Une tache sur le visage de l’humanité

La jeune Palestinienne Jana Ayad, qui souffre de malnutrition selon les médecins, se repose sur un lit alors qu'elle reçoit des soins. (Reuters)
La jeune Palestinienne Jana Ayad, qui souffre de malnutrition selon les médecins, se repose sur un lit alors qu'elle reçoit des soins. (Reuters)
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Publié le Samedi 02 août 2025

Une tache sur le visage de l’humanité

Une tache sur le visage de l’humanité
  • Trump reconnaît un état de famine à Gaza et propose la création de centres alimentaires, en accusant Israël d’agir en frein à l’aide humanitaire
  • Malgré une pause humanitaire annoncée, l’aide reste insuffisante : seulement 100 camions autorisés contre 500‑700 nécessaires quotidiennement. Le blocus et les bombardements continuent

Les États‑Unis admettent enfin que les Gazaouis meurent de faim. En moins de 24 h, le président Donald Trump est passé de l’incertitude quant à une famine réelle à la reconnaissance d’une “vraie famine” dans l’enclave israélienne assiégée. Lors d’une rencontre en Écosse avec le Premier ministre britannique Keir Starmer, Trump a déclaré que les États‑Unis installeraient des “centres alimentaires” à Gaza, reconnaissant qu’Israël “a une grande responsabilité” dans le blocage de l’aide vers la bande.

Son aveu le place en désaccord avec le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, qui a nié dimanche que des civils mouraient de faim à Gaza. En mars, Israël s’est retiré d’un accord de cessez-le-feu négocié avec le Hamas via les États‑Unis, imposant depuis un blocus total à plus de 2 millions de Gazaouis. Il a stoppé tous les convois humanitaires, privant la population de l’alimentation, du lait pour bébé, des médicaments, du carburant et de l’eau.

Israel a utilisé la famine comme arme dès le premier jour de son offensive contre Gaza. Des responsables israéliens ont publiquement soutenu le blocus. Certains ministres d’extrême droite ont rejeté toute proposition de réouverture des points de passage permettant l’accès de centaines de camions d’aide à l’enclave.

Lors des rares ouvertures humanitaires, Israël a attaqué et tué des travailleurs humanitaires, y compris des ressortissants étrangers. Il a accusé le Hamas de voler l’aide, accusation démentie par l’Agence américaine pour le développement international. Israël a interdit l’UNRWA, l’agence majeure de l’ONU chargée de distribuer nourriture et soins. Des entrepôts ont été bombardés, créant une catastrophe humanitaire — plus de centaines d’enfants et nourrissons sont morts de malnutrition sévère.

Et sous pression pour proposer une alternative à l’ONU, Netanyahu a créé la prétendue Gaza Humanitarian Foundation, entité US‑israélienne opérée par des contractants armés protégés par l’armée israélienne, chargée d’alimenter plus de 2 millions de personnes. Le résultat est tragique et, pour le dire simplement, criminel. À ce jour, plus de 1 000 Palestiniens ont été abattus par Israël ou les contractants armés, entassés comme des animaux pour recevoir leurs repas.

Mais Israël n’en reste pas là : il a coulé du ciment dans des puits d’eau, interdit aux hôpitaux l’accès au carburant et aux médicaments, et frappé des zones sécurisées imposées aux civils par son armée.

L’ironie est que, alors qu’Israël plongeait sciemment la bande de Gaza dans la famine, les puissances occidentales, y compris les États‑Unis, n’ont rien fait pour l’en empêcher. Ce n’est qu’après la diffusion virale d’images de bébés émaciés que la pression s’est enfin intensifiée.

La semaine dernière, Netanyahu a annoncé une pause humanitaire, permettant l’entrée limitée de camions et des parachutages. Mais alors que des centaines de convois arrivaient d’Égypte vers un point de passage contrôlé par Israël, seulement 100 ont été autorisés à entrer. Les ONG estiment que 500 à 700 camions/jour sont nécessaires pour contenir l’urgence humanitaire.

Netanyahu doit être sommé de mettre fin à la crise humanitaire et cesser d’armer la famine et les médicaments.

                                                            Osama Al‑Sharif

La prétendue pause humanitaire est un mensonge : Israël continue de bombarder Gaza, tuant principalement des civils, alors que les quelques hôpitaux encore fonctionnels manquent de carburant, de nourriture, d’eau et de médicaments.

Et maintenant, Trump souhaite installer des centres alimentaires à Gaza. Israël trouvera des moyens de saboter ces efforts. Ce que Trump omet ou refuse de dire, c’est qu’Israël doit ouvrir les points de passage pour laisser entrer l’aide sans condition. Netanyahu doit être contraint de mettre fin à cette crise humanitaire et d’arrêter d’armer la famine et les soins.

Israël a perdu toute sympathie pour sa guerre, menant un génocide ouvert contre Gaza. L’objectif n’a jamais été de vaincre le Hamas, mais de détruire Gaza et déplacer sa population. Négociateurs américain, égyptien, qatari, voire israélien savent que le Hamas était prêt à rendre les otages si Israël avait accepté de mettre fin à la guerre. Mais Netanyahu et ses alliés d’extrême droite en ont décidé autrement. Ils envisagent ouvertement de réoccuper et coloniser Gaza. Ils n’ont aucune compassion pour le lourd bilan civil et veulent forcer les Gazaouis à partir à tout prix.

L’image d’Israël en Occident est irrémédiablement ternie. Quand la guerre prendra fin et que des journalistes indépendants pénétreront dans la bande, l’ampleur des horreurs sera dévoilée. Même des rapports israéliens estiment désormais que le bilan final à Gaza sera deux à trois fois supérieur aux chiffres actuels.

Malgré tous les crimes de guerre commis par Israël, les Palestiniens ne partent pas. Israël a dû abandonner sa proposition grotesque de construire une “ville humanitaire” sur les ruines de Rafah — un camp de concentration comparable à ceux des nazis avant la « solution finale ».

Les images d’enfants palestiniens affamés sont une tache sur le visage de l’humanité, mais elles hanteront aussi les Israéliens et ceux qui ont permis ce génocide. Cela pourrait prendre fin aujourd’hui. Trump doit ordonner à Israël de cesser immédiatement.

L’aveu de Trump que Gaza est en famine et que la guerre doit cesser exige des mesures fortes. Celles-ci doivent être prises avec les puissances occidentales disposant encore d’un levier sur Israël. Mettre fin à la crise humanitaire est une priorité. Ce message collectif doit être transmis à Netanyahu au plus vite. Lever le blocus doit être la première étape.

Suivra un plan pour arrêter la guerre, libérer les otages et mettre fin au contrôle du Hamas sur la bande. Israël doit se retirer et laisser une autorité intérimaire prendre le relais, comme cela avait été proposé précédemment. Les Gazaouis ont besoin de protection ; Israël, de garanties que le 7 octobre ne se répétera plus. Le Hamas doit prioriser la sécurité et les intérêts du peuple palestinien, qui a payé un lourd tribut depuis 22 mois.

Mais cela ne suffira pas. La question palestinienne doit être abordée, et une résolution à des décennies de guerre et de mort doit être trouvée. Le cœur de l’instabilité régionale a toujours été lié au refus d’Israël de reconnaître l’autodétermination palestinienne et de la solution à deux États. L’élan international pour relancer un véritable processus de paix est plus urgent que jamais.

Trump est en mesure de changer la trajectoire non seulement à Gaza, mais aussi en Israël et en Cisjordanie. La question palestinienne est, au fond, non pas humanitaire mais politique — et l’heure est venue de la traiter.

Osama Al-Sharif est journaliste et commentateur politique basé à Amman. 

X: @plato010

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com