2023: Année charnière pour l’ultra-droite française

Des personnes participent à une "Marche Blanche" à Romans-sur-Isere, dans le sud-est de la France, le 22 novembre 2023, en hommage à Thomas, un adolescent décédé le 19 novembre 2023 à Crépol après avoir été blessé à l'arme blanche lors d'un bal dans ce petit village de la Drôme. (Photo Olivier Chassignole AFP)
Des personnes participent à une "Marche Blanche" à Romans-sur-Isere, dans le sud-est de la France, le 22 novembre 2023, en hommage à Thomas, un adolescent décédé le 19 novembre 2023 à Crépol après avoir été blessé à l'arme blanche lors d'un bal dans ce petit village de la Drôme. (Photo Olivier Chassignole AFP)
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Publié le Samedi 30 décembre 2023

2023: Année charnière pour l’ultra-droite française

  • Cette année, l’ultra-droite s’est démarquée à plusieurs reprises dans plusieurs villes de l’Hexagone
  • Des sources de contact hétérogènes permettent aux membres d’organisations dissoutes de poursuivre leurs actions sous de nouvelles bannières

PARIS: Romans-sur-Isère, le 25 novembre dernier : une centaine de personnes convergent vers le quartier de la Monnaie dans le but avoué d’effectuer une expédition punitive. Ces militants viennent venger la mort de Thomas, tué lors d’une rixe dans un village des environs par un habitant des lieux. Ils sont rapidement interceptés par un cordon de police qui met court à leur tentative. L’affrontement avec les forces de l’ordre conduit à l’interpellation de certains tandis que les autres rebroussent chemin. Malgré la déroute, l’action fait grand bruit dans les médias du pays : après ce coup d’éclat, l’ultra-droite se hisse fermement sur le devant de la scène française.

D’après le politologue Jean-Yves Camus auprès du journal Libération, le terme d’ultra-droite «incorpore des groupes violents et d’autres qui ne le sont pas, ainsi que des catégories idéologiques très différentes : identitaires ; néofascistes ; néonazis ; catholiques intégristes non-violents mais théocrates». Lors d’un entretien au Monde en juillet, le directeur général de la sécurité intérieure (DGSI), Nicolas Lerner décrit «une mouvance forte de 2000 personnes», banalisant le «recours à la violence et la tentation de vouloir imposer ses idées par la crainte ou l'intimidation». Elle est selon lui à l’origine de dix projets d’attentats terroristes déjoués en France depuis 2017. Leurs cibles ? Elles sont «aussi variées que des citoyens de confession musulmane ou juive, des élus ou des francs-maçons», poursuit-il.

Occuper le terrain

Cette année, l’ultra-droite s’est démarquée à plusieurs reprises dans plusieurs villes de l’Hexagone. Le 1ᵉʳ décembre à Paris, 200 personnes se sont réunies place du Panthéon, clamant des slogans tels que «Justice pour Thomas» et «Français, réveille-toi, tu es ici chez toi», selon l’AFP. Un rassemblement à l’initiative du groupe Les Natifs formé par des anciens de l’association Génération Identitaire, dissoute par le gouvernement en 2019. La manifestation avait fait l’objet d’une interdiction préfectorale, cassée dans la foulée sur décision judiciaire.

À Lyon, une conférence du collectif Palestine 69 a été ciblée par des dizaines d’hommes encagoulés venus occuper les lieux. Ils ne parviennent pas à entrer dans la salle et l’affaire se solde par trois blessés légers et une interpellation. Sur une vidéo de l’agression, les assaillants entonnent le slogan «la rue, la France, nous appartient», rapporte le média Rue89.

Les émeutes de cet été ayant suivi la mort du jeune Nahel ont aussi fait l’objet d’actions coup-de-poing de l’ultra-droite. Quelques dizaines de militants sont sortis dans les rues d’Angers «ont poursuivi en courant des individus, armés d’un couteau et de bâtons», puis «ont fait usage de fumigènes pour entraver l’intervention des forces de l’ordre» a annoncé la mairie. À Lorient, une trentaine de personnes attaquent également les émeutiers et procèdent à des «interpellations sauvages» observées par Le Télégramme.

Les agglomérations rurales n’ont pas non plus été épargnées, en témoigne les cas de Callac (Côtes-d'Armor) et de Saint-Brévin-les-Pins (Loire-Atlantique), destinées à accueillir et insérer professionnellement des migrants en leur sein. Les deux communes ont ainsi fait l’objet de campagnes d’intimidation visant des élus porteurs des projets. Le maire de Saint-Brévin a même vu ses deux véhicules incendiés par des cocktails Molotov.

Aussi marquant soit-il, le cas de Romans-sur-Isère ne fait donc pas exception. Il illustre plutôt une année marquée par les multiples agissements d’une mouvance qui n’hésite plus à passer à l’acte.

Prises de contact

L’activisme d’ultra-droite attire depuis plusieurs années l’attention des pouvoirs publics, qui outre la surveillance par les renseignements (1300 militants étant fichés S selon un rapport parlementaire publié en novembre) procèdent à des dissolutions de groupes.

Plusieurs enquêtes réalisées par Mediapart ont révélé les nouvelles méthodes employées par ces militants pour construire leurs actions autour de ces obstacles. Au cours des évènements qui se sont déroulés cette année, le journal détaille d’abord le regroupement d’individus venus de plusieurs départements français et issus de diverses organisations. Un fait récent pour une mouvance autrefois plus divisée et sujette à des rivalités intestines. De telles convergences sont facilitées grâce à des prises de contact via les réseaux sociaux, mais aussi par la messagerie cryptée Telegram, privilégiée pour son intraçabilité et l’anonymat dont profitent ses utilisateurs.

L’ultra-droite se retrouve également dans des camps d’entraînement sportif ou lors d’événements militants permettant de renforcer les liens entre individus aux appartenances idéologiques et régionales variées, rassemblés autour de causes communes. Grand remplacement, projets de renvoi de personnes issues de l’immigration extra-européenne vers leur pays d’origine, racisme anti-blanc sont autant de thèmes chers à l’ultra-droite, copieusement relayés par des médias tels que Riposte Laïque, Fdesouche ou Radio Courtoisie.

Ces sources de contact hétérogènes permettent aux membres d’organisations dissoutes de poursuivre leurs actions sous de nouvelles bannières, analyse Mediapart. Elles complexifient enfin la tâche des pouvoirs publics chargés de contrôler les agissements d’une mouvance plus que jamais protéiforme et capable d’être présente en nombre aux quatre coins de la France.

 


Grève nationale : les syndicats unis contre le budget du futur gouvernement

Des policiers attendent l'arrivée du ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau à la Porte d'Orléans à Paris, le 18 septembre 2025, avant une journée de grèves et de protestations à l'échelle nationale à l'appel des syndicats sur le budget national de la France. (AFP)
Des policiers attendent l'arrivée du ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau à la Porte d'Orléans à Paris, le 18 septembre 2025, avant une journée de grèves et de protestations à l'échelle nationale à l'appel des syndicats sur le budget national de la France. (AFP)
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  • Journée de grève nationale ce jeudi à l’appel des 8 principaux syndicats français, unis contre les mesures budgétaires jugées « brutales »
  • Les autorités redoutent des débordements à Paris, avec jusqu’à 100 000 manifestants attendus et la présence annoncée de casseurs. 900 000 personnes pourraient se mobiliser dans toute la France

Les syndicats français ont promis une "journée noire" de manifestations et de grèves jeudi pour peser sur les choix budgétaires du prochain gouvernement, en pleine crise politique dans la deuxième économie de l'UE.

A Paris, le préfet de police s'est dit "très inquiet" de la présence de nombreux casseurs venant pour "en découdre" dans la manifestation prévue dans la capitale, qui pourrait selon lui rassembler 50.000 à 100.000 personnes.

Les autorités s'attendent à une mobilisation massive, avec plus de 250 cortèges annoncés qui pourraient réunir jusqu'à 900.000 personnes à travers le pays, soit cinq fois plus que lors du mouvement "Bloquons tout" du 10 septembre lancé sur les réseaux sociaux, hors de tout cadre syndical.

Cette mobilisation lancée par les huit syndicats français, unis pour la première fois depuis le 6 juin 2023, vise les mesures budgétaires "brutales" préconisées cet été par le Premier ministre François Bayrou pour réduire le déficit de la France (coupes dans le service public, réforme de l'assurance chômage, gel des prestations sociales notamment).

Son gouvernement alliant le centre droit et la droite, minoritaire à l'Assemblée nationale, a été renversé par les députés le 8 septembre.

Nommé le lendemain, son successeur Sébastien Lecornu - troisième Premier ministre d'Emmanuel Macron depuis juin 2024, le cinquième depuis sa réélection en 2022 - s'est lui aussi engagé à réduire le déficit qui plombe les comptes de la nation (114% du PIB), tout en promettant des "ruptures sur le fond" en matière budgétaire.

Ce fidèle du président a entamé une série de consultations avec les partis politiques avant de composer un gouvernement et présenter son programme, en vue de boucler dès que possible un projet de budget pour 2026.

Il a également reçu quasiment tous les syndicats, qui n'en ont pas moins maintenu leur mot d'ordre, espérant une mobilisation similaire à celles de 2023 contre la réforme des retraites qui avaient régulièrement réuni un million de manifestants, dont un pic à 1,4 million.

- "Démonstration de force" -

"Aucune des mesures catastrophiques du musée des horreurs de M. Bayrou n'est enterrée !", s'est indignée lundi la leader de la CGT, Sophie Binet, après avoir rencontré le nouveau Premier ministre.

L'abandon par Sébastien Lecornu de la très controversée suppression de deux jours fériés voulue par François Bayrou est "une première victoire", qui "confirme que nous sommes en position de force", a-t-elle estimé.

Même la CFDT, syndicat réputé plus apte au compromis, est "plus que jamais motivée pour aller dans la rue", a fait savoir sa responsable Marylise Léon qui attend "des faits et des preuves" du nouveau chef de gouvernement, et notamment un "besoin d’efforts partagés".

Elle a apprécié à cet égard que le successeur de François Bayrou se dise selon elle conscient de la nécessité de "faire quelque chose" au sujet de la taxation des hauts patrimoines, revenue au cœur du débat.

"Le budget va se décider dans la rue", estime Mme Binet, qui évoque une "démonstration de force" et laisse entrevoir une mobilisation dans la durée.

Côté transports, le trafic sera "perturbé" voire "très perturbé" dans la capitale, ainsi que pour les trains interurbains.

Ce sera moins le cas pour les trains régionaux et les TGV. Un service proche de la normale est attendu dans les aéroports, le principal syndicat de contrôleurs aériens ayant reporté sa grève.

A l'école, un tiers des enseignants du premier degré (écoles maternelles et élémentaires) seront grévistes. L'ampleur du mouvement dans la fonction publique en générale reste encore à préciser.


Le PDG de CMA CGM assure «ne pas s'immiscer dans la ligne éditoriale» des médias qu'il possède

Auditionné à l'Assemblée nationale mercredi, Rodolphe Saadé, PDG du groupe CMA CGM, a assuré "ne pas s'immiscer dans la ligne éditoriale" des médias qu'il possède, quelques jours après l'acquisition du média vidéo Brut, qui suit celle de BFMTV ou RMC. (AFP)
Auditionné à l'Assemblée nationale mercredi, Rodolphe Saadé, PDG du groupe CMA CGM, a assuré "ne pas s'immiscer dans la ligne éditoriale" des médias qu'il possède, quelques jours après l'acquisition du média vidéo Brut, qui suit celle de BFMTV ou RMC. (AFP)
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  • "Tout ce qu'on fait c'est leur donner cette bouffée d'oxygène (...) On ne leur demande pas de dire blanc ou de dire noir, ça c'est eux qui gèrent", a poursuivi le milliardaire, président de l'armateur CMA CGM, dont la branche médias est CMA Media
  • Selon lui, les médias ne "représentent qu'une part modeste" des investissements de son groupe, "moins de 5%", mais "répondent à un enjeu majeur, la vitalité démocratique"

PARIS: Auditionné à l'Assemblée nationale mercredi, Rodolphe Saadé, PDG du groupe CMA CGM, a assuré "ne pas s'immiscer dans la ligne éditoriale" des médias qu'il possède, quelques jours après l'acquisition du média vidéo Brut, qui suit celle de BFMTV ou RMC.

"Les journaux ou chaînes de télévision qu'on a rachetés ont une indépendance, ce sont des journaux qui sont nuancés, qui offrent le pluralisme. Je ne m'immisce pas dans la ligne éditoriale de ces journaux", a-t-il déclaré lors d'une audition devant la commission des affaires économiques de l'Assemblée.

Il répondait au député France insoumise René Pilato qui suggérait une "grande loi de séparation des entreprises et des médias".

"Si des investisseurs comme le groupe CMA CGM ne viennent pas, ces médias malheureusement tombent", a ajouté M. Saadé, rappelant que le secteur des médias est "très sinistré".

"Tout ce qu'on fait c'est leur donner cette bouffée d'oxygène (...) On ne leur demande pas de dire blanc ou de dire noir, ça c'est eux qui gèrent", a poursuivi le milliardaire, président de l'armateur CMA CGM, dont la branche médias est CMA Media.

Selon lui, les médias ne "représentent qu'une part modeste" des investissements de son groupe, "moins de 5%", mais "répondent à un enjeu majeur, la vitalité démocratique".

"Dans un monde traversé par les +fake news+, je crois que les industriels ont un rôle à jouer pour défendre le pluralisme, l'indépendance et la qualité de l'information. Si nous voulons continuer à produire de l'information en France et résister à la domination des grandes plateformes, nous devons garantir des groupes de médias solides capables de créer des contenus de qualité et de les diffuser sur tous les supports", a-t-il défendu.

Outre BFMTV, RMC, et désormais Brut, CMA Media possède les journaux La Tribune et La Tribune Dimanche, La Provence et Corse Matin. Le groupe vient également de racheter la chaîne télé Chérie 25 (NRJ Group).

Vendredi, les Sociétés des journalistes (SDJ) de BFMTV, RMC et La Tribune avaient déploré qu'"une prise de position de Rodolphe Saadé sur l'actualité politique et sociale du pays (ait) été diffusée à l'antenne de BFMTV" jeudi.

Il s'agissait d'extraits écrits tirés d'une tribune publiée dans La Provence après le mouvement "Bloquons tout" du 10 septembre. "Les entreprises ne sont pas des adversaires, elles sont des partenaires de la Nation", y écrivait notamment M. Saadé.

 


Faure «sur sa faim» après son entretien avec Lecornu, resté «très flou» sur ses intentions

Le patron du Parti socialiste, Olivier Faure, est ressorti "sur sa faim" de son entretien mercredi avec le Premier ministre Sébastien Lecornu, resté selon lui "très flou sur ses intentions". (AFP)
Le patron du Parti socialiste, Olivier Faure, est ressorti "sur sa faim" de son entretien mercredi avec le Premier ministre Sébastien Lecornu, resté selon lui "très flou sur ses intentions". (AFP)
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  • Si M. Lecornu était "là pour refaire François Bayrou, les mêmes causes produiraient les mêmes effets et nous censurerions dès la (déclaration) de politique générale", que prononce chaque nouveau Premier ministre, a-t-il prévenu
  • Il était accompagné par le chef de file des députés socialistes Boris Vallaud, celui des sénateurs Patrick Kanner, et la maire de Nantes Johanna Rolland

PARIS: Le patron du Parti socialiste, Olivier Faure, est ressorti "sur sa faim" de son entretien mercredi avec le Premier ministre Sébastien Lecornu, resté selon lui "très flou sur ses intentions".

"Pour l'instant, nous sommes restés sur notre faim et nous verrons bien ce qu'il a à nous dire dans les prochains jours", a déclaré le premier secrétaire du PS, à l'issue de sa première rencontre à Matignon, qui a duré près de deux heures.

Si M. Lecornu était "là pour refaire François Bayrou, les mêmes causes produiraient les mêmes effets et nous censurerions dès la (déclaration) de politique générale", que prononce chaque nouveau Premier ministre, a-t-il prévenu à la veille d'une importante journée de mobilisation syndicale.

Il était accompagné par le chef de file des députés socialistes Boris Vallaud, celui des sénateurs Patrick Kanner, et la maire de Nantes Johanna Rolland.

A propos de la journée d'actions de jeudi, il a expliqué que ces manifestations seraient "aussi un élément du rapport de force que nous devons installer avec un exécutif qui, jusqu'ici, n'a pas fait la démonstration de sa capacité à comprendre la colère et même l'exaspération des Français".

Olivier Faure a également dit qu'il ne souhaitait pas "voir revenir sur la table une loi immigration", estimant que le Premier ministre macroniste était "tiraillé par une droite qui lorgne de plus en plus vers l'extrême droite" et avait  "beaucoup de problèmes dans son propre socle commun".

"Nous ne cherchons pas la censure, nous ne cherchons pas la dissolution, nous ne cherchons pas la destitution. Nous cherchons à ce que les Français soient entendus", a-t-il plaidé, en citant un sondage Ifop commandé par le parti montrant que les Français, quelles que soient leurs sensibilités, plébiscitent les mesures poussées par le PS.

"Il y a des mesures qui sont très majoritaires dans le pays, pour la taxe Zucman" sur les hauts patrimoines, "pour en finir" avec la réforme des retraites, pour "rendre du pouvoir d'achat", notamment à travers "un taux différentiel de CSG", a-t-il détaillé.