Annyssa Bellal: « Aucun objectif militaire ne justifie d’affamer une population entière »

Une mère et sa fille pleurent leurs proches tués lors de frappes israéliennes, à l'hôpital Al-Shifa dans la ville de Gaza, le 23 juillet 2025. (AFP)
Une mère et sa fille pleurent leurs proches tués lors de frappes israéliennes, à l'hôpital Al-Shifa dans la ville de Gaza, le 23 juillet 2025. (AFP)
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Publié le Mercredi 23 juillet 2025

Annyssa Bellal: « Aucun objectif militaire ne justifie d’affamer une population entière »

  • Le droit international humanitaire, à travers les Conventions de Genève, interdit formellement l’usage de la famine contre les civils
  • Et depuis 2018, la Cour pénale internationale reconnaît ce crime comme l’un des plus graves dans le cadre des conflits armés

PARIS: Sous les bombes, dans les ruines, dans les camps de fortune, Gaza se meurt en silence, d’une mort lente, programmée, invisible et terriblement brutale : celle de la faim.
À l’ombre du conflit enclenché il y a près de 21 mois désormais, une autre guerre se joue, plus insidieuse : celle de la famine utilisée comme arme contre les habitants de l’enclave.
Il s’agit d’une stratégie qui vise à affamer une population entière. Ce n’est plus un simple échec humanitaire, mais une attaque contre le droit, contre l’humanité, contre la vie.

La juriste Annyssa Bellal, spécialiste du droit international humanitaire et directrice exécutive de la Plateforme de Genève pour la paix, n’y va pas par quatre chemins :
« L’usage de la famine comme méthode de guerre est interdit. C’est une violation grave du droit international humanitaire, et un crime. »

Ce crime est en train de se commettre à Gaza, à huis clos, et sous le regard indifférent du monde.
Depuis des mois, les convois d’aide sont systématiquement bloqués, bombardés ou détournés. Le Programme alimentaire mondial (PAM) l’a dénoncé à plusieurs reprises : ses camions sont pris pour cibles alors qu’ils tentent de ravitailler les populations.
L’UNRWA, dont les propres employés à Gaza lancent des appels à l’aide désespérés, évoque une situation de détresse absolue, et Médecins Sans Frontières alerte sur une flambée des cas de malnutrition.

Pendant ce temps, Israël  organise l’aide humanitaire à travers une fondation totalement inféodée à son armée, portant le nom de Fonds humanitaire pour Gaza.
Selon Bellal, « cette aide ne respecte ni la neutralité, ni l’impartialité. Elle est contrôlée, conditionnée, instrumentalisée. Elle ne sauve pas, elle administre la pénurie. »
Le droit international humanitaire, à travers les Conventions de Genève, interdit formellement l’usage de la famine contre les civils. Et depuis 2018, la Cour pénale internationale reconnaît ce crime comme l’un des plus graves dans le cadre des conflits armés.

Pourtant, aucun embargo, aucun rappel d’ambassadeur, aucune suspension d’accords commerciaux. En échange : des déclarations creuses, des inquiétudes, des appels à « éviter les souffrances » qui tombent dans le vide.
« Ce que fait Israël aujourd’hui à Gaza est documenté. Et pourtant, l’impunité règne », souligne Bellal. Car la question n’est pas seulement morale, elle est juridique :
« Pour que l’on puisse qualifier l’usage de la famine de crime de guerre, il faut démontrer une intentionnalité. »

Là encore, les faits s’accumulent : refus systématique d’accès aux ONG internationales, tirs sur les foules qui attendent l’aide, destructions d’infrastructures hydrauliques, agriculture rendue impossible, carburant bloqué à la frontière.
« À ce stade, l’intention devient difficile à nier », tranche la juriste. Car lorsqu’on affame avec préméditation une population de plus de deux millions de personnes, quand on prive les civils de tout accès à la nourriture, à l’eau, aux médicaments, on est bien face à une stratégie de guerre.

Israël brandit la légitime défense

Pourtant, Israël se retranche derrière la légitime défense, agitant l’argument du combat contre le Hamas pour justifier un siège total.
Une justification moralement et juridiquement irrecevable, selon Bellal, qui souligne que :
« Le droit de la guerre est fondé sur la protection des civils. Aucun objectif militaire ne justifie d’affamer une population entière. »

Mais que fait la communauté internationale ? La question devient lancinante, sans réponse.
Depuis janvier, la Cour internationale de justice (CIJ), saisie par l’Afrique du Sud, a estimé qu’il existait un risque sérieux de génocide à Gaza, et a ordonné à Israël de permettre l’accès de l’aide humanitaire.
Israël a tout ignoré. Aucune sanction n’a suivi.

« Si les États ne réagissent pas, ils deviennent complices », assure Bellal. Une vérité qui renvoie chacun à ses responsabilités, car le droit international n’est pas une simple affaire d’ONG ou de juristes : il oblige les États, il les contraint, et leur impose de prévenir les crimes, d’agir, et de punir.

Face à l’inaction des gouvernements, certaines ONG européennes, notamment en Belgique, ont engagé des recours en justice contre leur propre État pour complicité passive.
Une démarche courageuse, mais désespérée, car on cherche des leviers là où il n’y en a plus. Pendant ce temps, des enfants meurent.

Sans détour, Bellal fustige l’hypocrisie occidentale :
« Quand la Russie a attaqué l’Ukraine, la réponse a été immédiate : sanctions, mandats d’arrêt, boycotts. Mais face à Israël, c’est le silence ou la justification. »

Cette différence de traitement sape la légitimité du droit international, ébranle l’universalité des droits de l’homme, nourrit les colères et les désillusions.
Cette question n’est pas rhétorique : elle traverse les sociétés civiles, fracture les consciences, radicalise les jeunesses – sans que la famine à Gaza ne réveille les démocraties occidentales.

La Cour pénale internationale a bien émis un mandat d’arrêt contre le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, mais l’usage de la famine ne figure pas encore parmi les chefs d’accusation.
Cela pourrait venir, souligne Bellal, à condition que des preuves supplémentaires soient réunies, à condition que les pressions politiques ne fassent pas dérailler le processus.

Mais comment faire, d’ici là ? La justice est lente. Le droit avance au rythme des tribunaux, mais les gens meurent maintenant.
C’est ce décalage insoutenable entre les mécanismes juridiques et l’urgence du terrain qui rend la situation si tragique : le droit existe, les faits sont là, mais pourtant Gaza s’enfonce dans l’indifférence.

« Ce n’est pas seulement une question juridique, c’est une question d’humanité », conclut Bellal.


Macron, en quête d'un Premier ministre, remet les mains dans le cambouis national

Le président français Emmanuel Macron arrive à la cérémonie d'adieu aux armes de l'ancien chef d'état-major des armées Thierry Burkhard dans la cour de l'hôtel des Invalides à Paris, le 5 septembre 2025. (AFP)
Le président français Emmanuel Macron arrive à la cérémonie d'adieu aux armes de l'ancien chef d'état-major des armées Thierry Burkhard dans la cour de l'hôtel des Invalides à Paris, le 5 septembre 2025. (AFP)
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  • Emmanuel Macron se prépare à nommer un nouveau Premier ministre, anticipant la chute attendue du gouvernement Bayrou

PARIS: Une main tendue aux socialistes, le pied sur le frein face à leur programme économique, et un oeil ouvert sur de probables remous sociaux et financiers. Emmanuel Macron prépare l'après-Bayrou, en quête d'un Premier ministre ouvert sur sa gauche... mais capable aussi de le protéger.

A peine sorti d'un sommet sur l'Ukraine, voilà que le président doit remettre les mains dans le cambouis national.

Lundi, tout le monde s'attend à ce que le gouvernement de François Bayrou soit renversé à l'Assemblée nationale. Dès le soir, les regards se tourneront vers l'Elysée.

Le chef de l'Etat prendra-t-il la parole? Recevra-t-il les partis? Les questions, et le sentiment de déjà-vu, sont les mêmes à chaque épisode du feuilleton de l'instabilité politique née de la dissolution ratée de l'Assemblée l'an dernier.

"Le président proclame qu'il veut aller vite", rapporte un macroniste historique. "Il l'a déjà dit par le passé", tempère un autre proche, rappelant sa tendance à procrastiner lorsqu'il s'agit de nommer.

Les stratèges présidentiels ont plusieurs échéances en tête qui devraient l'inciter à brusquer son naturel: le mouvement "Bloquons tout" mercredi, suivi le 18 septembre d'une mobilisation syndicale; entre les deux, l'agence Fitch pourrait dégrader vendredi la note de la dette, envoyant un signal inquiétant aux marchés financiers.

Puis, le 22 septembre, Emmanuel Macron s'envole pour New York où il doit reconnaître l'Etat de Palestine à la tribune de l'ONU, son grand rendez-vous diplomatique qu'il prépare depuis des mois.

"Ce qui l'intéresse c'est l'international, et il a besoin de stabilité pour ça", théorise un député socialiste.

D'autant que son impopularité bat des records depuis 2017, et que les appels de LFI et du RN à sa démission connaissent un écho croissant dans l'opinion - 64% des Français la souhaitent, selon un sondage.

De fait, le président de la République s'est borné à invoquer la "responsabilité" et la "stabilité", prenant soin de ne pas devancer la chute de son allié historique.

Mais dans le huis clos élyséen, il prépare la suite, et exhorte la coalition gouvernementale à "travailler avec les socialistes".

Justement, leur patron, Olivier Faure, a fait acte de candidature pour Matignon, à la tête d'un gouvernement de gauche, sans LFI, mais aussi sans les macronistes, avec lesquels il serait seulement prêt à négocier des compromis.

Sans qu'on en connaisse l'origine, l'idée a flotté ces derniers jours qu'Emmanuel Macron caresserait l'idée de le nommer. Pourtant, aucun des nombreux proches et interlocuteurs du président interrogés par l'AFP ne l'imaginent emprunter cette voie.

"Si Faure expliquait qu'il veut prendre le pouvoir avec nous", dans une nouvelle alliance entre les socialistes et la macronie, "ça pourrait avoir de la valeur", explique un cadre du camp présidentiel. "Mais ce n'est pas du tout ce qu'il dit."

Ces mêmes sources voient plutôt le locataire de l'Elysée se tourner, à nouveau, vers un profil de la droite ou du centre.

"Quelqu'un dans le bloc central, plutôt proche du président, mais qui sache discuter avec le PS" pour négocier un pacte de non-censure plus durable que sous François Bayrou, résume un ténor du gouvernement.

Il s'agira du troisième Premier ministre en un an dans ce périmètre et les mêmes noms circulent que lors des précédentes nominations.

Parmi eux, les ministres Sébastien Lecornu (Armées), Gérald Darmanin (Justice), Catherine Vautrin (Travail et Santé) et Eric Lombard (Economie). Ou encore le président LR des Hauts-de-France Xavier Bertrand.

Ces dernières heures, une source au fait de la réflexion présidentielle évoquait un pressing important auprès de l'ex-chef de la diplomatie française Jean-Yves Le Drian, 78 ans et retiré de la politique active.

Emmanuel Macron avait déjà tenté en décembre de convaincre son ami breton d'aller à Matignon, en vain. Aujourd'hui, l'ex-socialiste serait moins ferme dans son refus, selon cette source.

"En réalité, ça dépendra de ce que le PS accepte", glisse un proche du président.

Tous préviennent que pour obtenir la non-censure du PS, il faudra lui "offrir de vraies victoires politiques".

Parmi les totems que les socialistes espèrent décrocher, un effort budgétaire revu à la baisse, mais aussi une remise en cause de la retraite à 64 ans et une taxation substantielle des plus riches.

Or sur ces deux derniers points, Emmanuel Macron "n'acceptera jamais", prévient un fidèle de la première heure. C'est pour cela qu'il veut choisir un Premier ministre "dans sa zone de confort".


Narcotrafic à Clermont-Ferrand: Retailleau annonce des renforts policiers

 Le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau a annoncé vendredi l'envoi de 22 policiers supplémentaires à Clermont-Ferrand, où les narcotrafiquants se livrent selon lui une "guerre territoriale" d'une grande "barbarie". (AFP)
Le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau a annoncé vendredi l'envoi de 22 policiers supplémentaires à Clermont-Ferrand, où les narcotrafiquants se livrent selon lui une "guerre territoriale" d'une grande "barbarie". (AFP)
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  • Depuis janvier, quatre personnes ont été tuées et une autre grièvement blessée à Clermont-Ferrand en lien avec le trafic de stupéfiants
  • La violence des modes d'action a particulièrement choqué dans cette ville relativement épargnée par le phénomène jusqu'à l'an passé

CLERMONT-FERRAND: Le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau a annoncé vendredi l'envoi de 22 policiers supplémentaires à Clermont-Ferrand, où les narcotrafiquants se livrent selon lui une "guerre territoriale" d'une grande "barbarie".

Dix-sept agents sont arrivés le 1er septembre. "Cinq, qui seront dédiés à l'investigation, vont compléter pour arriver à 22", a-t-il déclaré lors d'un déplacement dans la capitale auvergnate. "C'est un effort conséquent, croyez-moi, compte tenu de la disette budgétaire, mais (...) c'est absolument nécessaire."

Depuis janvier, quatre personnes ont été tuées et une autre grièvement blessée à Clermont-Ferrand en lien avec le trafic de stupéfiants. La violence des modes d'action a particulièrement choqué dans cette ville relativement épargnée par le phénomène jusqu'à l'an passé.

Le week-end dernier, il y a encore eu "deux fusillades pendant une heure avec trois blessés dont deux graves", a relevé le ministre en visitant un point de deal démantelé récemment. "Le pic de cette barbarie a été atteint le 13 août, quand on a retrouvé le corps calciné d'un homme", a-t-il jugé.

Pour lui, ce "déchaînement de violences" est lié aux actions de la police et de la justice "qui ont ébranlé l'écosystème de la drogue". Cela a ouvert une "guerre territoriale parce que d'autres individus, venus d'autres territoires tentent de se réimplanter sur place", a-t-il expliqué.

Pour lutter contre ces violences, outre les renforts, le ministre a annoncé que l'Etat apporterait 160.000 euros pour renforcer le réseau de caméras de vidéosurveillance "en complément" de la mairie. Une unité de force mobile occupera en parallèle l'espace public "à plein temps" et "le temps qu'il faudra".

"Je pense qu'en quelques mois, ici, on peut obtenir des résultats", a-t-il promis.

Valérie (qui n'a pas souhaité donner son nom à l'AFP), 50 ans, vit au dessus du point de deal visité par le ministre dans le quartier de la Visitation, près de la gare. Elle avait pris l'habitude d'éviter sa cave et son balcon parce que les trafiquants lui "reprochaient de les surveiller".

Depuis vendredi, elle "respire car il y a une présence policière 20h sur 24", grâce au déploiement de renforts de CRS, et espère "que ça dure".

En mars, les autorité avaient annoncé l'arrestation de dix personnes "situées à un bon niveau du réseau" opérant dans ce quartier. Cette opération avait relancé les rivalités et, en avril, un jeune Albanais de 19 ans y a été abattu.

Fin juillet, Clermont-Ferrand a été inscrite dans le dispositif "ville sécurité renforcée" par le gouvernement, permettant d'apporter des moyens complémentaires aux forces de l'ordre, soit plusieurs dizaines de CRS.


Présidentielle 2027: «ça n'est pas dans mon objectif aujourd'hui», dit Bayrou

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  • "Je serai là en 2027 mais ça ne veut pas dire candidat à l'élection présidentielle. Ca n'est pas dans mon objectif aujourd'hui", a déclaré le Premier ministre sur RTL
  • M. Bayrou a expliqué engager la responsabilité de son gouvernement lundi devant l'Assemblée nationale car "on continuera à s'enfoncer s'il n'y a pas la prise de conscience nécessaire" sur l'état d'endettement de la France

PARIS: François Bayrou a affirmé vendredi que la prochaine élection présidentielle n'était "pas dans son objectif aujourd'hui" et qu'il ne sollicitait pas un vote de confiance, qui risque très probablement de le faire tomber lundi, pour "préparer un autre acte".

"Je serai là en 2027 mais ça ne veut pas dire candidat à l'élection présidentielle. Ca n'est pas dans mon objectif aujourd'hui", a déclaré le Premier ministre sur RTL.

"C'est toujours possible", a-t-il cependant ajouté. Mais "ça n'est pas mon plan". "Je ne fais pas ça pour obtenir quelque chose qui serait une manière de préparer un autre acte", a-t-il développé.

M. Bayrou a expliqué engager la responsabilité de son gouvernement lundi devant l'Assemblée nationale car "on continuera à s'enfoncer s'il n'y a pas la prise de conscience nécessaire" sur l'état d'endettement de la France.

"Ce que j'ai fait, en prenant ce risque, en effet inédit, c'est de montrer que c'est tellement important que je n'hésite pas à mettre en jeu les responsabilités qui sont les miennes", a-t-il ajouté.

Qui pour lui succéder à Matignon en cas de chute ? "Si j'avais une réponse à la question, je me garderais bien de vous le dire", a-t-il répondu, ajoutant: "je pense que c'est extrêmement difficile".

M. Bayrou a laissé entendre qu'il pourrait rester quelques temps à Matignon pour expédier les affaires courantes. "Il n'y a jamais d'interruption du gouvernement en France. Et donc oui, je remplirai ma mission avec tout ce que j'ai de conscience et de volonté de préserver les choses, et je serai là pour aider mon pays", a-t-il dit.

Interrogé sur l'hypothèse d'une démission d'Emmanuel Macron, réclamée par le Rassemblement national, LFI et même par certains responsables de la droite -Jean-François Copé, Valérie Pécresse, David Lisnard-, François Bayrou a répondu: "quand quelqu'un est élu, son devoir, sa mission et son honneur est d'aller au bout de son mandat".