Le chemin vers la paix est entravé par les avant-postes «illégaux» d’Israël

Cette photo présente l’avant-poste israélien de Givat Assaf, en Cisjordanie. (Wikimedia Commons)
Cette photo présente l’avant-poste israélien de Givat Assaf, en Cisjordanie. (Wikimedia Commons)
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Publié le Dimanche 18 juillet 2021

Le chemin vers la paix est entravé par les avant-postes «illégaux» d’Israël

Le chemin vers la paix est entravé par les avant-postes «illégaux» d’Israël
  • Si l’armée était intéressée par cet emplacement à des fins opérationnelles, elle s’y serait implantée il y a longtemps
  • Les colons constituent une minorité dominante qui harcèle les Palestiniens et se montre chaque jour violente avec eux

Certes, un nouveau gouvernement a vu le jour en Israël; mais, lorsqu’il est question de colonies illégales en Cisjordanie, les mêmes politiques désuètes sont appliquées, permettant aux colons de disposer des territoires occupés comme s’il s’agissait du Far West.

Au lieu d’être aux commandes, les autorités israéliennes semblent se plier, volontairement ou non, aux désirs des colons, même les plus radicaux.

L’avant-poste d’Evyatar, au sud de Naplouse, en est une illustration parfaite. Il montre comment les gouvernements israéliens, parfois à contrecœur, parfois avec beaucoup d’enthousiasme, sont dirigés – ou, plus précisément, manipulés – par un groupe relativement restreint de fanatiques. Cela conduit inévitablement à une oppression accrue à l’égard des Palestiniens, et donc à davantage de confrontations avec eux ainsi qu’avec la communauté internationale.

Tout commence au mois de mai dernier par le meurtre tragique de Yehuda Guetta, un étudiant de 19 ans tué par des Palestiniens armés. En représailles, un groupe de colons du mouvement Nahala décide de s’emparer d’un lopin de terre sans procédure officielle. En quelques semaines à peine, ils ont déjà construit plusieurs dizaines de structures et s’y sont installés, avec l’intention de transformer cette colonie illégale temporaire en colonie «légale».

Il est important de rappeler que le débat sur les colonies légales et illégales dans la bande de Gaza est un débat israélien interne. Le reste de la communauté internationale considère la construction de ces colonies comme une violation flagrante du droit international pour une raison simple et évidente: elles sont bâties sur un territoire occupé. Au sein de la société israélienne, plusieurs institutions établissent une différence entre ces colonies autorisées par le gouvernement et d’autres, illégales, comme celle d’Evyatar. Néanmoins, selon l’ONG israélienne Peace Now, il existe cent quarante colonies illégales, et les autorités israéliennes ne font pratiquement rien pour les démanteler.

L’emplacement des avant-postes, l’intégrisme religieux des habitants, leur attitude belliqueuse, leur manque de respect, souvent violent, envers les Palestiniens ainsi que leur mépris des autorités et des lois israéliennes font de ces colonies un danger mortel non seulement pour les Palestiniens, mais également pour l’autorité du gouvernement israélien.

Étant donné la faible majorité dont jouit l’administration actuelle à la Knesset, toute question de cet ordre met l’orientation, la détermination et l’unité du gouvernement à l’épreuve. Le sort de cet avant-poste, décidé par les colons d’Evyatar avec le soutien inexplicable des personnes les plus à gauche de la coalition au pouvoir, devrait inquiéter quiconque considère les colonies de Cisjordanie comme un obstacle à la paix et comme un moyen pour renforcer l’occupation tout en continuant de violer les droits des Palestiniens. 

Selon l’accord, ces hors-la-loi devraient déserter les colonies, comme ils l’ont fait. Pourtant, les structures qui ont été construites illégalement sont toujours là et un poste militaire a été mis en place. Il s’agit d’un stratagème pour permettre aux colons de revenir, sans doute le plus tôt possible. Si l’armée était intéressée par cet emplacement à des fins opérationnelles, elle s’y serait implantée il y a longtemps comme elle l’a déjà fait dans de nombreuses autres régions de la Cisjordanie.

L’armée est désormais utilisée comme un pion dans les relations entre le gouvernement et les colons. Elle occupe le terrain jusqu’à ce que le gouvernement décide, conformément à l’accord, si ce lieu est une propriété palestinienne ou s’il doit appartenir à l’État – et, dans ce dernier cas, l’armée s’y installerait. Il a également été décidé qu’une yechiva (école rabbinique) y serait inaugurée. Compte tenu de ce mépris flagrant de la loi, ou du moins de cette manière de la déformer de façon à satisfaire les intérêts des colons, cet emplacement ne saurait tarder à être «légalisé».

Il est presque impossible de prendre au sérieux cette enquête sur le statut juridique du terrain. Depuis le début du mouvement de colonisation, dans les années 1970, ses dirigeants ont sournoisement manipulé les gouvernements successifs afin de satisfaire leurs aspirations et d’autoriser la construction d’avant-postes sur des territoires occupés.

Le nouveau Premier ministre israélien, Naftali Bennett, allié intransigeant des colons et dirigeant accusé d’avoir vendu son âme à la gauche et aux antisionistes pour former le gouvernement actuel, servira-t-il soudain de rempart à la construction d’autres avant-postes illégaux? Voilà qui semble fort peu probable. La légalisation des avant-postes constitue une opportunité pour Bennett et son parti d’apaiser ses partisans et de regagner leur confiance. Cependant, tout le monde sait que le mouvement de colonisation, et en particulier celui des avant-postes, est insatiable. Renoncer à Evyatar ne ferait qu’alimenter son désir de «légaliser» davantage d’avant-postes.

En Cisjordanie occupée, le réseau de colonies a signé un accord de paix basé sur la solution à deux États. C’est un défi considérable, voire irréalisable, puisque 440 000 personnes sont déjà réparties entre les 132 colonies et avant-postes «légaux». Ériger un futur État palestinien contigu relève pratiquement de l’impossible. Si la présence des avant-postes devient permanente, les villes et les villages palestiniens seront de plus en plus isolés et le comportement des habitants accroîtra forcément les tensions avec le peuple palestinien.

 

Depuis le début du mouvement de colonisation, dans les années 1970, ses dirigeants ont sournoisement manipulé les gouvernements successifs

Yossi Mekelberg

Ces avant-postes attirent des groupes de colons messianiques d’un extrémisme idéologique virulent qui feraient tout pour qu’un accord de paix basé sur la reconnaissance du droit des Palestiniens à l’autodétermination ne voie jamais le jour. Ils constituent une minorité dominante qui harcèle les Palestiniens et se montre chaque jour violente avec eux. Les forces de sécurité israéliennes rendent ces actes possibles soit en s’impliquant résolument, soit en restant passives devant les rapports d’ONG comme B’Tselem. Cette organisation israélienne de défense des droits de l’homme dénonce en effet l’agressivité des colons et les montre en train d’ouvrir le feu, de lancer des pierres et des cocktails Molotov sur des voitures et des maisons, de vandaliser des biens et des récoltes ou d’incendier des structures et des champs qui appartiennent aux Palestiniens.

L’accord d’Evyatar est loin de constituer le meilleur des départs pour le nouveau gouvernement d’Israël si ce dernier veut contenir l’anarchie idéologique des colons en Cisjordanie. Mais peut-être les colons disposent-ils du soutien de certaines personnes au sein du gouvernement, en plus de l’acquiescement tacite et lâche des autres.

 

Yossi Mekelberg est professeur de relations internationales et membre associé du programme Mena à Chatham House. Il contribue régulièrement à la presse écrite et électronique internationale. Twitter: @YMekelberg

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

 

Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com