Le fossé entre le régime iranien et le peuple se creuse

Des Iraniens manifestent contre une augmentation des prix du gaz, Téhéran, Iran, 16 novembre 2019. (Reuters)
Des Iraniens manifestent contre une augmentation des prix du gaz, Téhéran, Iran, 16 novembre 2019. (Reuters)
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Publié le Vendredi 12 novembre 2021

Le fossé entre le régime iranien et le peuple se creuse

Le fossé entre le régime iranien et le peuple se creuse
  • L'Iran semble prêt à reprendre les négociations à Vienne au cours du présent mois, mais la patience de la communauté internationale paraît à bout de souffle
  • Il ne suffit pas de faire pression sur le régime au pouvoir: il faut encore être lucide sur les options disponibles

L'Iran semble prêt à reprendre les négociations à Vienne au cours du présent mois, mais la patience de la communauté internationale paraît à bout de souffle, alors que la défiance nucléaire et le terrorisme régional du régime de Téhéran s'intensifient. Dans le même temps, des accusations crédibles selon lesquelles le président Ebrahim Raïssi aurait été impliqué dans le massacre de milliers de prisonniers politiques en 1988 rendent plus difficile pour d'autres pays le fait de s'engager et de négocier avec l'Iran.

Le régime fait face à une multitude de crises et de défis. L'économie est en ruine, la Covid-19 cause des ravages, le taux de chômage continue d'établir de nouveaux records et le taux d'inflation officiel est supérieur à50 %. La corruption de l'État se situe également à un niveau record et, pour ne rien arranger, le régime ne réduit pas ses dépenses astronomiques, qu’il consacre à ses projets nucléaires onéreux, à des missiles balistiques et à des drones.

Ce sont là les ingrédients essentiels pour qu’éclatent des troubles sociaux massifs, et le régime le sait. Il est terrifié par l’idée que se répètent les soulèvements de 2019, qui ont secoué tout le pays. La théocratie y a à peine survécu, après s’être pourtant livrée à un massacre sans précédent, abattant au moins 1 500 manifestants dans les rues en quelques jours.

La récente élection présidentielle, une véritable farce, a mis en relief le fossé qui s’approfondit entre le peuple iranien et le régime. Le Guide suprême, Ali Khamenei, a installé le président Raïssi et il a nommé un chef judiciaire tout aussi cruel dans le but de réprimer toutes les formes de dissidence et d'opposition à son régime, de plus en plus fragile.

Pour sa part, Raïssi a formé un cabinet composé de membres de l'appareil de sécurité, de la force Al-Qods et du Corps des gardiens de la révolution islamique, ce qui prouve que le régime redoute un nouveau soulèvement.

Cependant, les crises du régime sont si profondément enracinées que la justification de telles politiques est hautement discutable. La seule force des désastres socio-économiques et politiques créés par la théocratie semble capable d'induire sa chute. Presque tous les secteurs de la société réclament avec force toute une série de revendications et de griefs auxquels le régime ne peut pas répondre.

En outre, les appels à la poursuite internationale de Raïssi se sont rapidement multipliés. On pense que, en 1988, ce dernier était l'un des quatre membres de la prétendue «Commission de la mort», qui a ordonné l'exécution de plus de 30 000 opposants politiques. La majorité d’entre eux étaient membres du principal groupe d'opposition, le Conseil national de la résistance iranienne (CNRI). Le haut responsable de l'ONU chargé d'enquêter sur les violations des droits humains a évoqué à plusieurs reprises la nécessité d'une enquête internationale sur le rôle de Raïssi dans ce massacre odieux. Les meurtres de 1988 ont été définis comme un crime contre l'humanité et même comme un génocide par des experts et des avocats des droits de l'homme reconnus.

Alors que Téhéran se montre de plus en plus menaçant, la communauté internationale ne peut rester silencieuse. Plusieurs mesures immédiates peuvent être adoptées.

Tout d'abord, l'Union européenne et les États-Unis devraient braquer les projecteurs sur les violations des droits humains du président iranien, en particulier sur son rôle dans le massacre de 1988 et dans la répression des manifestants au mois de novembre 2019.

Ensuite, ces parties internationales doivent poursuivre Raïssi de manière concrète. Les preuves sont là, mais la volonté politique fait défaut.

Pour des milliers de députés et de militants des droits humains des deux côtés de l'Atlantique, la situation est claire. Un sommet de l'Iran libre s'est tenu à Washington la semaine dernière pour discuter de l'implication de Raïssi dans le massacre de 1988 et appeler les gouvernements à le poursuivre le plus rapidement possible. La présidente élue du CNRI, Maryam Radjavi, s'est jointe à une liste exceptionnelle d'anciens hauts responsables du gouvernement, parmi lesquels l'ancien vice-président américain Mike Pence, pour prendre la parole au cours de ce sommet.

«Le changement de régime en Iran par le peuple iranien et sa résistance est inévitable, et rien ne peut l'empêcher. Il est temps que le monde reconnaisse également ce fait. Le peuple iranien espère que les gouvernements – y compris les administrations américaine et européenne – révisent leur politique à l'égard de l'Iran et se rangent du côté du peuple iranien», déclare le leader dissident.

 

La seule force des désastres socio-économiques et politiques créés par la théocratie semble capable d'induire sa chute.

Dr Majid Rafizadeh

 

Cette conférence, qui s’est déroulée après le sommet du G20, a réuni environ mille membres de la communauté irano-américaine. Dans son discours, Pence a souligné un point important, qui pourrait bien constituer le fondement de la troisième étape que la communauté internationale est appelée à franchir. «L'un des plus gros mensonges que le régime au pouvoir a vendu au monde est qu'il n'y a pas d'alternative au statu quo. Mais il y en a une, qui est bien organisée, entièrement préparée, et qui bénéficie du soutien de la population», déclare Pence, faisant référence au CNRI.

Cette déclaration revêt une importance politique énorme. Il ne suffit pas de faire pression sur le régime au pouvoir: il faut encore être lucide sur les options disponibles. L'opposition à la théocratie ne doit pas être ignorée.

Nous le voyons, le peuple iranien rejette massivement le régime. La communauté internationale doit s'aligner sur ce mouvement d'importance historique. Alors que le capital politique et stratégique du régime continue de s'épuiser, le monde doit apprendre, le plus tôt possible, à se tenir aux côtés du peuple iranien.

Le Dr Majid Rafizadeh est un politologue irano-américain formé à Harvard.

TWITTER : @Dr_Rafizadeh

NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com