Biden entame la restauration du rôle mondial des États-Unis

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Publié le Samedi 26 juin 2021

Biden entame la restauration du rôle mondial des États-Unis

Biden entame la restauration du rôle mondial des États-Unis
  • Au cours de ses premiers mois au pouvoir, Biden a incarné son nouveau rôle avec l'enthousiasme de quelqu'un qui se lance pour la première fois en politique
  • Biden a affiché un soutien résolu à la coopération multilatérale avec d'autres démocraties au sujet des défis les plus difficiles auxquels le monde se trouve confronté

Il régnait une atmosphère d'anticipation la semaine dernière, lorsque l’Air Force One a mis le cap sur l'Europe: le président américain, Joe Biden, effectuait son premier voyage à l'étranger depuis son investiture, au mois de janvier dernier.

Au cours de ses premiers mois au pouvoir, Biden a incarné son nouveau rôle avec l'enthousiasme de quelqu'un qui se lance pour la première fois en politique, ainsi qu’avec le sens du devoir et de l'urgence d’un homme dont l’emploi de temps est surchargé et qui fait face à une série de défis particulièrement périlleux.

Parmi ces derniers, il y a notamment les conséquences de la pire pandémie de l’histoire; le fait que la société américaine apparaissent profondément divisée; le nombre de migrants sans papiers à la frontière mexicaine, qui a atteint un niveau record; les tensions avec la Chine et la Russie; enfin, un retour potentiel à l'accord sur le nucléaire iranien. Tous ces sujets s'ajoutent à un programme international exigeant et délicat.

Compte tenu de l'héritage chaotique que l'administration précédente lui a cédé, on aurait pu s'attendre à ce que le premier pas de Biden consiste dans la stabilisation du navire sur tous les fronts dans le but de rassurer le peuple américain et de montrer à la communauté internationale qu'un comportement rationnel et responsable a été rétabli à la Maison Blanche. 

Pourtant, à partir du moment où il est devenu clair qu'il avait remporté l'élection présidentielle, Biden, à travers son discours d'investiture et ses nominations aux postes clés du nouveau gouvernement, a immédiatement commencé à établir, au-delà de la restauration d'un processus décisionnel ordonné et cohérent, des programmes vigoureux et radicaux en matière d'affaires intérieures et étrangères.

L'une des actions les plus importantes du nouveau président a été d'envoyer un message clair, adressé à ses alliés autant qu’à ses rivaux, disant que les États-Unis faisaient leur retour sur la scène internationale et qu’ils étaient de nouveau à la tête du monde démocratique. Ainsi, le voyage de trois étapes qu’a effectué Biden en Europe a suscité beaucoup d'intérêt, d'autant plus qu'il comprenait des sommets symboliques avec les alliés, le G7 et l'Otan, ainsi qu’une rencontre très attendue avec le président russe, Vladimir Poutine, dont le pays, avec la Chine, est considéré par les États-Unis et leurs alliés comme devant être contré et contenu.

Biden, homme d'État chevronné, fort de décennies d'expérience, a dirigé ce voyage exactement comme s’il lisait un manuel de diplomatie. Après avoir rallié ses alliés et consolidé les relations qu’il entretient avec eux lors du sommet du G7 dans la pittoresque baie de Carbis en Cornouailles, au Royaume-Uni, et après participé à un sommet de l'Otan à Bruxelles, il a pu démontrer, à Moscou comme à Pékin, que le monde démocratique se trouvait derrière les États-Unis en termes de vision, de détermination et de préparation à la sécurité. Au cours de toutes ces réunions, la rivalité qui oppose Washington et Pékin était palpable.

Pour s'assurer que les intentions de son gouvernement étaient évidentes, Biden s'était non seulement fixé des objectifs clairs pour son voyage, mais il s’était également assuré le concours de hauts responsables, parmi lesquels se trouvaient le secrétaire d'État, Antony Blinken, le secrétaire à la Défense, Lloyd Austin, et le conseiller à la sécurité nationale, Jake Sullivan. Cela montre qu'il s'agissait d'une visite d'affaires considérable dans laquelle les cérémonies et les formalités revêtaient une importance secondaire.

En effet, pour ne laisser aucun doute sur le but de sa visite en Europe et pour rallier l'opinion publique américaine, Biden a exposé sa vision dans un éditorial pour The Washington Post. Il y déclare notamment: «Alors que le monde est toujours pris dans les filets d’une pandémie unique en un siècle, ce voyage vise à concrétiser l'engagement renouvelé de l’Amérique envers nos alliés et nos partenaires, à démontrer la capacité des démocraties à relever les défis et à prévenir les menaces de cette nouvelle ère.»

C’est donc la fin des querelles incessantes avec les alliés sur les plates-formes des réseaux sociaux: le président Biden se concentre davantage sur l'accélération de la reprise mondiale après la pandémie de coronavirus, sur la lutte essentielle contre la crise climatique et sur la «confrontation avec les activités néfastes de la Chine et de la Russie», tout en envoyant le message du leadership et de l'affirmation de soi plutôt que celui de l'hostilité, qu’elle soit gratuite ou destinée à éviter des décisions difficiles.

Après une longue période au cours de laquelle les sommets internationaux se sont déroulés de manière virtuelle, il a été rafraîchissant d'assister à ces rassemblements physiques. Ils ont ajouté une touche humaine bien nécessaire aux procédures et ont donné le sentiment que la vie reprenait son cours normal.

Mais le G7 représente les pays les plus riches du monde et, bien que certains d'entre eux – parmi lesquels les États-Unis et le Royaume-Uni – aient été parmi les plus touchés par le coronavirus, ces pays disposent des ressources et des moyens pour se remettre de cette crise sanitaire.

C'est grâce à leurs systèmes de santé, au soutien économique et à leur capacité fondamentale que ces pays parviennent à déployer des campagnes de vaccination beaucoup plus efficaces et rapides que le reste du monde. Le défi majeur de ce club exclusif est de montrer la bonne voie et d'aider le reste du monde à sortir de cette catastrophe.

La dignité, l'intégrité et le respect avec lesquels Biden se comporte et traite les autres constitue un véritable changement après le mandat de quatre ans de son prédécesseur, dans la forme et dans le fond, comme le montrent son désir de renouer les relations avec le monde et la mise en place d'un programme progressiste et inclusif particulièrement impressionnant.

L’appel à l’action que contenait le communiqué de clôture du G7, engageant à introduire un système fiscal mondial dans le but de mettre fin au nivellement par le bas de la fiscalité des entreprises et incitant à faire d’importants efforts dans le but de générer une transition créatrice d'emplois vers une énergie propre mondiale, était stimulant.

De même, une vision ouvertement critique du bilan catastrophique de la Chine en matière de droits de l'homme, de politique, et qui dénonce ses pratiques non marchandes dans l'économie mondiale – vision qui, en outre, évoque l'ingérence de la Russie dans les affaires d'autres pays – pourrait bien conduire à davantage de frictions dans les affaires mondiales. Toutefois, si elle est gérée de manière ferme et pragmatique, elle pourrait également entraîner une amélioration des normes internationales de comportement.

 


La dignité, l'intégrité et le respect avec lesquels Biden se comporte et traite les autres constitue un véritable changement après le mandat de quatre ans de son prédécesseur, dans la forme et dans le fond, comme le montrent son désir de renouer les relations avec le monde.

Yossi Mekelberg

Biden a affiché un soutien résolu à la coopération multilatérale avec d'autres démocraties au sujet des défis les plus difficiles auxquels le monde se trouve confronté, tout en exprimant l'engagement indéfectible des États-Unis envers l'article 5 du traité de l'Otan afin de faire face non seulement aux anciennes menaces, mais aussi aux nouvelles, telles que les cyberattaques. 

Son engagement et la volonté qu’il exprime de faire face à d'autres grandes puissances qui jouent selon des règles différentes illustrent la marche de cette nouvelle administration vers des États-Unis qui, encore une fois, dirigent et coopèrent.

Cependant, au-delà de la rhétorique et de la gestuelle, il est nécessaire de mettre en place des politiques concrètes, même si elles peuvent entraîner un contrecoup à l’intérieur du pays. Aussi bienvenu que soit le retour des États-Unis sur la scène mondiale – avec une cohérence nouvellement restaurée, sans parler de la manière dont ils s'engageront avec les autres puissances –, le rétablissement de la confiance nécessitera des politiques soutenues au fil du temps pour prouver que les États-Unis sont un leader mondial et que leur pouvoir dépend aussi de l'autonomisation des autres.

 

Yossi Mekelberg est professeur de relations internationales et membre associé du programme Mena à Chatham House. Il contribue régulièrement à la presse écrite et électronique internationale. Twitter : @YMekelberg

Avis de non-responsabilité : les opinions exprimées par les auteurs de cette section sont les leurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d'Arab News.

 

Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com