Plus d'un mois après l'entrée en vigueur du cessez-le-feu, Gaza reste suspendue entre la dévastation et le désespoir. Les bombes ont peut-être cessé de tomber, mais rien n'a vraiment cessé de mourir - ni le système de santé, ni le secteur de l'éducation, ni l'économie, ni le tissu social, et certainement pas l'espoir de 2 millions de Palestiniens, qui ont enduré un niveau de destruction qui briserait n'importe quelle société. Gaza ne se remet pas ; elle respire à peine. Et pourtant, le monde se comporte comme si le temps jouait en sa faveur.
La vérité est simple et brutale : sans une feuille de route globale, applicable et parrainée par les Nations unies, Gaza ne guérira pas. Elle s'effondrera.
La souffrance des civils de Gaza ne se limite pas aux couloirs des hôpitaux - même si ceux-ci restent poignants. Elle est présente dans tous les aspects de la vie quotidienne. Les maisons restent inhabitables, les systèmes d'approvisionnement en eau détruits, les familles déplacées, les écoles détruites et des quartiers entiers réduits à l'état de ruines. Il ne s'agit pas d'une crise que l'on peut rafistoler à l'aide de convois humanitaires dispersés ou de déclarations politiques occasionnelles. Il s'agit d'une société qui a besoin d'un plan de reconstruction complet - politique, social, économique et institutionnel - guidé par des garanties internationales et mis en œuvre sans obstruction.
Sur le plan politique, Gaza reste bloquée dans les limbes. Les Palestiniens n'ont aucune idée claire de la gouvernance, de l'autorité chargée de la reconstruction ou de la vision à long terme de leur avenir. Ce vide est dangereux. Il favorise la fragmentation, alimente l'instabilité et rend le redressement impossible. Une feuille de route des Nations unies doit définir un horizon politique, soutenu par un consensus international, qui respecte les droits des Palestiniens et garantit que les civils de Gaza ne deviendront plus jamais la garantie d'un marchandage géopolitique. Sans clarté politique, toute initiative humanitaire sera temporaire, toute réforme fragile et tout effort de reconstruction réversible.
La situation humanitaire est tout aussi désespérée. Oui, les hôpitaux manquent de médicaments. Mais les ménages manquent également d'eau potable, d'électricité, de chauffage, d'installations sanitaires et de sécurité alimentaire. Des familles dorment encore sous des tentes. Les enfants circulent dans des rues remplies d'eaux usées. Les groupes vulnérables - les personnes âgées, les handicapés, les femmes et les enfants - sont confrontés à des difficultés inimaginables. Gaza ne pourra pas reconstruire sa société si l'aide arrive au compte-gouttes, si le carburant est rationné, si les systèmes d'approvisionnement en eau restent défectueux ou si la communauté internationale continue à faire des exceptions plutôt qu'à prendre des engagements.
Sur le plan social, le tissu social a été déchiré. Les familles sont séparées. Les traumatismes sont universels. Les parents voient leurs enfants lutter contre les cauchemars, la peur et la faim. Les communautés qui s'appuyaient autrefois sur des réseaux familiaux étendus et sur la solidarité de voisinage survivent désormais dans des abris dispersés et surpeuplés. Une feuille de route doit donner la priorité au soutien de la santé mentale, aux services sociaux, à la réhabilitation des traumatismes et à la reconstruction des communautés. La guerre détruit les bâtiments, mais elle brise aussi les cœurs - et ces blessures nécessitent des soins à long terme.
Le secteur de l'éducation, une bouée de sauvetage pour la jeunesse de Gaza, est en ruines. Les écoles ont été rasées, les enseignants déplacés ou tués, et les élèves ont perdu des mois, voire des années, d'apprentissage. Les enfants de Gaza subissaient déjà d'énormes pressions psychologiques et sociales ; aujourd'hui, ils risquent de perdre tout leur avenir. Une feuille de route doit immédiatement rétablir la scolarisation, reconstruire les infrastructures éducatives et investir dans le soutien psychosocial des élèves et des éducateurs. Sans cela, une génération entière risque d'être laissée pour compte - une perte non seulement pour Gaza, mais aussi pour l'humanité.
Sur le plan économique, Gaza est paralysée. Les entreprises ont été détruites, les moyens de subsistance ont disparu, les marchés ont été perturbés et les infrastructures ont été vidées de leur substance. Aucune société ne peut se contenter de l'aide internationale. Gaza a besoin d'une voie vers l'autosuffisance - la réouverture des routes commerciales, la relance de l'agriculture, la reconstruction de l'industrie et le rétablissement de l'emploi. Une feuille de route doit aborder la dimension économique de toute urgence car, sans redressement économique, la pauvreté et l'instabilité s'aggraveront, rendant impossible une paix durable.
Sans une feuille de route globale, applicable et parrainée par les Nations unies, Gaza ne guérira pas. Elle s'effondrera.
Hani Hazaimeh
Toutes ces crises se recoupent. Un enfant qui ne peut pas aller à l'école aujourd'hui n'aura que des possibilités limitées demain. Un parent qui ne peut pas travailler aura du mal à fournir de la nourriture ou des médicaments. Une communauté privée d'eau potable sera confrontée à des épidémies qui submergeront les hôpitaux. Une société sans clarté politique restera vulnérable à des cycles de conflits sans fin. C'est pourquoi se concentrer sur un seul secteur - même le secteur crucial de la santé - est insuffisant. Gaza a besoin d'un plan de redressement complet, à plusieurs niveaux, qui prenne en compte la totalité des destructions et la totalité des besoins humains.
Plus important encore, Gaza a besoin de ce plan maintenant. Pas après les délibérations des comités diplomatiques. Pas après que les puissances géopolitiques aient pesé leurs intérêts stratégiques. Pas après que d'autres familles aient perdu des êtres chers à cause de causes évitables comme la faim, la maladie ou le désespoir. Chaque jour de retard alourdit le bilan des morts, des traumatismes, de l'incertitude et de l'effondrement. Chaque jour sans feuille de route enfonce un peu plus Gaza dans un déclin irréversible.
La communauté internationale doit cesser de prétendre que le temps guérira Gaza. Le temps ne peut pas guérir des blessures qui continuent de saigner. Seule l'action - une action décisive, unifiée et fondée sur des principes - peut offrir aux Palestiniens un moyen de sortir de ce gouffre humanitaire. Le cessez-le-feu a peut-être créé une pause, mais les pauses ne sont pas des solutions. Ce sont des opportunités. Et jusqu'à présent, le monde est en train de gâcher celle-ci.
Une feuille de route parrainée par les Nations unies n'est pas un simple exercice bureaucratique. C'est le seul moyen de restaurer la dignité, la sécurité, la stabilité et l'espoir d'une population qui a suffisamment souffert pour plusieurs vies. Elle doit garantir une aide humanitaire sans restriction, la clarté politique, le renouveau éducatif, la reconstruction économique et la guérison sociale, le tout sous la protection et l'application de la communauté internationale.
Les civils de Gaza ne demandent pas de miracles. Ils demandent la vie - une vie où ils peuvent reconstruire leurs maisons, retourner à l'école, se faire soigner, retrouver leurs moyens de subsistance et rêver sans crainte.
Hani Hazaimeh est un rédacteur en chef basé à Amman.
X : @hanihazaimeh
NDLR: Les opinions exprimées par les auteurs dans cette section sont les leurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d'Arab News.














