Lorsque la Ligue islamique mondiale a dévoilé son initiative « Construire des ponts de compréhension et de paix entre l’Est et l’Ouest » depuis la tribune de l’ONU en 2023, cela a marqué un tournant important dans la diplomatie interconfessionnelle — un tournant qui mérite une attention renouvelée alors que les tensions mondiales s’intensifient.
Le moment ne pourrait être plus critique. À travers le Moyen-Orient, le dialogue a cédé la place à la haine croissante, au racisme et à la polarisation religieuse. La campagne militaire d’Israël à Gaza, accompagnée d’opérations en Cisjordanie, au Liban et en Syrie, s’est accompagnée d’un discours de plus en plus radical de la part de responsables israéliens invoquant des textes religieux pour mobiliser l’opinion publique. Les attaques de colons contre les Palestiniens à Jérusalem et en Cisjordanie ont suivi, créant un cycle dangereux qui alimente l’extrémisme des deux côtés et pousse les communautés musulmanes et juives vers un sectarisme accru qui menace la stabilité régionale et internationale.
S’attaquer à cette poudrière religieuse nécessite courage et sagesse de la part des leaders religieux. L’initiative de la Ligue islamique mondiale offre précisément ce cadre — une feuille de route fondée sur les valeurs pour désamorcer les tensions grâce à ce que le Secrétaire général, Dr Mohammed bin Abdulkarim Al-Issa, décrit comme « la communication pour la compréhension mutuelle et la coopération entre nations et peuples ». Il la présente non pas comme une expédience politique mais comme « un appel divin présent dans toutes les religions célestes », tout en insistant sur le fait que « chaque civilisation possède sa propre identité dont le droit d’exister doit être respecté, aussi profond soit notre désaccord ».
L’approche d’Al-Issa reflète une compréhension sophistiquée que « le partenariat civilisationnel entre nations et peuples représente une nécessité urgente pour la paix mondiale et l’harmonie sociale intérieure ». En défendant la coopération civilisationnelle plutôt que le conflit, il remet en cause les fondements intellectuels qui mènent à la violence réelle — violence qui coûte des vies innocentes, perturbe le développement et fournit aux extrémistes le matériel de recrutement pour leurs agendas destructeurs.
Notre monde fracturé a désespérément besoin de voix qui relient foi et responsabilité plutôt que fanatisme.
Hassan Al-Mustafa
Cette perspective rompt résolument avec le récit du choc des civilisations qui a dominé les dernières décennies. Au lieu de traiter les différences comme irréconciliables, l’initiative les considère comme enrichissantes. Plutôt que de permettre que la religion soit instrumentalisée par des interprétations politiques étroites, elle revendique le noyau éthique unificateur de la foi.
La Ligue islamique mondiale a soutenu sa rhétorique par des actions, construisant un vaste réseau mondial à travers des conférences et les missions diplomatiques d’Al-Issa en Europe, aux États-Unis et en Asie de l’Est.
À Paris en avril, il a insisté sur le fait que l’Islam authentique prône la compréhension plutôt que la confrontation, la coopération plutôt que l’exclusion. Lors d’une visite à Londres en juin, il a souligné que l’Islam trouve sa plus authentique expression dans le discours modéré de ses institutions légitimes. Et à l’Université de Stanford et à Duke lors d’une grande tournée américaine cette année, il a exploré comment la foi peut contrer la haine et libérer la créativité humaine.
Ce message d’ouverture que délivre Al-Issa aux décideurs, universitaires et étudiants occidentaux résonne également dans les pays à majorité musulmane. Lors de la huitième Conférence internationale des leaders religieux à Kuala Lumpur en septembre, il a exhorté à dépasser la sermonisation abstraite pour passer à des initiatives concrètes qui construisent la paix et rétablissent la confiance entre les nations.
Ces efforts diplomatiques révèlent une stratégie cohérente : tirer parti de ce que l’on pourrait appeler la « diplomatie religieuse », qui fusionne autorité spirituelle et pouvoir institutionnel pour influencer l’opinion internationale parmi des acteurs politiquement et intellectuellement influents.
Le travail de la Ligue islamique mondiale s’aligne avec les réformes Vision 2030 de l’Arabie saoudite, qui ont institutionnalisé des pratiques rompant avec le fondamentalisme rigide et l’isolationnisme, plaçant le dialogue et l’engagement culturel au cœur de la politique étrangère du Royaume.
Notre monde fracturé a désespérément besoin de voix qui relient foi et responsabilité plutôt que fanatisme et qui transforment la conviction religieuse en dividende de paix plutôt qu’en accélérateur de conflit. L’initiative de la Ligue islamique mondiale offre une telle bouée de sauvetage — mais seulement si les gouvernements et les organismes internationaux influents la soutiennent activement, si les médias amplifient son message, et si les leaders spirituels et intellectuels à travers les frontières religieuses et culturelles l’adoptent.
Personne ne devrait confondre cela avec une solution miracle. L’initiative ne livrera pas une paix universelle utopique ni ne résoudra magiquement des crises profondément enracinées que des intérêts puissants entretiennent activement. Mais ce qu’elle offre, c’est une voie pratique pour réduire l’espace consacré à la haine et rétablir le dialogue comme meilleure défense de l’humanité contre les guerres sans fin qui ont épuisé ses ressources, fracturé ses communautés et imposé des fardeaux nécessitant un soulagement urgent.
Hassan Al-Mustafa est un écrivain et chercheur saoudien qui s'intéresse aux mouvements islamiques, à l'évolution du discours religieux et aux relations entre les États du Conseil de coopération du Golfe et l'Iran.
X : @Halmustafa
NDLR: les opinions exprimées par les auteurs dans cette section leur sont propres et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d'Arab News.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com














