PARIS : Le porte-parole du gouvernement a « démenti formellement » mercredi l'information de Mediapart sur une intervention de l'Elysée dans le rachat de Suez par Veolia, face à l'opposition et aux syndicats qui exigent « la lumière » sur cette affaire.
« Je démens formellement, c'est totalement faux, le secrétaire général de l'Élysée n'est pas intervenu », a assuré le porte-parole, Gabriel Attal, lors du compte-rendu du conseil des ministres, interrogé sur les conditions dans lesquelles l'énergéticien Engie a décidé lundi de vendre ses parts de Suez à Veolia.
Selon Mediapart, le secrétaire général de l'Elysée, Alexis Kohler, aurait appelé les deux représentants de la CFDT au conseil d'administration d'Engie pour leur demander de ne pas prendre part au vote qui a donné le feu vert à la vente des actions, malgré l'opposition de deux représentants de l'Etat.
M. Attal a réitéré les propos tenus la veille par le Premier ministre Jean Castex à l'Assemblée nationale: « la ligne du gouvernement sur ce dossier (est) la question de l'emploi et de la souveraineté » et « ce rapprochement doit se faire à l'amiable: c'est la position que les représentants de l'État ont défendue dans le cadre du conseil d'administration d'Engie lundi soir par leur vote contre ».
Commission d'enquête ?
Les révélations de Mediapart ont suscité de fortes réactions de l'opposition, à l'image de Jean-Luc Mélenchon qui a exigé « la vérité et la punition des comploteurs » sur Twitter.
Sur Franceinfo, le numéro deux de LFI, Adrien Quatennens, a quant à lui réclamé une commission d'enquête.
« Nous, nous allons nous en donner les moyens, y compris indépendamment s'il le faut à la France insoumise, d'une commission d'enquête », a-t-il expliqué. « Nous avons besoin de lumière dans cette affaire », a-t-il affirmé, soulignant que si les informations de Mediapart s'avéraient exactes « l'affaire Benalla à côté, c'est du pipi de chat ».
« Je ne suis pas sûre qu'une commission d'enquête soit la bonne cartouche », a toutefois affirmé la présidente de la commission des Affaires économiques du Sénat, Sophie Primas (LR). A ce stade, elle envisage plutôt des « auditions » des acteurs concernés.
La cheffe de file socialiste à l'Assemblée Valérie Rabault a dénoncé une « humiliation » pour l'Etat, qui détient environ 22% du capital d'Engie et qui n'a pas été en mesure d'empêcher le feu vert du conseil d'administration à la vente à Veolia de sa participation de 29,9% chez Suez pour 3,4 milliards d'euros.
Sur les révélations de Mediapart, en revanche, elle a dit avoir « du mal à croire à cette hypothèse, parce que organiser son impuissance est un double aveu d'impuissance (...). Cela serait un vrai sabordage ».
Une source proche du dossier s'est également dite surprise qu'une « personne aussi haut placée que M. Kohler ait téléphoné directement aux deux représentants de la CFDT ».
Elle opte pour un scénario distinct: le président d'Engie, Jean-Pierre Clamadieu, « n'aurait pas eu confiance sur le vote favorable de l'administrateur de la CFE-CGC et aurait cherché à sécuriser le résultat en demandant aux deux représentants de la CFDT de quitter la réunion ».
Philippe Portier, secrétaire national de la CFDT, a assuré que son secrétaire général Laurent Berger « n'a pas contacté les (deux) admninistrateurs ni par écrit, ni par oral ».
« La confédération n'intervient pas dans ce qui relève du rôle des fédérations », a-t-il ajouté.
Sur Twitter, le député (LR) Olivier Marleix, qui avait présidé la commission d'enquête sur la vente de la branche énergie d'Alstom à General Electric (GE) en 2014, a accusé l'Etat d'avoir « organisé lui-même cette pantalonnade ».
« Il était évidemment favorable à l'opération sinon elle n'aurait pas été votée », a ajouté celui qui a saisi le parquet de Paris il y a deux ans sur les circonstances de la vente d'Alstom à GE, soupçonnant un « pacte de corruption ».
Du côté des représentants du personnel, l'intersyndicale de Suez a dénoncé « un scandale d'Etat » et demandé « l'annulation de la délibération du conseil d'administration d'Engie ».
Lundi soir, le conseil d'administration d'Engie, actionnaire principal de Suez, a décidé d'accepter l'offre de Veolia, qui expirait à minuit, et de lui vendre l'essentiel de ses parts dans son concurrent Suez pour 3,4 milliards d'euros, passant outre l'opposition de l'Etat, qui possède 23,6% d'Engie.