La Turquie et les pays du CCG aspirent à hisser leurs relations à de nouveaux sommets

Photo: (Twitter @Gulf_Research)
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Publié le Samedi 18 novembre 2023

La Turquie et les pays du CCG aspirent à hisser leurs relations à de nouveaux sommets

La Turquie et les pays du CCG aspirent à hisser leurs relations à de nouveaux sommets

Le week-end dernier, j'ai participé au tout premier Forum économique du Conseil de coopération du Golfe avecTurquie qui s'est tenu à Istanbul. Cet événement visait à renforcer la coopération économique entre les États du Golfe et la Turquie, tout en stimulant la valeur des échanges commerciaux entre les deux parties.

Cet événement a été méticuleusement préparé en amont, et les résultats ont été particulièrement probants. Des personnalités de haut niveau ont pris part à cet événement des deux côtés. Du côté turc, le ministre des Finances Mehmet Simsek, le ministre du Commerce Omer Bolat, divers hauts fonctionnaires et des figures éminentes du monde des affaires étaient présents. Du côté du Golfe, le secrétaire général du CCG, Jasem Al-Budaiwi, des ministres, des sous-secrétaires aux ministères de l'Économie et des diplomates représentant tous les États du Golfe ont participé à l'événement. Ce forum prestigieux a été organisé conjointement par le Gulf Research Center d'Arabie saoudite et la Plateforme de coopération internationale de Turquie.

Lors de cet évènement, plusieurs tables rondes ont mis en avant divers secteurs économiques, tels que le commerce, l'agriculture, les industries alimentaires, l'infrastructure, les transports, la logistique, le tourisme, l'investissement, l'industrie, l'énergie, le sport et l'économie numérique.

J'ai eu l'honneur d’en modérer une avec Deemah Al-Yahya, la première secrétaire générale de l'Organisation de coopération numérique. En effet, Al-Yahya, experte saoudienne de l'économie numérique et diplomate technologique, a abordé le potentiel de l'économie numérique et le rôle de la diplomatie technologique entre les États du CCG et la Turquie. 

En outre, passionnée de technologie depuis toujours, Al-Yahya s'investit particulièrement dans l'autonomisation des femmes dans le domaine de l'économie numérique. Ayant formé plus de 26 000 femmes dans l'industrie technologique, elle occupe des positions-clés au sein de divers conseils mondiaux, souvent en tant que pionnière, illustrant de manière exceptionnelle l’évolution du rôle des femmes dans les relations entre la Turquie et le Golfe.

 

La Turquie et le CCG prévoient de tenir la sixième réunion de leurs discussions stratégiques au cours du premier trimestre de l'année prochaine.

 

En marge du forum, j'ai eu l'opportunité d'échanger brièvement avec Al-Budaiwi, qui a souligné deux éléments essentiels pour renforcer les relations entre le CCG et la Turquie. Tout d'abord, il a insisté sur la reprise des discussions entre la Turquie et les États du CCG en vue d’un accord de libre-échange. Pour rappel, en 2005, la Turquie et le CCG ont signé un accord-cadre pour entamer des négociations sur un accord de libre-échange. Bien que les discussions aient commencé au début des années 2000, la Turquie n'a conclu récemment un accord de libre-échange qu'avec les Émirats arabes unis, avec pour objectif d'augmenter le volume des échanges commerciaux entre les deux pays de 18,9 milliards de dollars l'année dernière à 40 milliards de dollars d'ici cinq ans. Cependant, la Turquie aspire à conclure des accords similaires avec les autres États du CCG.

Par ailleurs, Al-Budaiwi a souligné l'importance des relations «stratégiques», affirmant que «la Turquie représente un partenaire stratégique très significatif pour les États du CCG, et il est donc crucial pour nous d’entretenir une relation solide avec elle». Il a également indiqué que la Turquie et le CCG tiendront leur sixième réunion de discussion stratégique à Istanbul au cours du premier trimestre de l'année prochain :. la cinquième s'étant déroulée en 2016. «Huit ans plus tard, nous aurons désormais la sixième. C'est d’une importance capitale car cela ouvrira la voie au renforcement de notre relation», a déclaré Al-Budaiwi.

Cette relation est cruciale et pour cause: elle intervient après une pause prolongée marquée par des crises au sein du CCG lui-même et la détérioration des relations entre la Turquie et les pays du Golfe. Deuxièmement, elle est le résultat de la normalisation des relations d'Ankara avec les États du CCG depuis le début de l'année 2021. La détérioration des relations entre la Turquie et le Golfe au cours de la dernière décennie a porté préjudice à tous les acquis institutionnels réalisés, tels que les négociations sur l'accord de libre-échange et les discussions sur la coopération stratégique. En 2008, la Turquie était devenue le premier pays hors de la région du Golfe à être déclaré partenaire stratégique du CCG.

Lors du forum du week-end dernier, le ministre turc du Commerce a souligné que le volume des échanges entre la Turquie et les États du CCG était passé de 2,1 milliards de dollars à 22,7 milliards de dollars entre 2002 et 2022. Cela représente une augmentation de onze fois, a-t-il noté. Bien que ces chiffres soient prometteurs, le commerce entre le CCG et la Turquie est encore en deçà de son potentiel. En effet, Ankara ambitionne de tripler ce chiffre au cours des cinq prochaines années.

Les États du CCG sont également désireux d'élargir leur influence en Turquie. Plusieurs délégations des États du Golfe ont visité le pays cette année dans le but de développer les relations économiques et politiques entre les deux parties, qui s’emploient à transformer cette nouvelle ère en une situation avantageuse pour les deux côtés.

La visite officielle du président turc Recep Tayyip Erdogan en Arabie saoudite, au Qatar et aux Émirats arabes unis en juillet a également scellé une nouvelle ère de coopération économique avec la région du Golfe. Dans cette optique, la nomination de Simsek au ministère des Finances par Erdogan a signalé un retour à l'orthodoxie économique et la priorisation de la stabilité du marché, instillant la confiance parmi les investisseurs du Golfe dans le climat d'investissement en Turquie. Lors de son discours au forum économique, Simsek a laissé entendre que ses politiques visent à stimuler davantage le commerce avec les États du CCG.

À l’évidence, lors du forum, les deux parties ont affiché leur détermination à concrétiser les engagements pris lors du rapprochement. Le moteur clé derrière cette approche mutuelle réside dans le désir de la Turquie et des États du CCG de diversifier leurs partenaires dans un monde multipolaire, favorisant ainsi à la fois leurs intérêts nationaux et le bien-être de leur population.

 

Sinem Cengiz, analyste politique turque spécialisée dans les relations entre la Turquie et le Moyen-Orient.

X: @SinemCngz

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français. 

 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com