Ankara brûle les ponts avec les EAU mais garde ses liens avec Israël: Pourquoi ?

L’ambassadeur d’Israël en Turquie présentant ses lettres de créance au président turc Recep Tayyip Erdogan à Ankara (AFP/Fichier)
L’ambassadeur d’Israël en Turquie présentant ses lettres de créance au président turc Recep Tayyip Erdogan à Ankara (AFP/Fichier)
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Publié le Dimanche 16 août 2020

Ankara brûle les ponts avec les EAU mais garde ses liens avec Israël: Pourquoi ?

  • Le ministre turc des Affaires étrangères a décrit l’accord de normalisation entre les EAU et Israël comme une trahison de la cause palestinienne
  • « La position de la Turquie est hypocrite. Elle critique les Emirats alors qu’elle maintient les rapports avec Israël», selon Seth Frantzman

DJEDDAH : Hypocrites. C’est la description que beaucoup ont donnée aux propos du Président turc Recep Tayyip Erdogan qui a menacé de suspendre les relations diplomatiques de son pays avec les EAU suite à leur accord avec Israël, sans pour autant réduire les relations diplomatiques de son pays avec Tel Aviv. 

L’accord entre les EAU et Israël exige qu’Israël suspende l’annexion de parties de la Cisjordanie, en échange de la normalisation des relations avec Abou Dhabi. En réponse, les autorités palestiniennes ont « immédiatement »  rappelé leur ambassadeur aux EAU.

Le ministre turc des Affaires étrangères a décrit l’accord comme étant une trahison de la cause palestinienne.

En outre, la Turquie maintient toujours ses relations diplomatiques avec Israël. Pourtant elle est un ardent défenseur des Palestiniens quand il s’agit des actions israéliennes dans la bande de Gaza et en Cisjordanie.

« La position de la Turquie est hypocrite. Elle critique les Émirats de négocier les relations avec Israël alors qu’elle maintient les rapports avec Israël», s’est exclamé Seth J. Frantzman, le directeur exécutif du Centre d’analyse et d’information du Moyen-Orient.

Les relations diplomatiques entre la Turquie et Israël remontent à l’année 1949. Malgré le manque de confiance entre les deux pays, notamment depuis l’incident du Mavi Marmara en 2010, quand les commandos israéliens ont embarqué sur un bateau d’aide turc tuant 10 activistes turcs, l’échange commercial entre les deux pays s’est pourtant élevé à 6 milliards de dollars américains l’année passée. Pour la Turquie, Israël figure parmi les 10 marchés d’export principaux.

Au cours de ces deux dernières années, la représentation diplomatique bilatérale se limitait à un chargé d'affaires, et non un ambassadeur, en réponse au transfert de l’ambassade des États-Unis à Jérusalem, ainsi qu’aux politiques d’Israël dans la bande de Gaza.

Par cette rhétorique, Ankara tente de détourner l’attention de son échec économique, selon Frantzman.

“ Menée par le parti au pouvoir, Ankara est en train de devenir le principal régime anti-israélien dans la région. » Par ses derniers propos portant sur la libération d’Al-Aqsa après Hagia Sophia, Ankara vise à attiser l’extrémisme religieux, qui fait partie de son agenda : essayer de raviver les appartenances populistes, religieuses et nationalistes dans le pays.

Le 13 aout, le quotidien britannique The Telegraph a annoncé que la Turquie allait accorder la citoyenneté à sept membres haut placés du Hamas. Le quotidien a exprimé ses préoccupations quant aux répercussions d’une telle décision qui donnerait au groupe encore plus de liberté pour planifier des attaques contre les Israéliens partout dans le monde. Un représentant du gouvernement turc a nié ces allégations.

Le Hamas est sur la liste officielle des organisations terroristes des États-Unis et de l’UE. Pourtant  il est considéré par Ankara comme étant un mouvement politique légitime. Les alliés occidentaux ont averti la Turquie à plusieurs reprises contre la présence du Hamas sur ses territoires.

Pour Frantzman, le parti au pouvoir en Turquie, proche du régime iranien et qui appuie le Hamas, ne sauvegarde ses relations avec Israël que pour exploiter l’OTAN et l’UE.

Le véritable agenda des Turcs c’est de dominer le Monde Arabe. Pour eux, adopter le discours anti-israélien, leur gagnerait du support, tout comme l’Iran essaye d’exploiter les souffrances des Palestiniens pour réaliser ses buts. Ni la Turquie, ni l’Iran n’ont réussi à accorder plus de droits aux Palestiniens.

Pour Frantzman, il est dommage que la Turquie exerce aujourd’hui cette politique, après avoir joué dans le passé un rôle principal dans les discussions israélo-syriennes.

Les relations “techniques” et “fonctionnelles” entre Israël et la Turquie ne seront pas interrompues. D’ailleurs, la compagnie aérienne israélienne El Al, qui avait suspendu ses vols à destination de la Turquie suite à la crise du Mavi Marmara, a repris depuis le mois de mai ses vols vers Istanbul,  deux fois par semaine.

“La Turquie a été le premier État à majorité musulmane qui a reconnu l’État d’Israël, et ceci n’a pas changé après l’arrivée au pouvoir de l’AKP (le parti de la Justice et du Développement)). Ceci dit, les EAU font aujourd’hui ce que la Turquie a fait il y a 70 ans – reconnaitre l’État d’Israël, affirme Bill Park, chercheur visiteur au King’s College de Londres  

En outre, avec l’augmentation des échanges commerciaux entre la Turquie et Israël sous le règne de l’AKP, Park doute qu’Erdogan soit capable de mettre en péril la coopération commerciale.  

Mais pourquoi Erdogan s’engage-t-il alors dans de telles menaces?

“Il est déjà en conflit avec les Emirats en Libye et au Qatar, et le conflit s’aggrave avec l’appui que fournit la Turquie aux islamistes et aux Frères musulmans », ajoute Park. « La rhétorique d’Erdogan fait alors partie de cette tension continue. Il n’apprécie pas Israël, ni ses plans d’annexer la  Cisjordanie. Il essaye probablement de hausser la barre, moralement et/ou politiquement, dans son pays ainsi que dans la région ».

Pour Park, si d’autres pays arabes, comme Oman, le Bahreïn et même l’Arabie Saoudite suivaient l’exemple des EAU, ils finiraient par isoler Erdogan encore plus.

Les Émirats arabes unis sont, en grande partie, motivés par le sentiment d’hostilité et de peur envers l’Iran. Par conséquent, la Turquie est encore une fois en désaccord avec un grand nombre de pays dans la région. S’il existe une méfiance mutuelle entre Téhéran et Ankara, il y a peu d’hostilité entre les deux pays, et la Turquie a réussi à aider Téhéran à amortir l’impact des sanctions américaines, » estime Park.

 Park considère qu’Erdogan s’engage dans cette rhétorique dans son propre intérêt, ou qu’il s’adresse à la galerie pour manipuler l’opinion publique, ou qu’il est prêt à mettre en péril les intérêts économiques de la Turquie, ou simplement parce qu’il veut alourdir l’isolement de la Turquie.

“Une chose est certaine, c’est que cette attitude ne résoudra certainement pas les problèmes de la région, ni ceux de la Turquie, » conclut-il.


Echec des pourparlers pour Gaza: le Hamas accuse le médiateur américain de revirement

Le Premier ministre israélien a estimé plus tard jeudi que M. Witkoff avait "vu juste" dans ses déclarations sur les négociations et que "le Hamas [était] l'obstacle à un accord de libération des otages". (AFP)
Le Premier ministre israélien a estimé plus tard jeudi que M. Witkoff avait "vu juste" dans ses déclarations sur les négociations et que "le Hamas [était] l'obstacle à un accord de libération des otages". (AFP)
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  • Les négociations indirectes entre Israël et le Hamas en vue d'un cessez-le-feu sont dans l'impasse, plus de deux semaines après avoir commencé
  • L'émissaire américain Steve Witkoff a acté jeudi l'échec de ces pourparlers menés à Doha sous médiation qatarie, américaine et égyptienne, et annoncé le rappel pour consultation de l'équipe américaine, mettant en cause la bonne foi du Hamas

GAZA: Un responsable du Hamas a accusé vendredi l'émissaire américain Steve Witkoff de revirement après que ce dernier a acté l'échec des négociations indirectes entre le mouvement islamiste et Israël pour une trêve à Gaza.

"Les déclarations négatives de l'émissaire américain Witkoff vont complètement à l'encontre du contexte dans lequel s'est déroulé le dernier cycle de négociations – et il le sait parfaitement", a déclaré Bassem Naïm, important membre du bureau politique du Hamas, lors d'un entretien avec l'AFP.

"Elles s'inscrivent dans une logique de soutien à la position israélienne", a-t-il ajouté.

Les négociations indirectes entre Israël et le Hamas en vue d'un cessez-le-feu sont dans l'impasse, plus de deux semaines après avoir commencé.

L'émissaire américain Steve Witkoff a acté jeudi l'échec de ces pourparlers menés à Doha sous médiation qatarie, américaine et égyptienne, et annoncé le rappel pour consultation de l'équipe américaine, mettant en cause la bonne foi du Hamas.

M. Naïm a accusé M. Witkoff d'avoir changé d'avis en expliquant que l'émissaire américain avait estimé "il y a seulement quelques jours" que les échanges étaient positifs.

"Les médiateurs ont accueilli très positivement la réponse du Hamas, qu'ils ont considérée comme constructive et susceptible de mener à un accord, d'autant qu'elle se rapproche largement de la proposition soumise par les médiateurs aux deux parties", a affirmé M. Naïm.

Les dernières discussions devaient porter selon lui sur les détails du retrait de l'armée israélienne de la bande de Gaza.

Il a même déclaré qu'un "accord de principe" avait été trouvé pour "une formule" d'échange entre personnes prises en otages en Israël le 7 octobre 2023, et prisonniers palestiniens détenus par Israël.

M. Naïm a appelé l'émissaire américain à "faire pression" sur le gouvernement israélien qui n'a pas l'intention de parvenir à un accord de trêve, selon lui.

Le Premier ministre israélien a estimé plus tard jeudi que M. Witkoff avait "vu juste" dans ses déclarations sur les négociations et que "le Hamas [était] l'obstacle à un accord de libération des otages".

 


Gaza: la malnutrition touche un quart des jeunes enfants examinés par MSF la semaine dernière

Caroline Willemen, coordinatrice de projet à la clinique MSF dans la ville de Gaza, explique qu'ils enregistrent "désormais 25 nouveaux patients souffrant de malnutrition chaque jour".  Dans cette clinique, le nombre de personnes souffrant de malnutrition a quadruplé depuis le 18 mai et le taux de malnutrition sévère chez les enfants de moins de cinq ans a triplé au cours des deux dernières semaines. (AFP)
Caroline Willemen, coordinatrice de projet à la clinique MSF dans la ville de Gaza, explique qu'ils enregistrent "désormais 25 nouveaux patients souffrant de malnutrition chaque jour". Dans cette clinique, le nombre de personnes souffrant de malnutrition a quadruplé depuis le 18 mai et le taux de malnutrition sévère chez les enfants de moins de cinq ans a triplé au cours des deux dernières semaines. (AFP)
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  • "L'utilisation délibérée de la faim comme arme de guerre par les autorités israéliennes à Gaza a atteint des niveaux sans précédent, les patients et les professionnels de santé souffrant eux-mêmes de la faim", alerte MSF
  • Caroline Willemen, coordinatrice de projet à la clinique MSF dans la ville de Gaza, explique qu'ils enregistrent "désormais 25 nouveaux patients souffrant de malnutrition chaque jour"

GENEVE: Un quart des enfants âgés de six mois à cinq ans et des femmes enceintes et allaitantes examinés la semaine dernière dans les installations de Médecins sans frontières (MSF) à Gaza souffrent de malnutrition, a dénoncé l'ONG vendredi.

"L'utilisation délibérée de la faim comme arme de guerre par les autorités israéliennes à Gaza a atteint des niveaux sans précédent, les patients et les professionnels de santé souffrant eux-mêmes de la faim", alerte MSF dans un communiqué.

Caroline Willemen, coordinatrice de projet à la clinique MSF dans la ville de Gaza, explique qu'ils enregistrent "désormais 25 nouveaux patients souffrant de malnutrition chaque jour".

Dans cette clinique, le nombre de personnes souffrant de malnutrition a quadruplé depuis le 18 mai et le taux de malnutrition sévère chez les enfants de moins de cinq ans a triplé au cours des deux dernières semaines.

"Il s'agit d'une famine délibérée, provoquée par les autorités israéliennes dans le cadre de la campagne génocidaire en cours. Affamer, tuer et blesser des personnes qui cherchent désespérément de l'aide est inacceptable", dénonce MSF.

Israël, dont l'offensive a débuté au lendemain de l'attaque du mouvement islamiste palestinien Hamas le 7 octobre 2023, fait face à une pression internationale croissante concernant la situation humanitaire dramatique de Gaza. Il a très partiellement assoupli fin mai un blocus total imposé début mars à l'enclave palestinienne, qui a entraîné de très graves pénuries de nourriture, médicaments et autres biens de première nécessité.

Israël accuse de son côté le mouvement islamiste Hamas d'exploiter la souffrance des civils, notamment en volant la nourriture distribuée pour la revendre à des prix exorbitants ou en tirant sur les personnes qui attendent l'aide.

"Crimes de guerre" 

Pendant ce temps, alerte MSF, "les attaques se poursuivent sur les sites de distribution alimentaire, où le mécanisme de distribution sponsorisé par les autorités israéliennes à travers la Gaza Humanitarian Foundation (GHF), tue de façon répétée les personnes qui cherchent désespérément à obtenir de l'aide".

L'ONU a accusé mardi l'armée israélienne d'avoir tué à Gaza depuis fin mai plus de 1.000 personnes qui cherchaient à obtenir de l'aide humanitaire, dont la grande majorité près de centres de cette fondation, soutenue aussi par les Etats-Unis.

"Ces distributions alimentaires ne sont pas de l'aide humanitaire, ce sont des crimes de guerre commis au grand jour et sous couvert de compassion. Ceux qui se rendent aux distributions alimentaires de la GHF savent qu'ils ont autant de chances de recevoir un sac de farine que de repartir avec une balle dans la tête", déclare le Dr Mohammed Abu Mughaisib, coordinateur médical adjoint de MSF à Gaza.

En plus des personnes blessées sur les sites de distribution de la GHF, les équipes de MSF ont soigné des dizaines de personnes blessées par l'armée israélienne alors qu'elles attendaient le passage de camions transportant de la farine.

Le 20 juillet, les équipes médicales de MSF et du ministère de la Santé de la clinique Sheikh Radwan dans le nord de Gaza ont soigné 122 personnes blessées par balle alors qu'elles attendaient une distribution de farine, et 46 personnes étaient déjà mortes à leur arrivée.

Le 3 juillet, un employé de MSF a été tué dans un incident similaire à Khan Younès.


L'Arabie saoudite se félicite de l'annonce par Macron de la reconnaissance par la France de l'État palestinien

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  • Le royaume renouvelle son appel aux autres pays qui n'ont pas encore reconnu un État palestinien à prendre des mesures similaires pour le faire
  • L'Arabie saoudite renouvelle également son appel aux autres pays qui ne l'ont pas encore fait à reconnaître un État palestinien, a déclaré le ministère des affaires étrangères

RIYADH : L'Arabie saoudite a salué la déclaration du président français Emmanuel Macron selon laquelle son pays reconnaîtrait un État palestinien lors de l'Assemblée générale de l'ONU en septembre.

"Fidèle à son engagement historique en faveur d'une paix juste et durable au Moyen-Orient, j'ai décidé que la France reconnaîtra l'État de Palestine", a posté M. Macron sur les médias sociaux jeudi soir.

Le ministère des affaires étrangères de l'Arabie saoudite a réagi dans un communiqué vendredi : "Le Royaume salue cette décision historique, qui réaffirme le consensus de la communauté internationale sur le droit du peuple palestinien à l'autodétermination et à établir son État indépendant sur les frontières de 1967, avec Jérusalem-Est comme capitale."

"Le Royaume souligne l'importance des efforts continus déployés par les États pour mettre en œuvre les résolutions internationales et faire respecter le droit international.

L'Arabie saoudite renouvelle également son appel aux autres pays qui ne l'ont pas encore fait à reconnaître un État palestinien, a déclaré le ministère des affaires étrangères.

Au total, 142 pays soutiennent désormais la création d'un État palestinien, selon un décompte de l'AFP.

Cette décision intervient dans le contexte de l'assaut dévastateur du régime israélien sur Gaza, qui a fait des milliers de morts et des millions de déplacés, et qui fait l'objet d'accusations de crimes de guerre et de génocide, y compris de famine.

Une organisation de distribution d'aide soutenue par Israël a été accusée d'avoir tiré sur des civils non armés qui tentaient d'obtenir de la nourriture.

Les Nations unies ont déclaré que 875 personnes avaient été tuées au cours des six dernières semaines près des sites d'aide créés par Israël.

Les négociations de paix visant à mettre fin à la guerre et à échanger des prisonniers et des otages semblaient avoir échoué jeudi soir, après que le président américain Donald Trump a rappelé ses négociateurs.

L'envoyé américain au Moyen-Orient, Steve Witkoff, a déclaré : "Nous allons maintenant envisager d'autres options pour ramener les otages à la maison et essayer de créer un environnement plus stable pour la population de Gaza."

Le Hamas a déclaré qu'il était surpris par les commentaires de M. Witkoff, mais qu'il était prêt à poursuivre les négociations.