Le nouvel accord sur le nucléaire iranien peut favoriser un climat de détente dans la région

Le vice-ministre iranien des Affaires étrangères, Abbas Araghchi (3e à droite), participe aux pourparlers sur la reprise de l'accord nucléaire iranien de 2015 à Vienne, en Autriche, le 20 juin 2021. (Communiqué de presse de l'UE via REUTERS)
Le vice-ministre iranien des Affaires étrangères, Abbas Araghchi (3e à droite), participe aux pourparlers sur la reprise de l'accord nucléaire iranien de 2015 à Vienne, en Autriche, le 20 juin 2021. (Communiqué de presse de l'UE via REUTERS)
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Publié le Mardi 20 juillet 2021

Le nouvel accord sur le nucléaire iranien peut favoriser un climat de détente dans la région

Le nouvel accord sur le nucléaire iranien peut favoriser un climat de détente dans la région
  • Il convient d'inclure dans l'accord nucléaire une clause imposant à tous les pays de la région de renoncer à attaquer les installations nucléaires, sur le modèle de l'accord conclu entre le Pakistan et l'Inde en 1988
  • L'Iran a tout intérêt à adhérer à un accord qui porte sur la région tout entière, y compris Israël, dans la mesure où un tel accord protégerait ses installations

Les États-Unis et l'Iran souhaitent certes retourner à l'accord sur le nucléaire. Mais tous deux se montrent suspicieux, si bien que les négociations ont été reportées à la mi-août, après l’entrée en fonction du président élu iranien, Ebrahim Raïssi.

Si Washington s'inquiète des connaissances techniques acquises par l’Iran au cours des deux dernières années concernant la technologie nucléaire, Téhéran, quant à lui, craint que ne se reproduise le scénario de Donald Trump qui s’est retiré unilatéralement de l'accord initial. En revanche, l'accord nucléaire peut contribuer à jeter les bases d'un climat de détente dans la région.

Les négociations de Vienne ont exclu toutes les autres questions, telles que le dossier du Yémen, du Liban, de la Syrie ou de l'Irak. L'Iran a en effet exigé d'aborder la question nucléaire indépendamment du reste des sujets. Téhéran a par ailleurs refusé d'inclure les pays arabes du Golfe dans les négociations, et a fait la sourde oreille aux appels demandant d'élargir la portée des discussions pour y intégrer son programme de missiles balistiques. L'Iran a pourtant intérêt à inclure les acteurs régionaux dans les pourparlers, s’il souhaite garantir la sécurité de ses installations nucléaires, visées par le passé. C'est l'Irak de Saddam Hussein qui a lancé les premières attaques contre la centrale nucléaire de Bouchehr dans les années 1980.

L'installation d'enrichissement d'uranium de Natanz a plus récemment été visée par des cyberattaques en 2010, en 2012 et en avril de cette année. En effet, toute attaque contre une installation nucléaire iranienne ne peut que nuire à l'écosystème de la région du Golfe, que se partagent les pays situés sur les deux rives.

Toutefois, l'Iran est loin d'être le seul pays de la région du Golfe ou du Moyen-Orient dans son ensemble à posséder des installations nucléaires. Israël est une puissance nucléaire depuis les années 1960, et les Émirats arabes unis (EAU) possèdent un réacteur nucléaire actif. En 2017, des membres de la milice houthie ont affirmé avoir lancé un missile de croisière en direction du site émirien de Barakah. La Turquie, l'Arabie saoudite, l'Égypte et la Jordanie prévoient de rejoindre le club des pays dotés de centrales nucléaires. Ainsi, il convient d'inclure dans l'accord nucléaire une clause imposant à tous les pays de la région de renoncer à attaquer les installations nucléaires, sur le modèle de l'accord conclu entre le Pakistan et l'Inde en 1988.

L'Iran a tout intérêt à adhérer à un accord qui porte sur la région tout entière, y compris Israël, dans la mesure où un tel accord protégerait ses installations. Il est également envisageable de conclure un autre accord parallèle, sous les auspices des Nations unies, qui obligerait les pays concernés à s'abstenir d'attaquer les installations nucléaires.

L'Iran a tout intérêt à adhérer à un accord qui porte sur la région tout entière, y compris Israël, dans la mesure où un tel accord protégerait ses installations.

Dr Dania Koleilat Khatib

Dans un deuxième temps, il conviendrait d'amener les signataires de cet accord à passer un accord portant sur les missiles balistiques, dans lequel ils consentiraient à restreindre la portée de leurs armes à une distance donnée. Les nombreux Iraniens que j'ai rencontrés adoptent une attitude de victime et se demandent pourquoi l'Iran n'a pas le droit de posséder des missiles capables d'atteindre Tel-Aviv ou Riyad, tandis qu'Israël et l'Arabie saoudite disposent de missiles qui peuvent toucher Téhéran.

Cependant, le problème des missiles est principalement leur prolifération parmi les acteurs non étatiques, car il est difficile de tenir les fournisseurs pour responsables. Nous l’avons constaté lors de l'attaque menée contre les installations pétrolières de Khurais et d'Aqbaiq en septembre 2019 en Arabie saoudite. Même si ces missiles semblaient provenir de l'Iran, non loin de la frontière avec l'Irak, la milice Houthie du Yémen a revendiqué l'attaque, ce qui a épargné à Téhéran d’en assumer la responsabilité.

Techniquement, l'Arabie saoudite est en guerre contre les Houthis et, par conséquent, le groupe attaquait son «ennemi». L'Iran ne serait pas tenté de tirer ouvertement des missiles sur l'Arabie saoudite ou Israël, puisqu'un tel comportement correspondrait à une déclaration de guerre dont l'agresseur, en l'occurrence Téhéran, devrait en assumer les conséquences.

Un accord sur les missiles balistiques doit impérativement comporter une clause relative à la prolifération des missiles parmi les acteurs non étatiques. Si l'accord est ratifié dans ces termes, on pourra aisément faire porter à l'Iran la responsabilité de tout incident comparable à celui d'Aqbaiq et de Khurais et déterminer la provenance des missiles. Cette mesure freinerait les menaces transfrontalières que posent les groupes non étatiques et restreindrait considérablement leur aptitude à déstabiliser les pays voisins. Ce pourrait être le premier pas vers le contrôle des acteurs non étatiques.

L'accord pourrait servir à contrôler et à limiter le soutien apporté à ces groupes d'acteurs non étatiques. Une fois cet objectif atteint, un climat de détente régnera entre les puissances régionales, ce qui permettra d'alléger de manière considérable les tensions qui pèsent sur la région.

 

Le Dr Dania Koleilat Khatib est une spécialiste des relations américano-arabes, et en particulier du lobbying. Elle est cofondatrice du Centre de recherche pour la coopération et la consolidation de la paix, une ONG libanaise. Elle est également chercheure affiliée à l’Institut Issam Fares pour les politiques publiques et les affaires internationales de l’université américaine de Beyrouth.

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur arabnews.com