Loin de s’atténuer, le problème de la Palestine s’aggrave

Le ministre de la Défense, Naftali Bennett, et le Premier ministre, Benjamin Netanyahou, visitent une base de l’armée israélienne sur le plateau du Golan, à la frontière israélo-syrienne, le 24 novembre 2019. (Photo, AP)
Le ministre de la Défense, Naftali Bennett, et le Premier ministre, Benjamin Netanyahou, visitent une base de l’armée israélienne sur le plateau du Golan, à la frontière israélo-syrienne, le 24 novembre 2019. (Photo, AP)
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Publié le Dimanche 12 décembre 2021

Loin de s’atténuer, le problème de la Palestine s’aggrave

Loin de s’atténuer, le problème de la Palestine s’aggrave
  • Naftali Bennett est déterminé à mettre fin au conflit, en utilisant la force et les mesures coercitives pour imposer un fait accompli
  • Des pressions doivent être exercées sur toutes les parties en vue de mettre fin aux violations, notamment les projets de colonisation apocalyptiques

Dwight Eisenhower, ancien président américain, a dit un jour: «Si un problème ne peut être résolu, élargissez-le.» Si vous placez un défi dans un contexte plus large, des possibilités sont susceptibles de se présenter. Dwight Eisenhower, qui commandait les forces alliées en Europe pendant la Seconde Guerre mondiale, n’était pas avare de stratégies; mais l’inverse peut-il aussi fonctionner? Si un problème est atténué, devient-il plus difficile à résoudre?

Tel est le principe directeur de la stratégie israélienne à l’égard des Palestiniens depuis des décennies. Les stratèges israéliens veulent faire de la question palestinienne une petite difficulté locale, une question de droits des minorités. Chaque fois qu’un parti souhaite élargir le problème, ou l’internationaliser, les hasbaristes israéliens anti-Arabes, ou propagandistes, interviennent pour se plaindre.

Initialement, la stratégie israélienne, et même américaine, consistait à écarter les États arabes de la cause palestinienne. De 1967 à 1993, la politique israélienne n’a jamais été de négocier avec les Palestiniens, mais uniquement avec les États arabes dans la mesure du possible. L’administration Trump a repris cette position, fermant le bureau de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) à Washington. Jared Kushner, alors conseiller principal de Donald Trump, proclame alors que les Palestiniens ne sont pas prêts à se gouverner eux-mêmes.

Pour Israël, à mesure que les pays arabes cessaient de soutenir activement le mouvement national palestinien, les Palestiniens leur posaient de moins en moins de problèmes. Les guerres de 1991 et de 2003, alimentées par Israël, ont exclu l’Irak de l’équation. Les accords d’Abraham ont conduit à des tensions entre l’OLP et d’autres États arabes.

Dans les années 1970, une certaine autonomie devait être accordée aux Palestiniens, conformément aux accords de Camp David avec l’Égypte. Il s'agissait d'une autonomie fonctionnelle plutôt que territoriale, afin que les Palestiniens puissent gérer leur propre éducation et santé, mais sans pour autant disposer d’un quelconque contrôle souverain sur la terre et ses ressources. Même à l’époque, le Premier ministre israélien, Menahem Begin, s’y était fortement opposé et il avait mis fin au plan avec l’invasion du Liban en 1982.

Pourtant, tout cela est réapparu lors des pourparlers de Madrid et, finalement, dans les accords d’Oslo où il n’était nullement fait allusion ni à un État palestinien ni à l'autodétermination palestinienne. Une fois de plus, l’extrême droite s’y était opposée, affirmant que cela était trop.

Il en est de même sous le Premier ministre, Naftali Bennett. C’est simplement le modèle reconditionné que M. Begin a adopté. M. Bennett a toujours cru que la question palestinienne pouvait simplement s’évaporer comme par magie. Il a mené toute une campagne électorale sur ce qu’il a appelé sa «stratégie de détente». En résumé, Naftali Bennett pense qu’Israël peut simplement s’emparer de Jérusalem, élargir les colonies et maintenir les Palestiniens enfermés dans leurs espaces de plus en plus réduits, pendant que la communauté internationale se contente de publier des communiqués tout faits pour exprimer son inquiétude.

Naftali Bennett résume cette situation par l’expression erronée de «réduction du conflit». Soyons très clairs, le conflit n’a pas du tout été atténué. Les Palestiniens ne vont nulle part. Les efforts extraordinaires déployés par la société civile palestinienne à Jérusalem en mai dernier montrent que les jeunes ne baisseront pas les bras de sitôt. Le peuple de Gaza n’abandonnera pas, tandis que le Hamas cherchera à augmenter encore plus la puissance de son arsenal de missiles. Les Palestiniens veulent recouvrer leurs droits, pas quelques dollars de plus ou un simple permis qu’Israël délivre selon son humeur.

M. Bennett est déterminé à mettre fin au conflit, en utilisant la force et les mesures coercitives pour imposer un fait accompli. L’Autorité palestinienne perd en crédibilité et épuise ses fonds en essayant de tenir bon. Si elle s’effondre – sachant que cela est possible – l’instabilité et l’insécurité atteindront de nouveaux sommets.

Ce n’est qu’aux yeux de la droite israélienne que le conflit s’amenuise. Pour elle, plus les territoires Palestiniens sont réduits, mieux c’est. Naftali Bennett élargit de facto le territoire israélien, comme l’ont fait tous les Premiers ministres depuis 1967. Il fait part d’annonces de colonies massives, de grands programmes de dépossession forcée à Jérusalem et dans les collines du sud d’Hébron, et d’une répression contre le groupe le plus efficace et le plus fonctionnel du système politique palestinien: la société civile.

Le grand projet E1 (E1 – abréviation de «East 1» – fait référence à la désignation par Israël d’un projet de colonisation sur une zone de 12 km2 entre Jérusalem-Est et la colonie illégale de Maale Adumim) progresse, alors que même ses prédécesseurs bellicistes s’y sont opposés. Il permettra de rompre le contact entre Jérusalem et la Cisjordanie. La colonie de Givat Hamatos séparera Jérusalem de l’arrière-pays de Bethléem et de la partie sud de la Cisjordanie. Seule une intervention du président américain, Joe Biden, a apparemment ralenti le processus d’approbation du plan de la colonisation d’Atarot, de la taille d’une ville entière, qui séparera davantage Jérusalem du sud de Ramallah.

Attiser les conflits est de rigueur. Les marches «Mort aux Arabes» en avril et mai se sont déroulées sans conséquence. Les colons israéliens, partisans de la ligne dure, ont compris le message, intensifiant leurs attaques violentes sanctionnées par l’État, qui, selon la plupart des définitions, seraient considérées comme terroristes. Naftali Bennett n’a rien fait pour les arrêter. Les colons mettent en place le contexte adéquat pour que les Palestiniens fuient leurs zones agricoles rurales vers des villes palestiniennes de plus en plus surpeuplées.

Les commentateurs anti-Arabes félicitent M. Bennett pour avoir abandonné sa ferveur idéologique en faveur d’une approche plus pragmatique. Il n’en est rien. Ses actions sont conformes à ses racines d’extrême droite procolonisation, tandis que le pragmatisme ne sert qu’à garder unie son étrange coalition. La question que les gens devraient se poser est de savoir pourquoi les partis de centre et de gauche se mobilisent si peu pour mettre un terme à tout cela, avec le soupçon alarmant que le fait de se maintenir au pouvoir a pris le dessus sur les principes et la gouvernance responsable.

Prolonger le conflit est quelque chose que Naftali Bennett se réjouit de faire – tout comme Benjamin Netanyahou et Ariel Sharon avant lui. Israël joue toujours sur le long terme. D’abord, le pays ne précipite jamais les négociations s’il y en a. Ensuite, les dirigeants sont généralement heureux de laisser traîner les choses. C’est l’une des raisons pour lesquelles il y a eu dix cycles de pourparlers à Madrid en vingt mois. M. Bennett était impatient de confirmer que sa coalition ne disposait pas de mandat pour les négociations, car c’est la dernière chose qu’il veut.
 

«Naftali Bennett pense qu’Israël peut simplement s’emparer de Jérusalem, élargir les colonies et maintenir les Palestiniens enfermés dans leurs espaces de plus en plus réduits.»

Chris Doyle

La communauté internationale devrait arrêter de jouer le jeu de Naftali Bennett. Le conflit est plus susceptible d’exploser que de s’atténuer. Israël a essayé de réduire l’espace diplomatique à un différend local. Les acteurs internationaux responsables doivent inverser cette tendance. Ils peuvent le faire en affirmant la primauté du droit international, conformément aux résolutions 242 et 2344 du Conseil de sécurité de l’Organisation des nations unies (ONU), comme fondements pour trouver une solution. En travaillant ensemble, des pressions doivent être exercées sur toutes les parties en vue de mettre fin aux violations, notamment les projets de colonisation apocalyptiques, faute de quoi il devrait y avoir des conséquences.

Plus encore, il faudrait réaffirmer les principes fondamentaux d’une résolution qui mettrait fin à l’occupation israélienne.

Il s’agit d’un conflit international majeur et il est clairement dans l’intérêt de la communauté mondiale d’y mettre un terme. Comme pour tous les autres conflits au Moyen-Orient, le laisser s’aggraver ne fait qu’exacerber les dangers qui l’accompagnent.

Chris Doyle est le directeur du Council for Arab-British Understanding, situé à Londres.

Twitter: @Doylech

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com