De Doha au monde entier : La Coupe du monde réconcilie les peuples et les nations

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Publié le Mardi 29 novembre 2022

De Doha au monde entier : La Coupe du monde réconcilie les peuples et les nations

De Doha au monde entier : La Coupe du monde réconcilie les peuples et les nations
  • Le Qatar, petit pays péninsulaire du Golfe, devient le tout premier pays arabe, musulman et du Moyen-Orient à accueillir le plus grand événement sportif du monde
  • ​​​​​​​L'émir qatari a décrit ce Mondial comme un événement susceptible d'unir les peuples du monde entier

Dimanche dernier, l’édition de 2022 de la Coupe du monde de la FIFA a officiellement débuté lorsque l'arbitre italien Daniele Orsato a donné le coup d'envoi du match entre le pays hôte, le Qatar, et l'Équateur au stade Al-Bayt. Ce coup de sifflet a incontestablement transformé le Qatar.

L'histoire retiendra l'organisation de la Coupe du monde par le Qatar pour plusieurs raisons. En effet, ce Mondial compte plusieurs précédents après 92 ans de compétition. Le Qatar, petit pays péninsulaire du Golfe, devient le tout premier pays arabe, musulman et du Moyen-Orient à accueillir le plus grand événement sportif du monde. En outre, en raison du climat chaud du Qatar, le calendrier estival traditionnel de la Coupe du monde a été déplacé en hiver pour la première fois. La Coupe du monde du Qatar a également été bénéfique pour la région puisqu’elle a permis de mettre en valeur le patrimoine, la culture et l'identité arabes. La cérémonie d'ouverture, symbolique et raffinée, a mis en valeur la créativité arabe.

Ce méga-événement entre également dans l'histoire puisqu'il s'agira de la première Coupe du monde masculine à compter des officiels féminins. La Japonaise Yoshimi Yamashita, la Française Stéphanie Frappart et la Rwandaise Salima Mukansanga sont en passe de devenir les premières femmes à arbitrer des matches lors de l'événement, tandis que trois autres femmes les accompagneront en tant qu'arbitres assistantes.

Depuis qu'il a remporté l'appel d'offres pour l'organisation de la 22ème édition de la Coupe du monde de football, en 2010, le Qatar a passé les 12 dernières années à se préparer à accueillir ce grand événement mondial. Le pays a déboursé plus de 200 milliards de dollars pour moderniser les infrastructures et les conditions de vie du pays. Si cette Coupe du monde a suscité des controverses, visant en grande partie le pays hôte, l'organisation méticuleuse et bien calculée dans les stades et les fan zones, ainsi qu'au niveau des transports et de l'aéroport, a donné tort aux détracteurs.

Outre les préparatifs matériels, la préparation psychologique à cet événement auprès des 3 millions d'habitants du Qatar a été remarquable. Les habitants du pays, dont je fais partie, attendaient cet événement avec un mélange d’enthousiasme et d’appréhension. Ils ont attendu si longtemps qu'ils n'arrivent pas à croire que ce grand rêve – impossible pour certains – est devenu réalité. Le métro, les rues et les stades sont bondés de personnes brandissant leur drapeau et entonnant des chants de supporters.

Les dirigeants des pays du Golfe ont salué les efforts du Qatar et ont pleinement soutenu leur voisin.

Sinem CENGIZ

La Coupe du monde rassemble des personnes de cultures et de langues différentes. Cet événement a donc également joué un rôle important dans la réconciliation des États et des nations. L'une des scènes les plus intéressantes a été la rencontre entre le président turc Recep Tayyip Erdogan et le président égyptien Abdel Fattah El-Sisi, qui se sont serré la main avec enthousiasme en marge de la cérémonie d'ouverture, symbole rare du dégel des liens entre les deux pays. La photo joviale des deux dirigeants était clairement le résultat de la médiation menée par l'émir qatari Cheikh Tamim bin Hamad Al-Thani. Misant sur la diplomatie sportive, le Qatar a profité de la Coupe du monde pour jouer le rôle de médiateur entre les dirigeants turcs et égyptiens. Depuis des années, la médiation est un outil d’influence dans l'inventaire diplomatique du Qatar.

L'émir qatari a décrit ce Mondial comme un événement susceptible d'unir les peuples du monde entier. Cet appel a été bien accueilli par les dirigeants des pays du Golfe, qui ont salué les efforts du Qatar et pleinement soutenu leur voisin. La semaine dernière, le prince héritier saoudien Mohammed bin Salman a ordonné à tous les ministères et organismes gouvernementaux du Royaume « de fournir tout soutien ou toute installation supplémentaire dont le Qatar aurait besoin » afin de soutenir ses efforts pour accueillir avec succès la Coupe du monde.

Le tournoi a également servi à consolider de manière significative l'unité et la solidarité du Golfe. En effet, les images du prince héritier s'enveloppant d'un drapeau qatari lors du match Qatar-Équateur et celles du cheikh Tamim portant un drapeau saoudien autour du cou lors du match du Royaume contre l'Argentine figureront parmi les plus importantes de la Coupe du monde. L'Arabie saoudite est entrée dans l'histoire en battant les géants argentins du football à 2 buts contre 1 devant plus de 80 000 supporters. Selon le groupe de données sportives Gracenote, il s'agit de la plus grande surprise de l'histoire de la Coupe du monde.

Un arabophone présent lors du match a fait une déclaration importante : « Cette victoire n’est pas uniquement celle des Saoudiens, mais aussi celle des Qataris, des Bahreïnis, des Émiratis, des Koweïtiens, des Omanais et de l'ensemble du monde arabe ». L’enthousiasme des supporters qataris célébrant la victoire avec les supporters saoudiens à l'extérieur du stade Lusail valait le détour. Accueillir la Coupe du monde n'est pas seulement une réussite qatarie, mais une réussite pour toute la région ; dans le même ordre d'idées, la victoire saoudienne était celle de tous les Arabes. À travers cet événement, le Qatar tente de rendre le monde « fier du Moyen-Orient ». Ce sentiment a motivé les habitants du Golfe à soutenir cet événement sportif mondial, malgré toutes les critiques occidentales.

Enfin, il convient de mentionner la position de l'équipe iranienne à la Coupe du monde. Avant même qu'un ballon ne soit botté lors du match d'ouverture contre l'Angleterre, lundi, les joueurs ont fait une déclaration forte. Le refus de l'équipe d’entonner l'hymne national au stade international Khalifa, alors que les manifestations dans leur pays d'origine entraient dans leur deuxième mois, était un signe important de solidarité avec ceux qui manifestent dans la rue depuis la mort de Mahsa Amini.

Comme on le dit souvent, le football n'est pas qu’un sport. C'est plus qu'une simple forme de divertissement. La Coupe du monde en cours en est sans doute la plus belle preuve.

 

Sinem Cengiz est une analyste politique turque spécialisée dans les relations de la Turquie avec le Moyen-Orient. Twitter : @SinemCNGZ 

 

NDLR : L’opinion exprimée dans cette section est celle de l’auteur et ne reflète pas nécessairement le point de vue d'Arab News en français.

 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com