La loi immigration, largement censurée, promulguée «dans les heures qui viennent»

Le Conseil constitutionnel français à Paris le 25 janvier 2024 (Photo, AFP).
Le Conseil constitutionnel français à Paris le 25 janvier 2024 (Photo, AFP).
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Publié le Vendredi 26 janvier 2024

La loi immigration, largement censurée, promulguée «dans les heures qui viennent»

  • Le Conseil constitutionnel a censuré très largement jeudi la loi immigration, décision très contestée à droite mais satisfaisante pour le gouvernement
  • Sur les 86 articles du texte, 35 ont été retoqués totalement ou partiellement par les Sages

PARIS: Le Conseil constitutionnel a censuré très largement jeudi la loi immigration, décision très contestée à droite mais satisfaisante pour le gouvernement qui s'apprête à promulguer le texte "dans les prochaines heures" pour appliquer les premières mesures "dès ce weekend".

Le couperet est tombé. Sur les 86 articles du texte, 35 ont été retoqués totalement ou partiellement par les Sages.

Durcissement de l'accès aux prestations sociales pour les étrangers, quotas migratoires annuels, resserrement des critères du regroupement familial, "caution retour" pour les étudiants étrangers...: la plupart de ces mesures avaient été adoptées en décembre sous la pression de la droite et avec l'appui de l'extrême droite.

Emmanuel Macron a aussitôt "pris acte" de cette décision, qui a selon lui "validé quasi intégralement" le projet initial du gouvernement, et demandé à Gérald Darmanin de "tout mettre en oeuvre pour que la loi soit appliquée dans les meilleurs délais".

Le chef de l'Etat promulguera le texte "dans les heures qui viennent", a indiqué sur TF1 le ministre de l'Intérieur, qui a convoqué les préfets vendredi matin pour leur donner ses premières instructions en matière de contrôles, d'expulsions et de régularisations.

Insuffisant pour la leader d'extrême droite Marine Le Pen, selon qui "cette très large censure" confirme que "seule une réforme de la Constitution permettra de répondre aux enjeux migratoires". Option que l'exécutif a exclue d'office.

Le président du Rassemblement national, Jordan Bardella, a lui dénoncé "un coup de force des juges, avec le soutien du président de la République" qui avait lui-même saisi les Sages. Chez Les Républicains, Laurent Wauquiez, possible candidat à la présidentielle de 2027, a dénoncé "un coup d'Etat de droit".

«Cavaliers» censurés

Après deux jours de délibérations, l'institution présidée par l'ex-Premier ministre socialiste Laurent Fabius a donc expurgé le texte d'une bonne partie de son contenu.

Pour des raisons de forme plus que de fond: 32 articles ont ainsi été censurés car les Sages ont jugé qu'ils n'avaient pas leur place dans le périmètre de ce texte.

C'est notamment le cas de la mesure très controversée allongeant la durée de résidence exigée pour que des non-Européens en situation régulière puissent bénéficier de certaines prestations sociales, comme les aides au logement et les allocations familiales.

Idem pour le resserrement des critères du regroupement familial, l'instauration d'une "caution retour" pour les étudiants étrangers ou la fin de l'automaticité du droit du sol pour les enfants d'étrangers nés en France.

"Ce n'est pas une politique migratoire que le Conseil a censuré, mais une procédure législative mal conduite", résume à l'AFP la constitutionnaliste Anne-Charlène Bezzina, de l'Université de Rouen.

Ces "cavaliers législatifs" pourraient néanmoins réapparaître à l'avenir dans de nouveaux textes. La droite le réclame déjà: Les Républicains ont exhorté l'exécutif à repêcher "l'ensemble des dispositions invalidées". Mais Gérald Darmanin a fermé la porte en affirmant que le gouvernement "ne représentera pas de projet de loi" sur le même thème.

Trois autres mesures ont été rejetées sur le fond, en particulier la fixation par le Parlement de quotas migratoires annuels, jugée contraire à la Constitution au titre de la séparation des pouvoirs.

 

Rennes: Une manifestation contre la loi immigration dégénère

Plusieurs centaines de personnes, masquées et cagoulées pour la plupart, ont défilé jeudi soir dans le centre de Rennes pour dénoncer la loi immigration, brisant au passage les vitrines de plusieurs commerces dont certains ont été pillés, selon des journalistes de l'AFP sur place.

Cette manifestation non autorisée, à l'appel de plusieurs mouvements d'extrême gauche et d'étudiants de l'université Rennes 2, a rassemblé environ 450 personnes selon la préfecture.

Parti dans le calme de la place Sainte-Anne vers 20H30, le cortège a sillonné le centre-ville derrière une banderole proclamant "loi raciste réponse anti fasciste".

L'ambiance s'est rapidement tendue et des manifestants, souvent vêtus de noir et le visage caché, ont brisé au passage plusieurs vitrines de commerces et tenté de mettre le feu à une agence bancaire place Hoche, selon un journaliste sur place.

«Tache indélébile»

Des coups de ciseaux accueillis avec "satisfaction" à gauche de l'échiquier politique, même si "le gouvernement portera comme une tache indélébile l'appel à voter" la loi, a réagi le premier secrétaire du PS Olivier Faure.

Le coordinateur de La France insoumise Manuel Bompard a lui appelé l'exécutif à "retirer" une loi "totalement amputée" après cette large censure.

Le texte final conserve néanmoins la structure initialement souhaitée par le gouvernement, avec un large volet de simplification des procédures pour expulser les étrangers délinquants, l'un des objectifs de Gérald Darmanin.

Sans surprise, l'article sur les régularisations de travailleurs sans-papiers dans les métiers en tension, qui avait cristallisé les débats de l'automne, perdure dans le texte.

Un peu plus tôt dans la journée, le ministère de l'Intérieur a publié les chiffres - records - de l'immigration pour 2023, avec une accélération des expulsions comme des régularisations de travailleurs sans-papiers. Des statistiques qui reflètent selon M. Darmanin les "priorités politiques" contenues dans ce projet de loi.

Des dizaines de milliers de personnes avaient encore battu le pavé dimanche contre la loi et entre 100 à 200 opposants se sont rassemblés jeudi devant le Conseil constitutionnel à Paris en marge de la décision des "Sages".


Légion d'honneur, Sarkozy « prend acte », rappelant que la CEDH doit encore examiner son recours

La Cour d'appel a confirmé l'année dernière la condamnation de l'ancien président français Nicolas Sarkozy pour avoir tenté illégalement d'obtenir des faveurs d'un juge et lui a ordonné de porter un bracelet électronique à la cheville au lieu de purger une peine d'un an de prison. (Photo d'archive AFP)
La Cour d'appel a confirmé l'année dernière la condamnation de l'ancien président français Nicolas Sarkozy pour avoir tenté illégalement d'obtenir des faveurs d'un juge et lui a ordonné de porter un bracelet électronique à la cheville au lieu de purger une peine d'un an de prison. (Photo d'archive AFP)
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  • L'ex-président (2007-2012) a rappelé que son recours devant la CEDH « est toujours pendant ». Il l'avait déposé après sa condamnation devenue définitive en décembre, à un an de prison ferme pour corruption dans l'affaire des écoutes. 
  • Nicolas Sarkozy, déjà exclu de l'ordre national du Mérite, est ainsi devenu le deuxième chef de l'État français privé de cette distinction, après le maréchal Pétain.

PARIS : L'ancien président Nicolas Sarkozy a « pris acte » dimanche de son exclusion de la Légion d'honneur et rappelle que la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) doit encore se prononcer sur son recours dans l'affaire des écoutes, a indiqué son avocat Patrice Spinosi dans une déclaration transmise à l'AFP.

« Nicolas Sarkozy prend acte de la décision prise par le grand chancelier. Il n’a jamais fait de cette question une affaire personnelle », a affirmé Patrice Spinosi, soulignant que si l'ancien chef de l'État « a fait valoir des arguments juridiques, c’était au nom de la fonction même de président de la République ».

L'ex-président (2007-2012) a rappelé que son recours devant la CEDH « est toujours pendant ». Il l'avait déposé après sa condamnation devenue définitive en décembre, à un an de prison ferme pour corruption dans l'affaire des écoutes. 

« La condamnation de la France (par la CEDH) impliquera la révision de la condamnation pénale prononcée à l'encontre de Nicolas Sarkozy, en même temps que l’exclusion de l’ordre de la Légion d’Honneur ; l’une n’étant que la conséquence de l’autre », a assuré Patrice Spinosi.

Nicolas Sarkozy, déjà exclu de l'ordre national du Mérite, est ainsi devenu le deuxième chef de l'État français privé de cette distinction, après le maréchal Pétain, à qui la Légion d'honneur avait été retirée en 1945 pour haute trahison et intelligence avec l'ennemi.

« Ce lien avec le maréchal Pétain est indigne », a déclaré la porte-parole du gouvernement Sophie Primas (LR), prenant « acte » elle aussi de cette décision « automatique qui fait partie du code de la Légion d’Honneur ».

« Le président Sarkozy a été là pour la France à des moments extrêmement compliqués », a-t-elle déclaré, se disant « un peu réservée non pas sur la règle, mais sur ce qu’elle entraîne comme comparaison ».

« C'est une règle, mais c'est aussi une honte », a déploré sur franceinfo Othman Nasrou, le nouveau secrétaire général de LR et proche de Bruno Retailleau, apportant son « soutien et son respect » à l'ex-président.

À gauche, le député écologiste Benjamin Lucas s'est félicité de la décision, appelant sur X à ce que « la République prive de ses privilèges et de son influence institutionnelle celui qui a déshonoré sa fonction et trahi le serment sacré qui lie le peuple à ses élus, celui de la probité ».


Echanges de frappes entre Israël et l'Iran : la France renforce la vigilance sur son territoire

 Le ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau  (Photo AFP)
Le ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau (Photo AFP)
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  • « Il convient de porter une vigilance particulière à l'ensemble des sites qui pourraient être ciblés par des actes de terrorisme ou de malveillance de la part d'une puissance étrangère », a-t-il indiqué dans un télégramme
  • Le ministre a appelé à la mobilisation des services de renseignements, des forces de sécurité intérieure, des polices municipales et des élus locaux, ainsi que du dispositif Sentinelle.

PARIS : Le ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau a appelé les préfets à renforcer la vigilance sur le territoire national. Il a notamment demandé de cibler les lieux de culte, les rassemblements festifs et les intérêts israéliens et américains. Cette demande a été transmise par télégramme. Elle a été envoyée vendredi. Cela fait suite à l'attaque israélienne en Iran.

« Il convient de porter une vigilance particulière à l'ensemble des sites qui pourraient être ciblés par des actes de terrorisme ou de malveillance de la part d'une puissance étrangère », a-t-il indiqué dans un télégramme consulté par l'AFP, alors qu'Israël et l'Iran poursuivaient leurs échanges de frappes meurtrières.

Les hostilités ont été déclenchées par une attaque israélienne massive contre des sites militaires et nucléaires iraniens, à laquelle Téhéran riposte avec des missiles balistiques. 

Dans ce contexte, M. Retailleau demande aux préfets de porter « une attention particulière » à la sécurité des lieux de culte, des établissements scolaires, des établissements publics et institutionnels, ainsi que des sites à forte affluence, notamment au moment des entrées et des sorties, et ce, incluant les « rassemblements festifs, culturels ou cultuels ».

Ces mesures de protection renforcée s'appliquent également aux « intérêts israéliens et américains ainsi qu'aux établissements de la communauté juive ».

Le ministre a appelé à la mobilisation des services de renseignements, des forces de sécurité intérieure, des polices municipales et des élus locaux, ainsi que du dispositif Sentinelle.

Vendredi soir, le président Emmanuel Macron a annoncé un « renforcement » du dispositif Sentinelle, qui déploie des militaires en France, « pour faire face à toutes les potentielles menaces sur le territoire national ».


Selon ManPowerGroup, l'IA pourrait réduire l'importance des « compétences » dans le recrutement

Des visiteurs font le tour des stands du salon VivaTech dédié aux start-ups technologiques et à l'innovation, à Paris Expo Porte de Versailles, à Paris, le 12 juin 2025. (Photo de Thomas SAMSON / AFP)
Des visiteurs font le tour des stands du salon VivaTech dédié aux start-ups technologiques et à l'innovation, à Paris Expo Porte de Versailles, à Paris, le 12 juin 2025. (Photo de Thomas SAMSON / AFP)
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  • L'irruption de l'intelligence artificielle (IA) bouleverse le marché du travail ainsi que les modes de recrutement et pourrait amener les employeurs à privilégier le « potentiel » des candidats plutôt que leurs « compétences ».
  • « un travailleur sur quatre dans le monde exerce une profession plus ou moins exposée à l'IA générative, mais la plupart des emplois seront transformés au lieu d'être supprimés, car une intervention humaine reste indispensable ».

PARIS : L'irruption de l'intelligence artificielle (IA) bouleverse le marché du travail ainsi que les modes de recrutement et pourrait amener les employeurs à privilégier le « potentiel » des candidats plutôt que leurs « compétences », selon un dirigeant de ManPowerGroup.

En effet, « les compétences pourraient s'avérer obsolètes dans six mois », explique Tomas Chamorro-Premuzic, directeur de l'innovation du géant américain du travail temporaire, rencontré par l'AFP au salon Vivatech, à Paris, qui ferme ses portes samedi.  Selon lui, « il vaut mieux savoir que vous travaillez dur, que vous êtes curieux, que vous avez de bonnes aptitudes relationnelles et ça, l'IA peut vous aider à l'évaluer ».

Selon l'Organisation internationale du travail (OIT), « un travailleur sur quatre dans le monde exerce une profession plus ou moins exposée à l'IA générative, mais la plupart des emplois seront transformés au lieu d'être supprimés, car une intervention humaine reste indispensable ».

Cependant, les tâches informatiques (utilisation d'Internet, messagerie, etc.) pouvant être accomplies de manière autonome par des agents d'IA connaissent une « rapide expansion ». 

Dans ce contexte, les employeurs pourraient rechercher de plus en plus de salariés dotés de compétences hors de portée de l'IA, telles que le jugement éthique, le service client, le management ou la stratégie, comme l'indique une enquête de ManpowerGroup menée auprès de plus de 40 000 employeurs dans 42 pays et publiée cette semaine.

M. Chamorro-Premuzic déplore toutefois que ces compétences ne soient pas encore davantage mises en avant dans la formation. « Pour chaque dollar que vous investissez dans la technologie, vous devez investir huit ou neuf dollars dans les ressources humaines, la transformation culturelle, la gestion du changement », dit-il.

Les craintes d'un chômage de masse provoqué par l'IA restent par ailleurs exagérées à ce stade, estime le dirigeant, malgré certaines prédictions alarmistes.

D'après Dario Amodei, patron de la société d'intelligence artificielle Anthropic, cette technologie pourrait faire disparaître la moitié des emplois de bureau les moins qualifiés d'ici cinq ans. 

« Si l'histoire nous enseigne une chose, c'est que la plupart des prévisions sont fausses », répond M. Chamorro-Premuzic.

Concernant le recrutement, activité principale de ManPowerGroup, le dirigeant ajoute que « les agents d'intelligence artificielle ne deviendront certainement pas le cœur de notre métier dans un futur proche ». Il constate également que l'IA est utilisée par les demandeurs d'emploi.

« Des candidats sont capables d'envoyer 500 candidatures parfaites en une journée, de passer des entretiens avec leurs bots et de déjouer certains éléments des évaluations », énumère-t-il.