Boris Johnson a failli dans la lutte contre le coronavirus

Short Url
Publié le Vendredi 18 février 2022

Boris Johnson a failli dans la lutte contre le coronavirus

Boris Johnson a failli dans la lutte contre le coronavirus
  • Comment est-il possible que l’un des pays les plus avancés et qui compte certains des plus brillants esprits scientifiques ait été pris au dépourvu de manière aussi désastreuse?
  • Le Premier ministre Boris Johnson et son gouvernement ont commis le péché originel en sous-estimant gravement la menace que représente le Covid-19

Il est peut-être trop tôt pour tirer des conclusions définitives sur la manière dont le Royaume-Uni a fait face à la pandémie de coronavirus (Covid-19), mais tous les éléments probants disponibles offrent un tableau sombre et montrent que le gouvernement n’est pas à la hauteur, et plus encore qu’il a été arrogant et suffisant dès le premier jour, entraînant des conséquences tragiques pour les individus, les familles et la nation tout entière. La fiabilité des rapports mondiaux sur le nombre de décès dus au Covid-19 varie, mais les 41 662 décès au Royaume-Uni au moment de la rédaction de ce rapport – le troisième pays après les États-Unis et le Brésil en nombre total de vies perdues à cause de ce virus vicieux, et probablement le pire en nombre de décès par habitant –constituent un record abyssal.
Comment est-il possible que l’un des pays les plus riches et les plus avancés au monde, qui compte certains des plus brillants esprits scientifiques du monde, ait été pris au dépourvu de manière aussi désastreuse ? Certaines des réponses à cette question découlent des problèmes structurels et sociétaux historiques irrésolus du Royaume-Uni. Cependant, la gestion de la crise par le gouvernement reste extrêmement préoccupante. Ce dernier a commencé par ignorer de manière irresponsable le danger imminent et sa décision d’imposer un confinement complet est arrivée trop tard, alors que le conseiller principal du Premier ministre a violé de manière flagrante les règles qu’il avait contribué à établir. L’actuel assouplissement progressif et timide du confinement est tout aussi troublant.
Le Premier ministre Boris Johnson et son gouvernement ont commis le péché originel en sous-estimant gravement la menace que représente le Covid-19, faisant preuve de désinvolture à son égard, en présentant ce qui s’est révélé être un agent infectieux hautement mortel comme un genre de virus de la grippe classique. Le proverbe qui dit « mieux vaut prévenir que guérir » leur a complètement échappé.
Dès le premier jour, l’instinct du gouvernement semblait être de protéger l’économie et les grandes entreprises plutôt que les personnes vulnérables de la société, et l’intelligence émotionnelle n’est manifestement pas le trait dominant dont Johnson et ses ministres ont eu la chance de disposer. Même si le virus ne faisait que provoquer un type de grippe plus grave, tout le monde savait que les personnes âgées et celles ayant des problèmes de santé sous-jacents seraient les plus vulnérables. Alors que la plupart des pays touchés par le virus ont rapidement pris la décision de mettre en place un confinement afin d’empêcher sa propagation et de protéger les personnes les plus fragiles, l’opinion dominante au sein du gouvernement britannique était de laisser le virus se propager jusqu’à ce qu’une résistance suffisante se constitue au sein de la population. Cette approche de l’« immunité collective », scientifiquement discutable, moralement déplorable, émanait du courant de pensée de la « survie du plus apte » et elle a entraîné beaucoup plus de morts inutiles. Ce n’est que lorsque le gouvernement a compris que la mise en place d’une politique d’immunité collective pourrait entraîner le décès de centaines de milliers de Britanniques et que le Service national de santé (NHS) a été complètement débordé au point de s’effondrer qu’un confinement strict a finalement été imposé à la fin du mois de mars – des semaines trop tard. À ce stade, le Covid-19 était déjà bien présent, avec des conséquences tragiques, contraignant le Royaume-Uni à subir un confinement finalement plus long, avant qu’une certaine reprise de la vie normale ne soit autorisée.
La lutte pour contenir le Covid-19 a été entravée par le fait qu’un certain nombre de ministres de haut rang ont contracté le virus ou présenté des symptômes et n’ont donc pas pu travailler pleinement, tandis que leur Premier ministre (qui a publiquement bafoué les recommandations de distanciation sociale) a dû être hospitalisé. Cependant, qu’ils aient retrouvé ou préservé leur santé, ni le leadership ni leur exemplarité n’ont semblé être leur point fort.
Bien que la lutte contre la pandémie actuelle ait engendré de nouveaux défis pour la science, la gouvernance, la société, l’économie et leurs relations avec ces aspects de l’existence humaine et sociale, elle a surtout mis en évidence les failles déjà existantes dans ces interactions. Par exemple, le manque d’investissement dans le NHS a été une caractéristique constante des gouvernements conservateurs pendant de nombreuses années. Le manque de personnel, d’équipements de secours et de protection individuelle n’est pas nouveau. Pourtant, la crise sanitaire actuelle l’a révélé de la manière la plus frappante, la plus visible et la plus meurtrière. Les personnes (parmi lesquelles de nombreux travailleurs migrants) qui prennent soin de notre bien le plus précieux – notre vie – sont celles-là mêmes que nous ne protégeons pas, que nous ne récompensons pas suffisamment et qui, si elles ne sont pas des résidents ou des citoyens britanniques et qu’elles ne gagnent pas assez, seront forcées sans ménagement de quitter le pays. Mais seulement après avoir sauvé notre vie et nous avoir soignés !
Une statistique qui devrait tous nous choquer au plus haut point : les personnes vivant dans les régions les plus pauvres d’Angleterre et du Pays de Galles courent deux fois plus de risques de mourir du Covid-19 que les autres. Dans de nombreux cas, il s’agit des personnes âgées et des personnes appartenant à des groupes minoritaires, souffrant toujours de manière disproportionnée de la pauvreté et de l’insécurité alimentaire, et qui sont encore plus touchées par la pandémie actuelle. C’est l’illustration de décennies de négligence et de privation des personnes les plus vulnérables de la société, qui non seulement engendrent des souffrances mais tuent aussi. 
 En temps de crise, les gens aspirent à une gouvernance qu’ils peuvent respecter et en laquelle ils peuvent avoir confiance, et la pandémie du Covid-19 ne fait pas exception à la règle. Mais elle a frappé le Royaume-Uni peu après une élection générale qui a vu la nomination de nombreux nouveaux ministres inexpérimentés à des postes-clés, alors que le pays était encore sous le choc de plus de trois ans de problèmes liés au Brexit. L’absence totale de réaction rapide, décisive ou cohérente face au coronavirus et, pire encore, le fait de l’écarter comme constituant un danger, suivi d’une volte-face et de l’obligation d’un confinement complet, ne permettent pas de penser que le gouvernement maîtrise les événements. Au lieu de cela, nous voyons un gouvernement qui subit les événements au lieu de les anticiper.

Pire encore, l’un des principaux responsables qui a demandé que nous restions tous chez nous, que nous ne rencontrions pas nos proches pour un dernier au revoir alors que nous voyions nos vies et nos moyens de subsistance disparaître, a lui-même enfreint les règles de confinement instaurées par ses soins et ceux de ses  collaborateurs, et a justifié ses actions par des excuses minables, empreintes de l’arrogance pure et simple qui caractérise du pouvoir. Lorsque les premières mesures visant à assouplir le confinement ont été annoncées, le Premier ministre a fait passer un message confus et contradictoire, laissant la plupart des gens douter du degré de maîtrise de la situation.
Il faudra beaucoup de temps pour surmonter l’impact désastreux de cette pandémie. Le plus important est que le pays recommence à faire confiance au gouvernement en général et à l’administration actuelle en particulier. Ce gouvernement, cependant, a lamentablement laissé tomber ses citoyens et ne mérite guère leur confiance. 

Yossi Mekelberg est professeur de relations internationales à la Regent's University à Londres, où il dirige le Programme des Relations Internationales et des Sciences Sociales. Il est également chercheur associé au Programme Moyen-Orient et Afrique du Nord à Chatham House. Il contribue régulièrement aux médias internationaux et régionaux.

Twitter: @YMekelberg

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com