Pourquoi la reconnaissance annoncée par le président Macron est-elle significative ?

Le président français Emmanuel Macron. (REUTERS)
Le président français Emmanuel Macron. (REUTERS)
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Publié le Mercredi 30 juillet 2025

Pourquoi la reconnaissance annoncée par le président Macron est-elle significative ?

Pourquoi la reconnaissance annoncée par le président Macron est-elle significative ?
  • Le choix de la France semblera d’autant plus pertinent si d’autres pays s’alignent. La Belgique est candidate ; elle est l’un des pays européens les plus critiques à l’égard d’Israël
  • Macron mérite un certain crédit. Il aurait pu ne rien faire. Mais sa responsabilité morale envers les Palestiniens ne peut se limiter à un acte de reconnaissance

Sacre bleu. La France va reconnaître un État de Palestine. Est-ce un choc, ou au contraire, pas de quoi s'emballer ? C’est par une publication sur les réseaux sociaux que le président Emmanuel Macron l’a annoncé jeudi dernier. Il a déclaré qu’il formaliserait cette reconnaissance lors de l’Assemblée générale de l’ONU en septembre.

Cette décision avait été largement évoquée, notamment par Macron lui-même, y compris lorsqu’il s’est adressé au Parlement britannique. Il confirme ainsi son engagement, probablement dans une tentative de marquer son passage à l’Élysée au cours de ses deux dernières années de mandat, et de montrer que la France reste une puissance diplomatique influente.

Est-ce que cela aura un impact ? La France rejoint 147 autres États ayant déjà franchi ce pas. Elle sera le premier membre du G7 à le faire. La Suède, l’Espagne, l’Irlande et la Slovénie sont pour l’instant les seuls pays de l’UE à avoir reconnu la Palestine tout en faisant partie de l’Union. L’annonce de Macron est donc importante. D’autres pays européens, comme la Pologne et la Hongrie, l’avaient fait dès les années 1980, à l’époque communiste.

Qui pourrait suivre ? Le choix de la France semblera d’autant plus pertinent si d’autres pays s’alignent. La Belgique est candidate ; elle est l’un des pays européens les plus critiques à l’égard d’Israël. Des sources indiquent qu’une décision pourrait être prise début septembre. Le Canada est aussi un possible suiveur. En revanche, la cheffe du gouvernement italien, Giorgia Meloni, a pris ses distances, et un changement d’approche de l’Allemagne reste peu probable.

Et puis il y a le Royaume-Uni. Beaucoup espéraient que le Premier ministre Keir Starmer se joindrait à Macron pour adopter une position commune. Une reconnaissance conjointe franco-britannique aurait eu davantage de poids. Deux anciennes puissances coloniales, coauteurs de l’accord Sykes-Picot de 1916, et membres européens permanents du Conseil de sécurité de l’ONU, agissant ensemble : le symbole aurait été fort. Cette option a fait l’objet de nombreux débats à Londres ces derniers mois. Le gouvernement britannique ne l’avait jamais exclue, affirmant qu’il attendait une clarification de la position française.

Mais finalement, Starmer n’a pas franchi le pas, malgré les appels de 221 députés britanniques. Il avait le choix : s’aligner sur le président américain Donald Trump ou suivre Macron. Il a choisi le premier.

C’est une récompense pour le mouvement national palestinien, représenté par l’OLP et dominé par le Fatah. 

                                                            Chris Doyle

Les Palestiniens eux-mêmes ne semblent pas aussi enthousiastes que certains politiciens européens, ou même certains médias occidentaux. Beaucoup se demandent pourquoi cette reconnaissance n’a pas eu lieu il y a plus de dix ans, voire plus tôt. À l’époque, elle aurait pu impulser une dynamique réelle vers une solution. Pourquoi maintenant, alors que Gaza est en flammes et que la colonisation de la Cisjordanie atteint des sommets ? Il ne s’agit plus de reconnaître une réalité en devenir, mais un rêve brisé.

Si l’on demandait à ceux qui vivent à Gaza de choisir entre la reconnaissance d’un État palestinien et un cessez-le-feu accompagné d’un véritable accès à l’aide humanitaire, ils choisiraient sans hésiter la seconde option. En discutant avec des Palestiniens à Gaza, beaucoup minimisent l’importance de ces gestes symboliques. Pour survivre, ils ont besoin de nourriture et d’eau, parfois même avant un cessez-le-feu. Mourir sous les bombes leur semble préférable, pour eux et leurs familles, à une lente agonie par la faim ou la soif.

La reconnaissance ne sauvera pas un seul bébé affamé. Elle n’apportera pas les médicaments vitaux aux malades. Elle n’empêchera pas les attaques israéliennes sur les tentes dans les soi-disant « zones sûres ».

Les critiques — surtout américaines et israéliennes — accusent Macron de vouloir simplement flatter l’électorat musulman ou d’attirer les investissements des États du Golfe. Cela ignore pourtant le soutien massif de l’opinion publique française aux droits du peuple palestinien.

Autre accusation absurde : cette reconnaissance serait une récompense pour le Hamas et les atrocités commises le 7 octobre 2023. Cet argument a été avancé notamment par le secrétaire d’État américain Marco Rubio, entre autres. Pourquoi est-ce absurde ? Parce que le Hamas ne milite pas pour une solution à deux États et ne cherche pas la reconnaissance d’un État palestinien. Tous les propagandistes pro-israéliens le répètent : selon eux, le Hamas cherche à détruire Israël. Si c’est une « récompense », ce n’est clairement pas celle que le Hamas attendait.

C’est en réalité une reconnaissance du mouvement national palestinien, incarné par l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), dominée par le Fatah, rival du Hamas. C’est ce mouvement que les États occidentaux, notamment européens, soutiennent officiellement. Ils continuent d’appuyer l’Autorité palestinienne à Ramallah, malgré toutes ses défaillances. L’une des critiques majeures du Hamas à l’encontre de ce mouvement national — critique qui trouve un écho chez de nombreux Palestiniens frustrés — est que l’OLP a reconnu Israël sans que la réciproque ait eu lieu. L’OLP a renoncé à la lutte armée, mais Israël, lui, n’a pas renoncé à l’occupation. L’OLP a cherché à libérer la Palestine par la négociation, sans réussir à récupérer ne serait-ce qu’un centimètre de terre.

C’est pourquoi la reconnaissance a du sens pour l’OLP, ce parti qui a tourné le dos à la violence et accepté de dialoguer avec Israël, contrairement au Hamas. Ne pas reconnaître un État palestinien revient à affaiblir les nationalistes et à renforcer les islamistes — ce qui va pourtant à l’encontre des objectifs déclarés des pays européens.

Macron mérite un certain crédit. Il aurait pu ne rien faire. Mais sa responsabilité morale envers les Palestiniens ne peut se limiter à un acte de reconnaissance. Le véritable leadership exige des actions concrètes pour mettre fin au génocide en cours à Gaza. Sur ce point, il échoue, tout comme la plupart des dirigeants mondiaux. Car si l’on ne peut arrêter le génocide, la reconnaissance ne signifie rien.

Chris Doyle est directeur du Conseil pour la compréhension arabo-britannique à Londres. X : @Doylech

NDLR : les opinions exprimées par les auteurs dans cette section leur sont propres et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d'Arab News. 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com