Le rapatriement des djihadistes français: controverse ou véritable menace ?

A l'intérieur du camp d'al-Hol pour personnes déplacées, dans le gouvernorat d'al-Hasakeh, dans le nord-est de la Syrie, le 18 avril 2019. Photo d'illustration DELIL SOULEIMAN / AFP
A l'intérieur du camp d'al-Hol pour personnes déplacées, dans le gouvernorat d'al-Hasakeh, dans le nord-est de la Syrie, le 18 avril 2019. Photo d'illustration DELIL SOULEIMAN / AFP
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Publié le Lundi 19 avril 2021

Le rapatriement des djihadistes français: controverse ou véritable menace ?

  • Les autorités françaises refusent de ramener les adultes, hommes et femmes, qu’elles estiment complices de l’État islamique
  • «Pour les opposants au retour, c’est bien le terme “rapatriement” qui coince. La France peut-elle être encore considérée comme la patrie de ces femmes et de ces hommes»

BEYROUTH: L’affaire ressemble à une tempête dans un verre d’eau. Pourtant, depuis 2015, la controverse sur le rapatriement des djihadistes français en Syrie et en Irak a fait couler beaucoup d’encre.

Au 1ᵉʳ janvier 2021, la France comptait environ 67 millions d’habitants. Selon différentes sources, les estimations sur le nombre de djihadistes français qui se sont rendus en Syrie ou en Irak pour rejoindre les rangs du groupe État islamique (EI) varient entre… 750 et 1 500 adultes des deux sexes seulement! Au moins 260 d’entre eux seraient revenus en France; de 300 à 500 seraient morts. On estime que plusieurs centaines de Français sont détenus dans des camps au Kurdistan syrien; parmi eux, 120 femmes et près de 300 mineurs (enfants et adolescents). Le coordonnateur national du renseignement, Laurent Nuñez, évalue pour sa part à 160 le nombre de djihadistes français évoluant toujours, pour la plupart d’entre eux, «dans le Nord-Ouest syrien», assurant que les services suivent «de très près» la situation.

Les autorités françaises refusent de ramener les adultes, hommes et femmes, qu’elles estiment complices de l’EI. La France se déclare ainsi favorable au fait que ses ressortissants djihadistes capturés en Syrie et en Irak soient jugés sur place. Comme la France, la plupart des pays, notamment européens, répugnent à rapatrier leurs ressortissants.

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Les forces spéciales des Forces démocratiques syriennes surveillent le 30 mars 2021 le camp d'al-Hol, le plus grand des deux camps de déplacés proches des djihadistes de l'État islamique gérés par les Kurdes dans le nord-est de la Syrie. DELIL SOULEIMAN / AFP

«Le risque d’attentat n’est pas la principale raison pour bloquer les rapatriements. [Il y a également] la réaction de l’opinion publique, qui y est largement hostile», déclare à Arab News en français Benjamin Hodayé, auteur avec Hakim el-Karoui du livre Les Militants du djihad, portrait d’une génération (publié aux éditions Fayard), et qui a dirigé une enquête sociologique approfondie sur les militants djihadistes français et européens de ces dix dernières années pour le compte de l’Institut Montaigne.

Les autorités françaises refusent de ramener les adultes, hommes et femmes, qu’elles estiment complices de l’EI. La France se déclare ainsi favorable au fait que ses ressortissants djihadistes capturés en Syrie et en Irak soient jugés sur place.

En 2019, alors que s’amorçait une réflexion sur les opérations de retour d’envergure, huit Français sur dix se disaient favorables à ce que les djihadistes français soient jugés en Irak (selon un sondage Odoxa-Dentsu Consulting, Le Figaro et Franceinfo).

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Un groupe de femmes, qui seraient les épouses de combattants présumés du groupe État islamique (EI), posent le 28 mars 2021 pour une photo au Camp Al-Roj, où sont détenus des proches de membres présumés de l'EI, dans la campagne près d'al-Malikiyah ( Derik) dans la province de Hasakah, au nord-est de la Syrie. DELIL SOULEIMAN / AFP

«Pour les opposants au retour, c’est bien le terme “rapatriement” qui coince. La France peut-elle être encore considérée comme la patrie de ces femmes et de ces hommes? Ils lui ont ostensiblement tourné le dos en effectuant leur hijra et en rejoignant, en connaissance de cause, un groupe terroriste en guerre contre la France», souligne M. Hodayé.

Le sujet est très politique en France. Le débat se situe à plusieurs niveaux: il concerne d’abord les combattants emprisonnés, dont certains sont déjà condamnés à mort en Irak.

«La crainte d’attentats qui pourraient être commis par des revenants n’est pas vraiment réaliste, même s’il ne faut jurer de rien. S’il devait y avoir des attaques, et il y a déjà eu des cas de retours dont le seul but était de commettre un attentat (par exemple celle du musée juif de Bruxelles, en 2014), ce serait de la part d’individus non contrôlés qui rentreraient par leurs propres moyens et parviendraient à passer entre les mailles du filet», précise également Benjamin Hodayé.

Un débat à plusieurs niveaux

Le sujet est très politique en France. Le débat se situe à plusieurs niveaux: il concerne d’abord les combattants emprisonnés, dont certains sont déjà condamnés à mort en Irak. La position de l’exécutif français est claire, il faut qu’ils soient jugés là où ils ont commis leurs crimes. Dans ce cas, il y a davantage de problèmes légaux et juridiques que sécuritaires. Cela nécessite un nombre très important de procédures judiciaires. Le problème majeur que rencontrent les autorités est de mesurer quelles seront les conséquences de ces procédures dans des prisons françaises déjà surpeuplées et la manière dont on va prendre en charge ces personnes qui reviennent de Syrie ou d’Irak.

Pour Anne-Clémentine Larroque, historienne spécialiste de l’islamisme et analyste au ministère français de la Justice, «on considère que les femmes sont complètement engagées dans le djihadisme. Ce n’est pas parce qu’elles sont des femmes qu’elles ne sont pas des combattantes».

Le deuxième problème concerne la différenciation entre hommes et femmes adultes. «Les femmes qui sont parties sont aussi des djihadistes, au sens où elles adhèrent à l’idéologie, où elles en sont des militantes. Un préjugé habituel, mais aujourd’hui dépassé, est de considérer les femmes parties en Syrie comme des victimes, manipulées ou embrigadées de force par un frère, un mari, un prétendant. Les femmes qui sont parties, peut-être à quelques exceptions près, étaient déterminées et convaincues par cette idéologie», insiste Benjamin Hodayé.

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Des femmes et des enfants marchent dans le camp Roj, où sont détenus des proches de personnes soupçonnées d'appartenir au groupe État islamique (EI), dans la campagne près d'al-Malikiyah (Derik) dans la province de Hasakah, au nord-est de la Syrie, le 28 mars 2021. DELIL SOULEIMAN / AFP

Pour Anne-Clémentine Larroque, historienne spécialiste de l’islamisme et analyste au ministère français de la Justice, «on considère que les femmes sont complètement engagées dans le djihadisme. Ce n’est pas parce qu’elles sont des femmes qu’elles ne sont pas des combattantes». Selon elle, quand ces femmes «ont décidé de quitter la France pour suivre leur mari djihadiste qui est allé combattre en Syrie, on ne peut pas considérer qu’elles sont irresponsables. Elles sont également responsables devant la loi si elles ont pris leurs enfants dans une zone de guerre. Il faut jauger au mieux dans quelles conditions on peut rapatrier ces personnes».

Les lionceaux du califat

Les enfants sont justement au centre du troisième débat sur ce sujet, notamment sur le plan humanitaire. Au mois de décembre 2020, le Comité des droits de l’enfant de l’ONU a jugé que les enfants français détenus dans les camps du Nord-Est syrien étaient en danger «immédiat», avec des «risques de dommages irréparables pour leurs vies, leur intégrité physique et mentale et leur développement». Face aux pressions de certaines ONGs humanitaires, les autorités françaises ont fini par rapatrier de Syrie une trentaine d’enfants de djihadistes français, âgés de 2 à 11 ans et «particulièrement vulnérables».

«Dans l’idéologie de l’EI, les lionceaux du califat (les mineurs) ont une place importante. Ils ont pour rôle de représenter l’avenir et [constituent pour l’organisation] une possibilité très claire de continuer d’exister. [Les djihadistes] ont donc cette volonté de diffuser cette vision de continuité à travers les générations», met ainsi en garde Anne-Clémentine Larroque.

Il importe toutefois d’être clair et d’affirmer qu’il s’agit bien d’enfants de djihadistes, et non d’enfants djihadistes. À défaut d’un rapatriement plus large, c’est effectivement sur les enfants que l’attention se focalise aujourd’hui. Toutefois, «l’opinion publique n’est pas plus tendre avec les enfants qu’avec les parents. Selon le sondage déjà évoqué, 67% des Français s’opposent au rapatriement des enfants de djihadistes», explique M. Hodayé.

«Dans l’idéologie de l’EI, les lionceaux du califat (les mineurs) ont une place importante. Ils ont pour rôle de représenter l’avenir et [constituent pour l’organisation] une possibilité très claire de continuer d’exister. [Les djihadistes] ont donc cette volonté de diffuser cette vision de continuité à travers les générations», met ainsi en garde Anne-Clémentine Larroque. «Dans ce cas, les enfants qui sont en contact avec des mères complétement acquises à la cause djihadiste [risquent davantage], par porosité, de développer des liens avec cette idéologie. Les laisser dans les camps actuellement en proie à l’insécurité et à des discours radicaux est néfaste pour eux, sans oublier qu’un grand nombre d’entre eux ne vont pas à l’école. Ils auront sûrement plus tard un gros problème éducatif et instructif qui peut les mettre à la marge de la société dans laquelle ils rentrent», ajoute-t-elle.

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Des proches de personnes soupçonnées d'appartenir au groupe État islamique (EI) sont photographiés le 28 mars 2021 au Camp Roj où ils sont détenus dans la campagne près d'al-Malikiyah (Derik) dans la province de Hasakah, au nord-est de la Syrie. DELIL SOULEIMAN / AFP

La France a d’ailleurs mis en place un système pour les aider qui a fait ses preuves, à l’instar de l’Aide sociale à l’enfance (ASE). Il faut réfléchir à l’endroit où les placer afin qu’ils soient les plus en sécurité possible et qu’ils puissent se reconstruire dans les meilleures conditions. En tout cas, il ne faut pas que ces enfants paient pour les fautes de leurs parents.

Un profil de djihadiste ressort clairement de l’étude menée par MM. Karoui et Hodayé: il s’agit d’un jeune issu des quartiers défavorisés, socialement précaire et lié à l’immigration, c’est-à-dire ayant un questionnement identitaire. 300 000 à 400 000 personnes présenteraient ce profil.

Les cas de ces fameux lionceaux du califat doivent être étudiés à part, renchérit M. Hodayé: «Ils peuvent représenter un certain danger, mais ils ne sont pas responsables de leur départ, ils sont encore moins coupables des crimes de leurs parents, et on peut considérer le rapatriement comme le meilleur moyen de les séparer du djihadisme. Ce sont des victimes, mais il est nécessaire de déterminer jusqu’à quel point l’idéologie est ancrée dans leurs esprits.»

Désengagement idéologique

L’enjeu plus général est donc celui du désengagement idéologique. «Il se pose pour les femmes, mais aussi pour les hommes qui souhaiteraient rentrer, ainsi que pour tous ceux qui sont déjà rentrés ou ont tenté de partir. Il y a aujourd’hui cinq cents personnes concernées dans les prisons françaises, auxquelles il faut ajouter les détenus de droit commun radicalisés. […] Le travail de celles et ceux qui interviennent auprès d’eux se focalise aujourd’hui sur le désengagement, c’est-à-dire la sortie de la violence, parce que les approches par le biais de la déradicalisation [la sortie totale de l’idéologie radicale] n’ont pas été probantes. Mais nous manquons de recul sur ce sujet, et les éventuelles réussites sont difficiles à évaluer», fait savoir Benjamin Hodayé.

Un profil de djihadiste ressort clairement de l’étude menée par MM. Karoui et Hodayé: il s’agit d’un jeune issu des quartiers défavorisés, socialement précaire et lié à l’immigration, c’est-à-dire ayant un questionnement identitaire. 300 000 à 400 000 personnes présenteraient ce profil. On dénombre par ailleurs 10 000 «fichés S» pour radicalisme religieux.

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Un enfant pose devant un groupe de femmes entièrement voilées au Camp Roj, où sont détenus des proches de personnes soupçonnées d'appartenir au groupe État islamique (EI), dans la campagne près d'al-Malikiyah (Derik) dans la province de Hasakah, au nord-est de la Syrie, le 28 mars 2021. DELIL SOULEIMAN / AFP

Reste à savoir, parmi toute cette nébuleuse djihadiste à l’intérieur de laquelle évolue un large prisme de radicaux, quel groupe est plus dangereux: des prédicateurs bien installés dans l’Hexagone et qui endoctrinent les jeunes désorientés, ou bien des djihadistes ayant combattu à l’extérieur et disposant d’une expérience dans le maniement des armes?

Il ne faut pas systématiquement associer le retour d’un combattant djihadiste avec un projet d’attentat.

Pour Anne-Clémentine Larroque, «les deux [groupes] sont tout aussi dangereux l’un que l’autre. En termes de passage à l’acte, le djihadiste qui est au bout de la chaîne peut être plus néfaste. C’est ce qui est visible, c’est le résultat, le produit de l’œuvre des prédicateurs. En revanche, la source du problème et du mal, ce sont les prédicateurs. Ces derniers ne passent pas à l’acte, mais incubent l’idéologie sur le territoire français à travers les associations, les clubs sportifs, les mosquées ou même des appartements privatifs dans lesquels se réunissent les gens. Les prédicateurs sont très peu judiciarisés; ils passent entre les mailles du filet, alors que ce sont eux qui créent cet arbre de la radicalité, permettant à l’idéologie d’exister et de perdurer».

La question est difficile, mais elle a le mérite de mettre en relief la diversité des profils parmi les djihadistes français, indique M. Hodayé. À partir de ces deux grands profils, on peut ainsi distinguer deux types de risques: celui de la diffusion idéologique et celui des attentats. «Aujourd’hui, c’est surtout le premier risque qui est à craindre. Le nombre d’attentats commis ou déjoués dans les dernières années a baissé, et la pandémie y a contribué», affirme-t-il.

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La Française Emilie Konig marche dans le camp Al-Roj, dans le nord-est de la Syrie, dans le nord-est de la Syrie, le 28 mars 2021, où elle est détenue avec d'autres personnes soupçonnées d'être des proches de membres présumés du groupe État islamique (EI). DELIL SOULEIMAN / AFP

Par ailleurs, il ne faut pas systématiquement associer le retour d’un combattant djihadiste avec un projet d’attentat. Si certains combattants djihadistes sont revenus en Europe pour commettre une attaque, d’autres sont rentrés depuis longtemps sans projet. Enfin, les terroristes n’ont pas besoin d’avoir été formés aux armes pour commettre des attentats, comme l’ont montré les dernières attaques en France: il suffit d’une arme blanche et de détermination», déclare-t-il, estimant que les prédicateurs sont plus dangereux parce qu’ils pensent. «Les prédicateurs, qu’ils aient été arrêtés ou non, continuent de penser leur combat. À ce titre, ils représentent un danger présent, mais aussi un danger pour le futur», conclut M. Hodayé.


«Tout bloquer» le 10 septembre: sur les réseaux, une mobilisation à plusieurs inconnues

Sur de nombreux comptes (TikTok, Facebook, X, Telegram), déjà établis ou spécialement créés, les messages de ce mouvement à l'état gazeux peuvent mentionner le RIC (referendum d'initiative citoyenne), réclamer des hausses de salaires et des retraites ou appeler à la "résistance", au confinement volontaire ou la grève générale. (AFP)
Sur de nombreux comptes (TikTok, Facebook, X, Telegram), déjà établis ou spécialement créés, les messages de ce mouvement à l'état gazeux peuvent mentionner le RIC (referendum d'initiative citoyenne), réclamer des hausses de salaires et des retraites ou appeler à la "résistance", au confinement volontaire ou la grève générale. (AFP)
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  • Des appels à "tout bloquer" en France le 10 septembre, venus d'horizons très divers, se multiplient sur les réseaux sociaux, en se cristallisant autour des coupes budgétaires voulues par François Bayrou
  • Les premières références à cette date, dont le choix ne semble pas avoir de justification particulière, remontent à mai, au moins

PARIS: Des appels à "tout bloquer" en France le 10 septembre, venus d'horizons très divers, se multiplient sur les réseaux sociaux, en se cristallisant autour des coupes budgétaires voulues par François Bayrou. Leur possible concrétisation dans la rue reste une inconnue.

Les premières références à cette date, dont le choix ne semble pas avoir de justification particulière, remontent à mai, au moins. Mais c'est en juillet, à la faveur des mesures d'économies annoncées par le Premier ministre, qu'elles ont gagné en visibilité.

Lancé à l'origine par une chaîne Telegram plutôt confidentielle, décliné sur un site nommé "Les essentiels France", ce mot d'ordre est relayé par divers groupes de discussion. Avec un canal principal d'organisation, "Indignons-nous", réunissant plusieurs milliers d'internautes.

Sur de nombreux comptes (TikTok, Facebook, X, Telegram), déjà établis ou spécialement créés, les messages de ce mouvement à l'état gazeux peuvent mentionner le RIC (referendum d'initiative citoyenne), réclamer des hausses de salaires et des retraites ou appeler à la "résistance", au confinement volontaire ou la grève générale.

Près de sept ans après le mouvement des Gilets jaunes, qui avait interpellé par son ampleur, "les ingrédients de la colère (sentiment de déclassement du bas de la classe moyenne, fin de mois difficiles pour les catégories populaires et ras-le-bol fiscal généralisé) n'ont pas disparu", relève le directeur du département Opinion à l'Ifop Jérôme Fourquet dans Le Point.

"Allume-feu" 

"Et c'est sur ces braises encore rougeoyantes que le gouvernement a versé un bidon d'essence avec son plan de rigueur (...), l'allume-feu étant, pour filer la métaphore du barbecue, la suppression de deux jours fériés", selon lui.

"Depuis les Gilets jaunes, il apparaît désormais envisageable de construire des mobilisations hors champ politique ou syndical traditionnel, en faisant usage des réseaux sociaux", observe pour l'AFP l'historien Stéphane Sirot.

Ce spécialiste des mouvements sociaux note toutefois que le 10 septembre tombe un mercredi, alors que les Gilets jaunes manifestaient le samedi, jour chômé pour la majorité des salariés.

Les actions prévues sont tantôt classiques, de "type grève", et "moins classiques, comme ne vous servez plus de votre carte bancaire à partir du 10 septembre" ou "n'allez plus faire vos courses dans les supermarchés", relève M. Sirot.

Sur le terrain, fin juillet, quelques dizaines de personnes se sont réunies pour débattre dans des parcs, à Paris ou Strasbourg, selon Franceinfo et Mediapart.

Comment ce mouvement peut-il résonner ou pas avec la stratégie des syndicats? Les confédérations ont rendez-vous le 1er septembre pour discuter des actions à mener, après avoir dénoncé notamment le projet de suppression de deux jours fériés.

Sans attendre, plusieurs unions départementales et fédérations de la CGT, dont celles de la chimie et du commerce, ont d'ores et déjà prévu de mobiliser le 10 septembre.

"Il y a de quoi être en colère, il faut des mobilisations, elles seront nombreuses comme celle du 10 septembre, et il y en aura d'autres", a déclaré à l'AFP Thomas Vacheron, secrétaire confédéral du syndicat.

"Début de la lutte" 

La fédération Mines-Energies de la CGT appelle elle à faire grève à partir du 2 septembre.

Contre les mesures budgétaires, Force ouvrière a aussi annoncé un préavis de grève à compter du 1er septembre et une grève est envisagée dans les hôpitaux parisiens.

Quelques responsables politiques soutiennent l'appel du 10 septembre, comme les députés Clémentine Autain et Alexis Corbiere, ex-LFI siégeant dans le groupe Ecologiste. Ils sont signataires d'une tribune publiée par la revue Regards appelant à faire de cette date "le début de la lutte" pour "une vie digne et heureuse".

Le leader de La France Insoumise Jean-Luc Mélenchon a assuré sur son blog se reconnaître dans les "motifs de cette action", tout en soulignant l'importance de son "indépendance" comme "condition de son succès".

"On suit, on regarde ce qui se passe sur les réseaux, on est vigilants", indique à l'AFP le député PS Arthur Delaporte. "Quand on appelle à rejoindre un mouvement, c'est dans le cadre d'une intersyndicale, là ce n’est pas le cas."

Même réserve, à l'extrême-droite, chez la députée RN Edwige Diaz. Son parti "par principe ne s'improvise pas instigateur de manifestations", a-t-elle souligné sur France Inter, tout en "compren(ant) la détresse de ces Français".

"Je n’ai pas l’impression que ça marche très fort", confie pour sa part une source gouvernementale à l'AFP. Tout en restant prudente: "On peut se tromper, il y avait beaucoup qui ne ressentaient pas les Gilets jaunes et ils sont arrivés..."


Les migrants inquiets de l'accord franco-britannique, mais les traversées continuent

Des migrants à bord d'un bateau de passeurs naviguent dans les eaux françaises pour tenter de traverser la Manche au large de la plage d'Hardelot à Neufchatel-Hardelot, dans le nord de la France, le 13 août 2025. (AFP)
Des migrants à bord d'un bateau de passeurs naviguent dans les eaux françaises pour tenter de traverser la Manche au large de la plage d'Hardelot à Neufchatel-Hardelot, dans le nord de la France, le 13 août 2025. (AFP)
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  • Une semaine après son entrée en vigueur, l'accord migratoire franco-britannique tourmente les candidats à l'exil amassés sur les côtes du nord de la France
  • L'accord franco-britannique prévoit le renvoi en France de migrants arrivés au Royaume-Uni en traversant la Manche par "small boats"

CALAIS: Une semaine après son entrée en vigueur, l'accord migratoire franco-britannique tourmente les candidats à l'exil amassés sur les côtes du nord de la France, mais sans enrayer pour l'heure les traversées clandestines de la Manche.

Trentenaire égyptien arrivé à Calais il y a deux jours, Adnan (prénom modifié) pianote sur son téléphone, à quelques mètres du campement de quelques tentes où il dort en plein centre-ville. Il essaie de contacter un passeur, explique-t-il, concentré.

"Moi, je vais tenter" la traversée, "le plus vite possible!", dit-il dans un sourire blanc immaculé. "Avant qu'ils commencent à arrêter et renvoyer des gens".

L'accord franco-britannique prévoit le renvoi en France de migrants arrivés au Royaume-Uni en traversant la Manche par "small boats", ces embarcations de fortune qu'ils utilisent.

Pour chaque migrant renvoyé en France, Londres s'est engagé à accepter une personne se trouvant dans l'Hexagone et ayant fait une demande sur une plateforme en ligne.

Les détails sont encore flous, y compris pour les associations qui servent de relais avec les migrants: "C'est une nouvelle politique absurde, une bureaucratie vraiment compliquée qu'on essaie encore de comprendre", dénonce Gloria Ciaccio, coordinatrice pour Channel Info Project, un projet de L'Auberge des migrants à Calais.

A chaque nouveau texte de ce type, "les gens entrent dans un état de panique", assure-t-elle.

- "Pas d'autre choix" -

Londres a annoncé la semaine dernière avoir commencé à placer en détention des migrants arrivés par "small boats".

"Je connais quelqu'un qui est arrivé en Angleterre il y a deux jours" et qui a été placé en hôtel, de ceux où sont accueillis les demandeurs d'asile à leur arrivée au Royaume-Uni, affirme pourtant Adnan.

S'il apprenait que des gens sont renvoyés du Royaume-Uni vers la France, il hésiterait à dépenser une grosse somme d'argent pour la traversée et demanderait peut-être l'asile en France, admet-il.

Un ami à lui, Walid (prénom modifié), a quant à lui "changé d'avis" après une semaine en France: il veut rentrer en Egypte. "C'est trop dur, vivre ici, dans la rue, est trop dur", dit-il.

Leur voisin de tente, Mohammad Jawwad, 45 ans, aimerait profiter de l'accord pour rejoindre le Royaume-Uni légalement. Mais le processus "va être long", craint-il. Et sans l'aide d'un avocat, il se fait peu d'espoir.

Parti de Syrie en raison de problèmes de santé, il n'a qu'une chose en tête: se faire soigner, ce qu'il aimerait faire en France. Mais s'il demande l'asile, il risque d'être renvoyé en Slovénie, le pays par lequel il est entré dans l'Union européenne.

"Les gens continuent de prévoir de traverser parce que, pour certains, il n'y a vraiment pas d'autre choix", résume Gloria Ciaccio.

- Flux ininterrompu -

"Tous les migrants arrivant par +small boats+, à l'exception des mineurs non accompagnés demandeurs d'asile, risquent d'être placés en détention", souligne l'association britannique Refugee Action. "Mais en pratique, cela dépend de facteurs opérationnels dont les capacités des centres de rétention, les places pour être renvoyé (en France, NDLR), et la vitesse du processus".

Mercredi à l'aube, un buggy de la gendarmerie remonte à pleine vitesse la plage de Hardelot (Pas-de-Calais). En mer, un canot de la gendarmerie maritime et une vedette de la Marine nationale s'activent. Un "small boat" vient de partir, avec une cinquantaine de passagers, dont moins de la moitié portent des gilets de sauvetage.

Durant près de deux heures, l'embarcation longe la plage au ralenti, ballottée par les vagues et le vent. Après avoir déposé quatre migrants ayant jeté l'éponge, le bateau finit par prendre la direction de l'Angleterre, dans une brume épaisse.

Ces tentatives sont très dangereuses: entre lundi et mardi, près de 300 migrants au total ont été secourus dans les eaux françaises. Et une Somalienne est morte près de Dunkerque  en tentant de rejoindre l'Angleterre en début de semaine, le 19e décès de ce type à la frontière franco-britannique depuis le début de l'année.

Mais beaucoup d'autres parviennent à leurs fins. Depuis l'entrée en vigueur de l'accord entre Paris et Londres, plus de 2.000 migrants ont franchi la Manche à bord de "small boats", selon les derniers chiffres officiels britanniques.


France: un contrôleur aérien suspendu pour avoir dit «Free Palestine» à l'équipage d'El Al

Une enquête administrative avait été ouverte plus tôt dans la journée, après un signalement par la compagnie porte-drapeau d'Israël, El Al. (AFP)
Une enquête administrative avait été ouverte plus tôt dans la journée, après un signalement par la compagnie porte-drapeau d'Israël, El Al. (AFP)
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  • "L'analyse des enregistrements prouve que les faits sont avérés", a écrit mardi sur X le ministre Philippe Tabarot, précisant que le contrôleur s'est "vu retirer toute possibilité d'exercer jusqu'à nouvel ordre"
  • Les propos ont été tenus lors d'un vol lundi matin au départ de Paris-Charles-de-Gaulle, a fait savoir à l'AFP le ministère des Transports

PARIS: Un contrôleur aérien de l'aéroport Paris-CDG a été suspendu pour avoir dit lundi "Free Palestine" lors d'un échange radio avec l'équipage d'un vol de la compagnie israélienne El Al, a annoncé mardi le ministère français des Transports.

"L'analyse des enregistrements prouve que les faits sont avérés", a écrit mardi sur X le ministre Philippe Tabarot, précisant que le contrôleur s'est "vu retirer toute possibilité d'exercer jusqu'à nouvel ordre".

Les propos ont été tenus lors d'un vol lundi matin au départ de Paris-Charles-de-Gaulle, a fait savoir à l'AFP le ministère des Transports.

"Une procédure disciplinaire a été immédiatement engagée. La sanction devra être à la hauteur de la gravité des faits", a déclaré M. Tabarot.

Pour le ministre, ces faits contreviennent "aux règles des radiocommunications, qui doivent se limiter à la sécurité et à la régularité du trafic aérien" et témoignent "d'un non-respect du devoir de réserve du fonctionnaire", statut des contrôleurs aériens en France.

Une enquête administrative avait été ouverte plus tôt dans la journée, après un signalement par la compagnie porte-drapeau d'Israël, El Al.

Le Conseil représentatif des institutions juives (Crif) de France avait alors dénoncé un "incident inacceptable", qui "contrevient à la fois à l'impératif de neutralité politique mais aussi aux protocoles de sécurité qui régissent les échanges entre une tour de contrôle et un avion en phase de décollage".

L'attaque du 7 octobre 2023, qui a déclenché la guerre à Gaza, a entraîné côté israélien la mort de 1.219 personnes, en majorité des civils, selon un décompte de l'AFP établi à partir de données officielles.

Les représailles israéliennes à Gaza ont fait 61.599 morts, majoritairement des civils, selon les données du ministère de la Santé du Hamas, jugées fiables par l'ONU.