Les événements qui se déroulent actuellement dans la bande de Gaza sont bien plus qu’un nouvel épisode du conflit israélo-palestinien. Ils marquent une dangereuse escalade dans le cadre d’une nouvelle stratégie appelée “Plan des généraux”, une proposition militaire initiée par le général de division israélien à la retraite Giora Eiland et adoptée par un grand nombre de chefs militaires israéliens. Ce plan représente un changement effrayant dans l’agression contre Gaza, non seulement sur le plan militaire, mais aussi dans son potentiel de déstabilisation de l’ensemble de la région.
Élaboré en septembre, le Plan des généraux vise à déplacer de force la population du nord de Gaza. Par le biais d’un siège brutal et global, le plan bloque tout approvisionnement – non seulement l’aide militaire, mais aussi les ressources humanitaires essentielles telles que la nourriture et les médicaments. L’objectif? Affamer les civils et les résistants qui restent et les contraindre à deux choix cornéliens: se rendre ou mourir de faim.
Il ne s’agit pas d’une simple manœuvre militaire, mais d’une stratégie d’usure visant à briser systématiquement la volonté de la population de Gaza. En transformant le nord de la bande de Gaza en “zone militaire fermée”, le plan vise à éradiquer toute trace du Hamas. Ses partisans estiment que ce blocus sera le moyen le plus rapide et le moins coûteux de mettre fin à la guerre, notamment en termes de pertes de soldats israéliens. Mais en se concentrant sur les coûts militaires israéliens, les architectes de ce plan négligent manifestement l’énorme prix humanitaire que des civils innocents seront contraints de payer.
Ce que l’on oublie ici, c’est que plus d’un million de Palestiniens vivent dans le nord de Gaza et qu’ils sont désormais utilisés comme des pions dans un jeu géopolitique aux enjeux considérables. Affamer des civils pour atteindre des objectifs politiques constitue une violation flagrante du droit international. En fait, de telles tactiques constituent des crimes de guerre selon les conventions de Genève. Les souffrances qui résulteraient de ce blocus sont incalculables, tandis que l’expulsion forcée de centaines de milliers de Palestiniens entraînerait une nouvelle crise des réfugiés – une catastrophe pour une région déjà submergée par les populations déplacées.
Les implications du Plan des généraux dépassent largement les frontières de Gaza. Forcer les Palestiniens à quitter leurs maisons conduirait inévitablement à une migration massive vers les pays voisins, qui sont déjà aux prises avec d’importants défis économiques et sociaux. Les pays du monde Arabe, dont beaucoup accueillent déjà des millions de réfugiés palestiniens, seraient contraints de faire face à une nouvelle vague de déplacements.
“Il ne s’agit pas d’une simple manœuvre militaire, mais d’une stratégie d’usure visant à briser systématiquement la volonté de la population de Gaza.”
Hani Hazaimeh
En outre, ce plan est susceptible de déclencher de nouvelles vagues de violence et de résistance. Au lieu d’affaiblir les factions palestiniennes, le siège pourrait servir de cri de ralliement pour une nouvelle résistance armée contre Israël, ce qui risquerait d’entraîner une escalade militaire dans toute la région. Au lieu d’être neutralisée, la bande de Gaza pourrait devenir le point de départ de conflits plus importants et plus dangereux, mettant en péril la stabilité régionale.
La communauté internationale, en particulier les nations arabes, doit agir de toute urgence pour empêcher la mise en œuvre de ce plan désastreux. Le monde ne peut se permettre de rester silencieux ou passif face à une attaque aussi flagrante contre les droits de l’homme et le droit international. Les gouvernements arabes devraient s’unir pour condamner publiquement le Plan des généraux et utiliser leur influence collective pour faire pression sur les institutions mondiales telles que les Nations unies et la Cour pénale internationale afin qu’elles prennent des mesures décisives.
Entretemps, la société civile – à la fois dans le monde Arabe et au-delà – devrait être mobilisée pour sensibiliser l’opinion à la crise humanitaire en cours. Les campagnes médiatiques, les actions de plaidoyer sur le terrain et les efforts diplomatiques doivent être menés de concert pour attirer l’attention du monde sur la gravité de ce qui se passe à Gaza et pour empêcher une nouvelle érosion des droits des Palestiniens.
Ce qui se passe à Gaza n’est pas seulement une question palestinienne – c’est une question arabe, une question humanitaire et une question de droit international et de justice. Le Plan des généraux est le dernier chapitre d’un effort de plusieurs décennies visant à dépouiller les Palestiniens de leur terre, de leur dignité et de leur avenir. Il s’agit d’une tentative de normaliser le nettoyage ethnique et la famine de masse en les considérant comme des outils de guerre légitimes.
Pour le monde Arabe, ce qui se passe à Gaza devrait être un signal d’alarme. Les conséquences du silence ou de l’inaction se feront sentir bien au-delà des frontières de Gaza. Aujourd’hui, plus que jamais, une action unifiée et décisive est nécessaire pour faire face à l’agression et se solidariser avec le peuple palestinien.
À Gaza, nous assistons non seulement à une bataille pour un territoire, mais aussi à une lutte pour la survie humaine. Et dans cette lutte, le monde Arabe tout entier est concerné.
Hani Hazaimeh est un rédacteur en chef basé à Amman.
X: @hanihazaimeh
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est celle de l’auteur et ne reflète pas nécessairement le point de vue d’Arab News en français.