Le Koweït et l'Arabie saoudite associés dans leur lutte contre la corruption

Le prince héritier saoudien, Mohammed ben Salmane (à droite), recevant l'émir du Koweït, cheikh Michal al-Ahmad al-Jaber al-Sabah. (@KSAMOFA/X)
Le prince héritier saoudien, Mohammed ben Salmane (à droite), recevant l'émir du Koweït, cheikh Michal al-Ahmad al-Jaber al-Sabah. (@KSAMOFA/X)
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Publié le Samedi 03 février 2024

Le Koweït et l'Arabie saoudite associés dans leur lutte contre la corruption

Le Koweït et l'Arabie saoudite associés dans leur lutte contre la corruption
  • Cheikh Michal al-Ahmad al-Jaber al-Sabah, nouvel émir du Koweït, s'est lancé dans une lutte acharnée contre la corruption, le népotisme et les malversations
  • Depuis 2017, l’Arabie saoudite mène une campagne sans relâche, conduite par le prince héritier Mohammed ben Salmane, pour éliminer la corruption

La visite officielle de cheikh Michal al-Ahmad al-Jaber al-Sabah mardi, en Arabie saoudite, sa première visite à l’étranger depuis qu’il est devenu émir le mois dernier, consolidera davantage encore une coopération privilégiée dans tous les domaines. La lutte contre la corruption, que l'émir soutient dans son pays, prendra une nouvelle dimension à mesure que les deux pays voisins échangeront les leçons tirées de leur propre expérience, afin de mettre en place de meilleures procédures.

Cheikh Michal s'est lancé dans une lutte acharnée contre la corruption, le népotisme et les malversations. Le 20 décembre, le jour où il a prêté serment, au cours d'une réunion extraordinaire de l'Assemblée nationale, il a adressé des reproches acerbes et sans précédent au gouvernement et au Parlement. Il s’est adressé à eux en déclarant que les deux branches de la gouvernance s’étaient «unies pour nuire aux intérêts du pays et du peuple». Dans le même discours, l'émir s'est engagé à lutter contre la corruption et à mettre fin au népotisme et au favoritisme dans les recrutements et les contrats du gouvernement. Le gouvernement a ensuite démissionné dans la journée.

Le 17 janvier, alors que le nouveau gouvernement prêtait serment devant l'émir, celui-ci a fermement demandé aux ministres d'éradiquer la corruption, le favoritisme et le népotisme, d'appliquer les règles de «justice et d'égalité dans toutes les institutions publiques», ainsi que d'égalité des chances en matière de recrutement, et de maintenir une politique de «porte ouverte» pour surveiller étroitement leurs ministères. Cheikh Michal a enjoint au gouvernement «d'appliquer la loi à tout le monde de manière égale, sans exceptions ni négligence». Les nouveaux ministres du gouvernement ont mis l’accent sur le sujet, envoyant ainsi un message clair indiquant que les affaires ne se déroulaient plus au Koweït comme par le passé.

Encouragée par ce nouvel état d’esprit, une commission parlementaire chargée d'enquêter sur les accords de défense a révélé qu'elle avait découvert de graves irrégularités dans un contrat de défense avec une entreprise européenne, d'une valeur de 349 millions d'euros.

Cheikh Michal avait déjà soutenu le programme de réformes et de lutte contre la corruption alors qu'il était encore prince héritier et secondait feu l'émir cheikh Nawaf al-Ahmad al-Jaber al-Sabah, au cours de ses dernières années en fonction. Aujourd’hui, en tant qu’émir du Koweït, il est en mesure de faire davantage. Une autre enquête sur des contrats de défense d’une valeur de plusieurs milliards de dollars s’est achevée à la fin de l’année dernière, après de nombreuses années d’une lente progression. L’enquête et les arrêts du tribunal impliquaient de nombreux hauts fonctionnaires, notamment des membres importants de la famille régnante.

Cette campagne revitalisée visant à éliminer la corruption a non seulement trouvé un écho particulier au Koweït, mais les Saoudiens soutiennent également ce nouvel élan. Le Koweït et l’Arabie saoudite ont non seulement une frontière commune et adhèrent au Conseil de coopération du Golfe (CCG), mais ils ont également une longue histoire en commun, ainsi que d’étroits partenariats culturels et sociaux, et ce, depuis la nuit des temps. Les tribus et les familles sont pratiquement indissociables à travers la frontière saoudo-koweïtienne. Et maintenant, ils ont aujourd’hui la même volonté de débarrasser leurs pays de toute forme de corruption.

Le renouvellement de leurs liens aura très probablement un impact sur la lutte contre la corruption et la mauvaise gouvernance. Depuis 2017, l’Arabie saoudite mène une campagne sans relâche, conduite par le prince héritier Mohammed ben Salmane, pour éliminer la corruption. L'Autorité de surveillance et de lutte contre la corruption a mené des dizaines de milliers d'enquêtes au cours des sept dernières années, aboutissant à la récupération de milliards de riyals provenant de fonds volés ou détournés. Ses enquêtes ont également conduit à la poursuite et à l'emprisonnement de milliers de fonctionnaires et de leurs partenaires du secteur privé. À titre d’exemple, au cours des quatre derniers mois de 2023, l’Autorité a mené 10 558 enquêtes et déféré 1 257 fonctionnaires et entrepreneurs devant le procureur général. Environ 597 personnes ont été arrêtées au cours de ces quatre mois, selon les chiffres officiels.

Depuis 2017, l’Arabie saoudite mène une campagne sans relâche, conduite par le prince héritier Mohammed ben Salmane, pour éliminer la corruption

Dr Abdel Aziz Aluwaisheg

L’un des derniers cas très médiatisés est celui du directeur général de la Commission royale pour AlUla, cité dans un communiqué de l’Autorité de surveillance et de lutte contre la corruption, publié la semaine dernière. Le fait qu’il ait été cité et humilié publiquement démontre qu’aucun responsable, quel que soit son rang au sein des institutions gouvernementales, ne peut échapper à ses responsabilités, comme le prince héritier l’avait promis dès le départ.

Ce responsable était impliqué dans des abus de pouvoir et du blanchiment d'argent, selon le communiqué. Avant de rejoindre le gouvernement, il avait obtenu illégalement des contrats d'une valeur de 206 millions de riyals saoudiens (un riyal = 0,25 euro) auprès d'un organisme gouvernemental, par l'intermédiaire d'une société dont il était en partie propriétaire. Après avoir rejoint le gouvernement, il a vendu de façon fictive ses parts dans l'entreprise, tout en en restant propriétaire. Il a accordé à l'entreprise des contrats de la Commission royale pour AlUla, dont il était le directeur général. Il a également obtenu des avantages personnels auprès d'autres sociétés grâce à des contrats passés avec la Commission. Il a perçu les bénéfices de ces projets par l'intermédiaire de ses proches et associés, qui ont été ses complices, et sont depuis arrêtés.

L’organisme de surveillance anticorruption rend public certains des cas qu’il a traités pour envoyer un message qu’il n’y a aucune tolérance  pour les actes répréhensibles financiers. Une autre affaire impliquait un notaire, une fonction quasi judiciaire au ministère de la Justice, qui a été arrêté pour avoir délivré illégalement des titres de propriété et les avoir enregistrés au nom de ses proches, qui ont ensuite vendu ces terrains acquis de manière illicite pour 65 millions de riyals.

En plus des cas ayant connu un important retentissement, il existe des milliers d’autres cas de fonctionnaires recevant des pots-de-vin, détournant des fonds, ou abusant de leur position pour obtenir des bénéfices financiers. Un général à la retraite a par exemple été arrêté pour détournement de fonds et réception de pots-de-vin, alors qu'il était en service actif. Une autre affaire impliquait un fonctionnaire du ministère de la Santé qui avait reçu des pots-de-vin en vue d’offrir un traitement de faveur à un entrepreneur.

Un responsable du ministère de l'Éducation en charge d'un programme destiné aux élèves surdoués dans l'une des provinces a détourné des fonds importants destinés à ce programme. Un fonctionnaire municipal a contraint les entreprises qu'il contrôlait à accorder des faveurs à d'autres entreprises, recevant en contrepartie de généreux pots-de-vin. Deux employés du secteur de l'éducation ont été pris en flagrant délit alors qu'ils recevaient des pots-de-vin pour avoir favorisé un entrepreneur particulier lors d'un appel d'offres public. Il y a également eu un cas d'employés portant l’uniforme du ministère de l'Intérieur arrêtés pour avoir reçu des pots-de-vin en échange de contrats.

Les efforts inlassables de l’Arabie saoudite contre la corruption ne sont pas passées inaperçus. À en juger par le volume des informations publiées par l'Autorité de surveillance et de lutte contre la corruption, qui reçoit des renseignements de tous les services gouvernementaux de la capitale, ainsi que d'autres grandes villes et de localités éloignées. Cet organisme a des partenariats étendus qui lui permettent de partager les meilleures pratiques, notamment avec d'autres pays du Conseil de coopération du Golfe (CCG).

Les dirigeants du CCG ont appelé à plusieurs reprises à un durcissement de la réglementation pour éliminer la corruption, qu'ils considèrent comme un obstacle et un frein au développement. Le message public de l’Arabie saoudite dans les médias et sur les panneaux publicitaires dans tout le pays est clair: elle redoublera d’efforts pour éradiquer ce fléau.

La campagne anticorruption revitalisée du Koweït conférera une ampleur nouvelle à sa coopération profondément enracinée avec l’Arabie saoudite.

 

• Le Dr Abdel Aziz Aluwaisheg est le secrétaire général adjoint du Conseil de Coopération du Golfe, en charge des affaires politiques et des négociations.
Les opinions exprimées dans cet article sont personnelles et n’expriment pas nécessairement celles du CCG.

X: @abuhamad1                 

 

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est celle de l’auteur et ne reflète pas nécessairement le point de vue d’Arab News en français.

 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com