge liberticides.

Près de 29 millions d'électeurs étaient appelés aux urnes dans ce vaste pays du G7 qui s'étend sur six fuseaux horaires. Et plus de 7,3 millions de personnes avaient voté par anticipation, un record.


Ukraine: Poutine annonce une trêve du 8 au 10 mai, «tentative de «manipulation»» répond Zelensky

Le président russe Vladimir Poutine prononce un discours lors d'une réunion du Conseil des législateurs à Saint-Pétersbourg, le 28 avril 2025. (AFP)
Le président russe Vladimir Poutine prononce un discours lors d'une réunion du Conseil des législateurs à Saint-Pétersbourg, le 28 avril 2025. (AFP)
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  • Le président russe Vladimir Poutine a annoncé lundi une trêve sur le front en Ukraine durant trois jours du 8 au 10 mai
  • Son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky denonçant une "tentative de manipulation"

MOSCOU: Le président russe Vladimir Poutine a annoncé lundi une trêve sur le front en Ukraine durant trois jours du 8 au 10 mai, à l'occasion de la commémoration de la victoire sur l'Allemagne nazie, son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky denonçant une "tentative de manipulation".

Le président américain Donald Trump exhorte Kiev et Moscou à conclure un cessez-le-feu et un accord de paix, trois ans après le début de l'offensive russe ayant déjà fait des dizaines de milliers de morts civils et militaires.

"A partir de minuit entre le 7 et le 8 mai, et jusqu'à minuit entre le 10 et le 11 mai, la partie russe annonce un cessez-le-feu", a indiqué le Kremlin dans un communiqué. "Pendant cette période, toutes les opérations de combat seront arrêtées".

D'après la présidence russe, Vladimir Poutine a pris cette décision unilatérale "pour des raisons humanitaires" et à l'occasion des célébrations du 80e anniversaire de la victoire sur l'Allemagne nazie.

Pour M. Zelensky, au contraire, "il y a désormais une nouvelle tentative de manipulation". "Pour une raison, a-t-il dit dans son adresse quotidienne, tout le monde doit attendre le 8 mai et ne cesser le feu qu'ensuite pour garantir le silence" lors de la parade du 9 mai sur la place Rouge à Moscou.

La Russie commémore le 9 mai cet événement dont Vladimir Poutine a fait un marqueur essentiel de la puissance retrouvée du pays. Les dirigeants d'une vingtaine de pays sont attendus pour un défilé militaire en grande pompe sur la place Rouge à Moscou.

Le Kremlin a dit considérer que l'Ukraine "devrait suivre cet exemple", tout en prévenant que les forces russes "fourniront une réponse adéquate et efficace" en cas de violation de la trêve.

Vladimir Poutine avait déjà déclaré un bref cessez-le-feu de 30 heures les 19 et 20 avril à l'occasion de Pâques. Les deux camps s'étaient ensuite accusés de l'avoir violé, même si une baisse de l'intensité des combats avait été ressentie dans plusieurs secteurs du front.

"Accroître la pression sur la Russie"

La Maison Blanche a soutenu lundi que Donald Trump souhaitait un cessez-le-feu "permanent" en Ukraine et pas seulement une trêve temporaire.

Les Etats-Unis, jusque-là le premier soutien de l'Ukraine, veulent tourner la page aussi vite que possible quitte, craint Kiev, à accepter des dispositions très favorables à Moscou.

Le secrétaire d'Etat américain Marco Rubio a dit dimanche à son homologue russe, Sergueï Lavrov, qu'il était temps de mettre fin à une "guerre insensée" en Ukraine, selon un communiqué lundi.

De son côté, le président français Emmanuel Macron a affirmé que "dans les huit à dix jours prochains, nous allons accroître la pression sur la Russie", dans un entretien publié par le magazine Paris Match.

Il a estimé avoir "convaincu les Américains de la possibilité d’une escalade des menaces, et potentiellement de sanctions" contre Moscou.

Conditions maximalistes de Poutine 

La Russie maintient des conditions maximalistes concernant l'Ukraine, dont elle veut la reddition et le renoncement à rejoindre l'Otan, tout en s'assurant de pouvoir garder les territoires ukrainiens annexés.

La reconnaissance internationale de l'annexion russe de la Crimée et de quatre autres régions ukrainiennes est une condition "impérative" à la paix, a encore martelé lundi le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov.

La Russie a annexé la péninsule ukrainienne de Crimée en mars 2014, ce que la communauté internationale, Etats-Unis compris, n'a jamais reconnu.

En septembre 2022, quelques mois après le déclenchement de son assaut à grande échelle, elle a aussi revendiqué l'annexion de quatre régions ukrainiennes qu'elle occupe partiellement, celles de Donetsk, Lougansk, Kherson et Zaporijjia.

La Russie, qui a l'avantage sur le front, a revendiqué lundi la prise de Kamyanka, un village de la région de Kharkiv, dans le nord-est de l'Ukraine.

La Corée du Nord a pour la première fois reconnu lundi avoir envoyé des troupes en Russie et qu'elles avaient aidé Moscou à reprendre aux Ukrainiens les zones de la région de Koursk dont ils s'étaient emparés.

Trois personnes ont par ailleurs été tuées lundi dans une attaque russe contre un village de la région de Donetsk (est), selon les services du procureur régional.