L’avenir de l’Iran est entre les mains des femmes

Le 10 septembre 2021, une Iranienne circule à vélo dans la capitale du pays, Téhéran. (AFP)
Le 10 septembre 2021, une Iranienne circule à vélo dans la capitale du pays, Téhéran. (AFP)
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Publié le Lundi 20 septembre 2021

L’avenir de l’Iran est entre les mains des femmes

L’avenir de l’Iran est entre les mains des femmes
  • Les femmes jouent un rôle de premier plan et unique en son genre dans les groupes d’opposition au sein de la République islamique
  • La très mauvaise gestion des affaires économiques et sociales par le régime a généré un puissant ressentiment populaire

Alors que le régime iranien, ayant installé Ebrahim Raïssi à la présidence, s’apprête à faire face à plusieurs crises internes, il mène une autre bataille perdue d’avance, sur le plan local, contre une résistance croissante, une force d’opposition déterminée qui œuvre par tous les moyens à le renverser.

Cette bataille décisive déterminera l’avenir de l’Iran et, par conséquent, scellera le sort d’un Moyen-Orient actuellement menacé par l’extrémisme religieux du régime de Téhéran, sa milice, ses terroristes et ses groupes mandataires.

Depuis 2017, le régime a été ébranlé par au moins quatre grands soulèvements populaires qui ont tenté de combattre ses principes extrémistes. Au mois de novembre 2019, la répression de Téhéran aurait entraîné la mort de 1 500 manifestants dans les rues. À l’époque, les autorités – déstabilisées par le caractère organisé de ces mouvements de protestation – ont accusé le principal groupe d’opposition, Moudjahidine-e Khalq (Organisation des moudjahidines du peuple iranien, ou Ompi), d’en être le leader.

Le Guide Suprême, Ali Khamenei, a pointé un doigt accusateur en direction de cette organisation dans l’un de ses discours. Il a en effet déclaré: «Ces manifestations sont le résultat de plusieurs mois de préparation. Les médias du groupe Ompi l’ont eux-mêmes admis: ils ont récemment affirmé qu’ils étaient il y a quelques mois en contact avec les Américains pour exécuter leurs ordres en organisant des émeutes, en rencontrant telle ou telle autre personne et en recourant à l’aide de certains individus afin de faciliter leur déploiement au sein de la population. Ils ont avoué avoir initié ce mouvement de foule.»

Khamenei estime que l’opposition à son régime fait partie d’un «triangle d’ennemis» qui ont planifié, financé et mené le dernier soulèvement.

Alarmés par ces manifestations, Khamenei et sa garde prétorienne – le Corps des Gardiens de la révolution islamique – ont décidé de renforcer leur pouvoir et de recourir à la répression brutale pour étouffer la révolte.

C’est dans ce but qu’ils ont installé Raïssi à la présidence au mois de juin. Ce dernier – détesté en Iran en raison de son implication dans le massacre de 1988, qui a entraîné la mort de plus de 30 000 prisonniers politiques dont la plupart étaient des militants de l’opposition – a procédé à la nomination de fonctionnaires impitoyables, d’agents corrompus et de terroristes à la tête des différents ministères. Mais le groupe d’opposition a répliqué en augmentant la portée de sa campagne, déjà importante à l’intérieur de l’Iran.

 

«Des milliers d’unités de résistance et de petites équipes de militants continuent de commettre des actes qui défient le régime.»

Dr Majid Rafizadeh

Des milliers d’unités de résistance et de petites équipes de militants continuent de commettre des actes qui défient le régime afin d’encourager les soulèvements populaires et d’épuiser les forces répressives des mollahs. Cette semaine, le groupe Ompi a fêté son 57e anniversaire en beauté. Des milliers de membres ont organisé une grande session biennale en Albanie – dans le camp Ashraf-3 –, mais également à Berlin, Paris, Londres ainsi que dans d’autres grandes villes.

Un autre signe qui montre la stabilité et la force croissante de l’Ompi réside dans le fait qu’elle a organisé des élections internes. Zahra Merrikhi a ainsi été réélue secrétaire générale pour un nouveau mandat de deux ans. Les femmes jouent un rôle de premier plan et unique en son genre dans les groupes d’opposition au sein de la République islamique: le conseil central en compte 1 000. Un tiers d’entre elles étaient d’anciennes prisonnières politiques victimes d’atroces supplices aux mains des mollahs et des Gardiens de la révolution. Beaucoup sont des éléments extrêmement prometteurs.

La montée en puissance d’une nouvelle génération de militants au sein de l’opposition mérite l’attention des médias et des observateurs iraniens. Il s’agit notamment de cadres de troisième génération formés en Occident qui désirent transformer l’Iran en un pays moderne capable d’intégrer la communauté internationale en tant que partenaire constructif et d’apporter sa pierre à l’édifice.

Des femmes trentenaires ou quarantenaires, déterminées et hautement qualifiées, s’apprêtent à s’emparer des rênes. Pour de nombreux Iraniens, écœurés par quatre décennies d’un régime médiéval et misogyne instauré par les mollahs, voir les femmes prendre la tête du mouvement d’opposition constitue certainement une source de stimulation. L’Ompi a diffusé des dizaines de vidéos de femmes iraniennes qui se disent inspirées et plus résolues que jamais à renverser le régime.

Les militants et l’opposition iranienne apparaissent particulièrement décidés et optimistes au sujet de la chute du régime théocratique iranien. Sa très mauvaise gestion des affaires économiques et sociales a généré un puissant ressentiment populaire.

Selon les statistiques du régime, un tiers de la population vit désormais dans la pauvreté absolue. Selon l’opposition, la Covid-19 aurait entraîné la mort de près d’un demi-million de personnes, et seulement 5% de la population serait vaccinée. L’économie est au bord du gouffre et la théocratie radicale corrompue ne propose aucune solution.

Dans ces conditions, de plus en plus d’Iraniens orientent leurs efforts et leur attention vers la lutte contre le régime et la mise en place d’un gouvernement libre, inclusif et démocratique où les femmes sont amenées à jouer un rôle de premier plan. Cette perspective permettra de transformer le paysage politique iranien, ce qui est de bon augure dans cette région menacée par le régime de Téhéran et la résurgence des forces misogynes et fondamentalistes.

Le Dr Majid Rafizadeh est un politologue irano-américain formé à Harvard. Twitter: @Dr_Rafizadeh


NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com