Des progrès dans la gestion migratoire entre le Royaume-Uni et l’UE mais des efforts restent nécessaires

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Publié le Mercredi 30 juillet 2025

Des progrès dans la gestion migratoire entre le Royaume-Uni et l’UE mais des efforts restent nécessaires

Des progrès dans la gestion migratoire entre le Royaume-Uni et l’UE mais des efforts restent nécessaires
  • Le discours sur la migration est devenu toxique, diviseur, et un terreau fertile pour les partis d’extrême droite et les mouvements ultranationalistes
  • Seule une approche globale qui reconnaît la nécessité de la migration en UE, qui répond aux motivations légales et illégales des migrants pourra réguler la migration au bénéfice de tous

Deux visites à Londres en deux semaines ce mois-ci, d’abord celle du président français Emmanuel Macron, puis celle du chancelier allemand Friedrich Merz, ont clairement montré que le Royaume-Uni et les principaux pays de l’UE sont déterminés à dépasser le fiasco du Brexit et à entamer un processus de réconciliation, leur permettant de traiter de manière constructive les défis et opportunités communs — et tout cela dans un esprit cordial.

Ces visites et les accords conclus ont marqué le retour informel du groupe E3, composé de la France, de l’Allemagne et du Royaume-Uni, comme pilier et moteur de la sécurité européenne. Les trois dirigeants ont tenu à afficher leur unité, qu’importe que le Royaume-Uni soit dans l’UE ou en dehors, insistant sur l’importance de ne pas laisser le passé freiner une coopération étroite entre le Royaume-Uni et l’UE.

Un des sujets majeurs abordés lors des deux visites, notamment celle d'Emmanuel Macron, concernait la lutte contre l’immigration irrégulière, en particulier l’arrivée d’immigrants par petits bateaux. Selon l’Observatoire de la migration de l’Université d’Oxford, environ 37 000 personnes ont traversé la Manche à bord de petits bateaux l’année dernière. Le premier semestre 2025 a vu ce nombre augmenter, prouvant que les mesures actuelles de dissuasion sont inefficaces. Tragiquement, cette hausse des traversées a aussi provoqué un nombre record de décès — au moins 82 personnes, dont 14 enfants, en 2024.

La migration n’est pas un sujet simple, ni en termes de raisons, ni de légalité, ni d’impact sur les pays d’origine et de destination. D’abord, migrer est une caractéristique humaine — c’est une réalité depuis l’aube de l’histoire, motivée par des raisons économiques, sociales, politiques et, de plus en plus, environnementales. Sans aborder ces causes, les gens continueront de chercher des voies pour entrer dans des pays qui leur promettent sécurité et meilleures conditions de vie.

Ensuite, confondre tous les types de migration brouille le discours public. Il existe les migrants économiques, dont tous les pays européens ont besoin ; les demandeurs d’asile, que ces pays ont le devoir moral et légal d’aider ; ceux qui migrent pour des raisons familiales ou d’études ; et enfin, ceux qui arrivent illégalement. Ces catégories doivent être traitées selon leurs spécificités, en éliminant préjugés et discriminations.

Le discours sur la migration est devenu toxique, diviseur, et un terreau fertile pour les partis d’extrême droite et les mouvements ultranationalistes, qui dépendent de ce sujet pour exister, mettant ainsi en danger la stabilité de nombreuses sociétés.

Enfin, il serait illusoire de croire que la migration, surtout celle que certains pays considèrent comme menaçante, peut être arrêtée uniquement par des lois ou des contrôles aux frontières renforcés, sans s’attaquer courageusement aux causes profondes.

L’accord « un migrant renvoyé, un migrant accepté » conclu entre le Royaume-Uni et la France lors de la visite du président Macron vise à dissuader les tentatives de traversée de la Manche en petits bateaux. Le plan prévoit que pour chaque migrant renvoyé en France, un autre ayant de solides raisons d’obtenir l’asile au Royaume-Uni sera autorisé à venir.

À ce stade, on ignore combien de personnes seront réellement renvoyées. Et bien que ceux renvoyés ne pourront pas demander l’asile au Royaume-Uni, on peut se demander à quel point ce plan est dissuasif. Lorsque plus de détails seront connus, il sera possible d’évaluer si le nombre de renvois justifie le coût et si ce dispositif pourra être étendu après la phase pilote.

Mais cela ne s’attaque pas efficacement aux passeurs qui exploitent la détresse des migrants prêts à payer des sommes exorbitantes et risquer leur vie pour un avenir meilleur. Même en poursuivant les passeurs, la traversée des petits bateaux ne cessera pas, car c’est une activité très lucrative, attirant toujours des personnes sans scrupules.

Une analyse rapide des nationalités des migrants ayant tenté la traversée entre 2018 et 2024 montre que 70 % d’entre eux viennent de pays comme l’Iran, l’Afghanistan, l’Irak, l’Albanie, la Syrie et l’Érythrée. Combattre les réseaux criminels est nécessaire, mais ne peut apporter que des réponses limitées, car la demande existe et même des contrôles aux frontières renforcés et une coopération internationale ne peuvent totalement la bloquer.

Le discours sur la migration est devenu toxique, diviseur, et un terreau fertile pour les partis d’extrême droite et les mouvements ultranationalistes.

                                                    Yossi Mekelberg

Il faut aller au-delà de la coopération internationale visant à stopper la migration irrégulière une fois que les migrants sont en route, ou à les renvoyer à leur arrivée. Il est essentiel d’élaborer une politique migratoire intégrée, favorisant des voies sûres et ordonnées, et mettant en place des canaux légaux répondant à la demande et aux besoins migratoires.

Mais surtout, le défi — et le bilan actuel de la communauté internationale n’est pas encourageant — est de résoudre les problèmes politiques, économiques, sociaux et environnementaux qui poussent les gens à fuir leur pays, temporairement ou définitivement. Tant que l’instabilité politique, les conflits, la violence, la répression et la corruption règnent, et que les opportunités d’emploi et l’accès aux besoins fondamentaux manquent, les gens chercheront à partir.

Un enjeu croissant lié à la migration est l’aggravation des effets du changement climatique. Le déni collectif de cette menace existentielle pour l’humanité entraînera davantage de personnes cherchant à fuir des conditions climatiques hostiles.

Des programmes comme « un migrant renvoyé, un migrant accepté », aussi positifs soient-ils, restent insuffisants. Seule une approche globale qui reconnaît la nécessité de la migration en UE, qui répond aux motivations légales et illégales des migrants, et surtout, qui améliore substantiellement les conditions dans les pays d’origine, pourra réguler la migration au bénéfice de tous.

Yossi Mekelberg est professeur de relations internationales et membre associé du programme Mena à Chatham House. X: @YMekelberg

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com