Dans le sillage de la catastrophe en Turquie et en Syrie, la souffrance

La Turquie et la Syrie ont été touchées par des tremblements de terre massifs qui ont fait plus de 33000 morts (Photo, AFP).
La Turquie et la Syrie ont été touchées par des tremblements de terre massifs qui ont fait plus de 33000 morts (Photo, AFP).
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Publié le Lundi 13 février 2023

Dans le sillage de la catastrophe en Turquie et en Syrie, la souffrance

Dans le sillage de la catastrophe en Turquie et en Syrie, la souffrance
  • Les histoires d’enfants qui sont morts (...) m’ont rappelé les terribles souvenirs du tremblement de terre du 17 août 1999
  • Le nombre effrayant de personnes ayant perdu la vie devrait encore augmenter et les blessures, tant mentales que physiques, risquent de perdurer pendant des décennies

C’est avec beaucoup de peine et de désespoir que j’écris cet article, après avoir appris, à mon réveil, la nouvelle catastrophique des tremblements de terre massifs qui ont touché mon pays et ses voisins. Lundi à l’aube, juste avant le lever du soleil, un grand séisme d’une magnitude de 7,8 a secoué le sud de la Turquie et le nord-ouest de la Syrie.

Le jour même, un autre séisme, d’une magnitude de 7,5, s’est produit en début d’après-midi.
La Turquie est confrontée à un immense défi, étant donné que ces tremblements de terre dévastateurs sont parmi les plus meurtriers de l’histoire récente du pays, faisant des milliers de morts.

Les survivants, quant à eux, luttent pour garder espoir dans des conditions climatiques glaciales. Les catastrophes naturelles se produisent aux moments les plus inattendus et causent non seulement une douleur et une misère immenses, mais laissent aussi des traces permanentes dans la mémoire de ceux qui ont survécu.

Les derniers séismes ont ravivé le traumatisme collectif causé par le tremblement de terre de 1999 dans le nord-ouest de la Turquie, qui avait fait 17 000 morts et détruit des milliers de bâtiments.

Le 17 août 1999, à 3h02, j’ai vécu le tremblement de terre catastrophique alors que je me trouvais au cinquième étage d’un immeuble à Bursa, ville très proche de l’épicentre. Étant une enfant qui n’avait jamais entendu le mot «tremblement de terre» auparavant, je n’arrivais pas à comprendre ce qui se passait. J’étais terrifiée par la panique autour de moi et j’attendais anxieusement mes parents qui m’avaient laissée chez mon oncle ce soir-là. Pendant des jours, comme tout le monde, nous ne pouvions pas rentrer chez nous, alors nous avons dormi dans nos voitures ou à l’extérieur de nos immeubles. Ce sont des jours dont nous ne voulions plus jamais nous souvenir.

Les scènes de poussière flottante, de bâtiments effondrés et de désespoir humain observées à la suite des tremblements de terre de lundi m’ont énormément touchée, mais les histoires d’enfants qui sont morts ou qui ont été secourus m’ont frappée davantage. Elles m’ont rappelé les terribles souvenirs d’il y a vingt-quatre ans. Le 17 août 1999 était une date de dévastation pour la Turquie qui a provoqué de grandes pertes personnelles et matérielles. Cependant, le 6 février 2023 a causé un chagrin encore plus grand, non seulement pour les Turcs mais aussi pour les Syriens, donnant aux deux nations le sentiment d’un destin partagé.

L’histoire nous a montré à maintes reprises que les luttes communes menées à la suite de catastrophes naturelles comme les tremblements de terre peuvent panser bien des blessures

Les deux pays s’efforcent de répondre à ce tremblement de terre historique, même si l’ampleur de la catastrophe ne sera pas connue de sitôt. Des équipes de secours venues de l’étranger sont déjà déployées dans les villes touchées de Turquie, avec un soutien international considérable, tant matériel que moral. Il est vital que ce soutien se poursuive dans les semaines à venir, alors que le pays tente de surmonter les coûts matériels et psychologiques de la catastrophe.

L’histoire nous a montré à maintes reprises que les luttes communes menées à la suite de catastrophes naturelles comme les tremblements de terre peuvent panser bien des blessures. Des messages de sympathie et de soutien provenant de toute la région ont créé un sentiment de solidarité si nécessaire durant cette période. Cela m’a rappelé les célèbres paroles de Léon Tolstoï: «Si vous ressentez de la douleur, vous êtes vivant, si vous ressentez la douleur des autres, vous êtes humain.»

Nous ne devons pas uniquement ressentir la douleur des Turcs, mais aussi celle des Syriens. La situation de l’autre côté de la frontière, en Syrie, est aussi désastreuse et accablante. Les Syriens souffrent depuis onze ans d’une guerre ininterrompue et se retrouvent aujourd’hui sans logement, même temporaire. Leur situation est décrite par l’International Rescue Committee comme «une crise dans de multiples crises».

Les catastrophes naturelles sont toujours un test pour les nations, mais les pays tirent-ils des leçons de ces événements ? Aucun pays du monde n’est à l’abri des catastrophes, qu’il s’agisse de tremblements de terre, d’inondations ou de tornades. La Turquie est l’un des pays les plus sismiquement actifs et elle est exposée à un risque élevé d’événements traumatisants, qu’ils soient d’origine naturelle ou humaine.

Après le tremblement de terre de 1999, les Turcs ont remis en question des institutions qu’ils n’avaient jamais remis en question auparavant et ont demandé que les changements nécessaires soient apportés pour éviter que la catastrophe ne se reproduise. À l’époque, les autorités ont promis de modifier les pratiques du pays en matière de construction, d’instaurer de nouvelles règles de construction et de rendre obligatoire l’assurance contre les séismes pour tous les bâtiments.

Bien que les experts affirment qu’il est trop tôt pour estimer les pertes à ce stade, les premières informations indiquent que les tremblements de terre récents sont bien pires que celui de 1999. Cette catastrophe déchirante nous a montré que quelque chose ne tourne pas rond dans la manière dont le pays aborde les tremblements de terre ou s’y prépare. Cela fait des années que les experts réclament une stratégie cohérente pour éviter les catastrophes, avertissant que les règles ne sont pas suivies assez strictement. Cependant, leurs appels sont tombés dans l’oreille d’un sourd. Cela a accru la douleur des gens et alimenté leur colère.

Malheureusement, le nombre effrayant de personnes qui ont perdu la vie devrait encore augmenter, tandis que les blessures, tant mentales que physiques, risquent de perdurer pendant des décennies. Je suis de tout cœur avec les populations de Turquie et de Syrie, ainsi qu’avec toutes les personnes touchées par ces terribles tremblements de terre. Puissent les leçons nécessaires être tirées de cette catastrophe afin d’éviter qu’une telle tragédie ne se répète à l’avenir.

Sinem Cengiz est une analyste politique turque spécialisée dans les relations extérieures de la Turquie notamment avec les pays du Moyen-Orient.
Twitter : @SinemCngz

NDLR : L’opinion exprimée dans cette section est celle de l’auteur et ne reflète pas nécessairement le point de vue d'Arab News en français.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com