Les populations doivent s'adapter alors que l'Europe affronte un avenir marqué par la sécheresse

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Publié le Jeudi 18 août 2022

Les populations doivent s'adapter alors que l'Europe affronte un avenir marqué par la sécheresse

Les populations doivent s'adapter alors que l'Europe affronte un avenir marqué par la sécheresse
  • Un éminent climatosceptique britannique est allé jusqu'à attribuer à la récolte des champs de blé les images satellites beiges et sombres de son pays sinistré
  • La sécheresse a annihilé le cours des plus grands fleuves d'Europe, notamment le Rhin, la Loire, le Pô, la Tamise et le Danube

Une Europe dont la moitié du territoire est menacée par la sécheresse a de quoi laisser pantois les visiteurs venus cet été des zones sèches du Moyen-Orient. Les images satellite montrent des paysages désertiques qui envahissent de vastes étendues de l'Europe. Même les terres habituellement vertes et plaisantes qui parsèment l'Angleterre ont perdu leur couleur verdoyante: elles sont désormais d'un brun paille. L'eau potable fait défaut dans une centaine de villages français. Les prévisions sont pessimistes.

Ceux qui nient la réalité du changement climatique sont nombreux. Certains sont tout simplement insensibles aux arguments et à la raison. Un éminent climatosceptique britannique est allé jusqu'à attribuer à la récolte des champs de blé les images satellites beiges et sombres de son pays sinistré. Ces opinions ne méritent pas d'être prises en compte; il est nécessaire d’adopter c'est une approche scientifique et stratégique.

Le changement climatique a rendu la canicule dix fois plus probable au Royaume-Uni, estiment les experts. De fait, les sécheresses deviendront de plus en plus fréquentes.

Dans ce pays, le mercure est une nouvelle fois monté plus haut qu’aux îles Caraïbes. La canicule a battu tous les records de température le mois dernier et de nombreuses régions ont vécu le mois de juillet le plus sec de leur histoire.

Le Royaume-Uni est peu habitué aux incendies qui ravagent les forêts de Californie ou d'Europe du Sud. En effet, son climat n'a jamais été aussi sec qu'il ne l'est actuellement. Le comté de Gloucestershire a été frappé par trente-quatre incendies de terres agricoles cet été, contre deux l'année dernière. Les incendies font rage en Espagne, au Portugal, en Grèce, en Croatie et dans d'autres pays encore. Rappelons également que les pays nordiques ont été ravagés par des incendies de forêt ces dernières années.

Le sud-ouest de la France vit un véritable enfer; là, la sécheresse atteint des sommets inégalés. Cette situation a contraint le pays à solliciter de l'aide. Des pompiers sont donc venus d'Allemagne, de Roumanie, de Pologne et d'Autriche.

La sécheresse a annihilé le cours des plus grands fleuves d'Europe, notamment le Rhin, la Loire, le Pô, la Tamise et le Danube. Il est désormais possible, dans certaines zones, de traverser la Loire à pied. Il s'agit là d'une autre menace à long terme. Ainsi, les glaciers des Alpes fournissent de moins en moins d'eau aux rivières.

La température de l'eau des rivières a également atteint un niveau trop élevé dans certaines régions, ce qui ne permet pas de l'utiliser pour refroidir les centrales électriques. La Loire contribue à elle seule au refroidissement de douze centrales nucléaires. Ces températures accrues peuvent en outre compromettre les stocks de poissons: les niveaux d'oxygène diminuent dans les eaux plus chaudes. Moins d'eau entraîne par ailleurs une plus grande concentration de polluants.

Le changement climatique a rendu la canicule dix fois plus probable.

Chris Doyle

Le niveau d'eau dans le Rhin est si faible qu'il perturbe la navigation. On risque d'assister à une sécheresse similaire à celle qui a interrompu le transport de marchandises en 2018. Les navires de fret sont contraints de réduire le poids de leur chargement, ce qui accroît les coûts de transport. En raison de la guerre en Ukraine et du bannissement du gaz russe qui s'en est suivi, de grandes quantités de charbon transitent désormais par le Rhin; le système de navigation pâtit d’une pression supplémentaire.

Le Pô est le plus long fleuve d'Italie; il s'étend de Turin à Venise. On peut désormais s'y promener librement le soir et le lit du fleuve est visible. Certains trésors ont ainsi été mis au jour, notamment des vestiges qui datent de la Seconde Guerre mondiale, comme un char allemand. À Rome, un pont de l'époque de l'empereur Néron a surgi des eaux de moins en moins abondantes du Tibre.

En effet, l’Italie connaît la pire sécheresse de ces dernières décennies. La vallée du Pô représente la principale source de production de riz en Italie. La sécheresse risque de réduire cette production de 60%.

Les réservoirs du sud de l'Espagne se tarissent, tout comme les eaux souterraines. L'organisation Greenpeace estime que 74% du pays court le risque d’une désertification.

Les dégâts immédiats sont effrayants: les récoltes diminueront en volume et les agriculteurs se plaignent de récoltes malingres qui courent le risque de ne plus répondre aux exigences imposées par les supermarchés en matière de taille. N'oublions pas que l'agriculture pâtit déjà des coûts plus élevés des intrants et de l'énergie. Au Royaume-Uni, le Brexit a exacerbé cette situation et les coûts ont augmenté de quelque 23,5% au cours des douze derniers mois. Les éleveurs sont contraints de se servir dès maintenant des matières premières destinées à l'alimentation des animaux pendant la période hivernale.

Notre planète s'efforce de transmettre un message au monde entier à la veille de la conférence sur le changement climatique (COP27) qui se tiendra en novembre en Égypte, plus précisément à Charm el-Cheikh. Il reste à savoir si ce message est parvenu aux oreilles des principaux dirigeants. Ont-ils des projets concrets ou réagissent-ils simplement aux crises qui se succèdent?

Les États européens et les autres pays du monde sont-ils suffisamment préparés pour affronter ces sécheresses croissantes et les canicules qui s'intensifient? Parmi toutes les catastrophes environnementales, les sécheresses sont celles qui ont les conséquences les plus lourdes. Elles sont sans doute moins spectaculaires que les ouragans, par exemple, mais elles produisent des impacts à long terme qui ne bénéficient pas de l'attention qu'ils méritent. Les habitants des villes font abstraction des risques de sécheresse tant que l'eau continue de couler de leur robinet.

Il est donc nécessaire d'élaborer des stratégies relatives à l'eau aux niveaux national et régional. Ces dernières doivent se concentrer sur l'impact probable du changement climatique. Les autorités et les entreprises chargées de la gestion de l'eau sont tenues de trouver des solutions susceptibles de résoudre le problème de l'offre, mais aussi celui de la demande. Une quantité trop importante d'eau continue d'être gaspillée en raison des fuites; ce volume s'élève à 42% en Italie. Il faut donc investir dans l'amélioration du stockage de l'eau en hiver et dans la construction de digues pour lutter contre les inondations.

En ce qui concerne l'exploitation des terres, les solutions doivent prendre en compte l’évolution à long terme. Il faut apprendre aux gens à utiliser des techniques d'irrigation plus ciblées afin de réduire la consommation d'eau dans l'agriculture et les jardins. L'Union européenne a exhorté les États à réutiliser les eaux usées urbaines traitées dans l'irrigation des cultures. Mais on ignore dans quelle mesure ces pays sont en mesure de le faire. Les systèmes d'alerte précoce sont-ils réellement en place et les appels à restreindre la consommation d'eau sont-ils lancés à temps? On constate que des systèmes de surveillance améliorés sont mis au point, notamment dans les pays plus arides d'Europe du Sud. Il faudrait probablement les déployer ailleurs. Il convient également d'éduquer la population à l'utilisation de l'eau.

Les populations qui vivent dans les régions autrefois relativement riches en eau doivent en effet s'adapter et changer de comportement. Elles doivent considérer l'eau comme une ressource vitale. Inciter les individus et les entreprises à abandonner leurs anciennes habitudes constitue sans doute l'un des défis les plus complexes auxquels l'humanité s’est trouvée confrontée. Mais avons-nous le choix?

 

Chris Doyle est directeur du Conseil pour la compréhension arabo-britannique (Caabu), situé à Londres.

Twitter: @Doylech

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com