Samir Geagea: Le Hezbollah veut élire un président sur les dépouilles d’un peuple libanais affamé

Le chef des FL estime  que «le problème dont souffre actuellement le Liban n'est ni un problème chrétien ni un problème sectaire, mais plutôt une très grande crise nationale qui touche tous les Libanais». (AFP)
Le chef des FL estime que «le problème dont souffre actuellement le Liban n'est ni un problème chrétien ni un problème sectaire, mais plutôt une très grande crise nationale qui touche tous les Libanais». (AFP)
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Publié le Mercredi 22 février 2023

Samir Geagea: Le Hezbollah veut élire un président sur les dépouilles d’un peuple libanais affamé

  • Les relations entre les FL et les dirigeants saoudiens sont fondées sur une vision commune pour le Liban
  • «Un candidat qui a la bénédiction du Hezbollah est a priori mauvais pour le Liban», estime le chef des Forces libanaises

BEYROUTH: Samir Geagea ne laisse personne indifférent. Ses partisans l’adulent, ses adversaires l’abhorrent. De la prison du ministère de la Défense, à Yarzé, à la forteresse de Meerab, le parcours atypique de ce chef militaire durant la guerre civile libanaise est un phénomène en soi. Il s’est converti en un féroce opposant du Hezbollah. Celui que l’on qualifiait de «moine-soldat» est aujourd’hui un leader chrétien incontournable. Le chef des Forces libanaises (FL) est affectueusement appelé «Hakim».

Toutefois, son passé reste lié à des épisodes sanglants que ses ennemis aiment sournoisement ressortir des tiroirs à chaque occasion dans l’espoir de l’affaiblir aux yeux de l’opinion publique. Celui qui a passé plus de onze ans en détention parce qu’il refusait de trahir ses convictions reste aujourd’hui mû par la même force intérieure et la même foi inébranlable pour défendre sa communauté et son pays des périls existentiels qui le menacent. C’est dans ce contexte délétère que Samir Geagea s’est confié à Arab News en français.

«Le problème dont souffre actuellement le Liban n'est ni un problème chrétien ni un problème sectaire, mais plutôt une très grande crise nationale qui touche tous les Libanais».

L’unité chrétienne

Alors que l’élection d’un président de la république est complètement enrayée depuis le mois d’octobre dernier, certains imputent ce blocage au manque d’unité chez les chrétiens, communauté de laquelle doit être issu le chef de l’État. Pour Samir Geagea, «ce sujet est mal compris et, surtout, il est utilisé de mauvaise foi. Le camp de la Moumanaa [le Hezbollah et ses alliés, NDLR] s'en sert pour dire que les chrétiens sont divisés sur la présidentielle. Toutefois, les tergiversations sont le fait de l'autre partie, qui rend impossible les séances parlementaires ouvertes en refusant d’élire un candidat selon les règles démocratiques».

Le chef des FL estime néanmoins que «le problème dont souffre actuellement le Liban n'est ni un problème chrétien ni un problème sectaire, mais plutôt une très grande crise nationale qui touche tous les Libanais». Il estime par ailleurs que «la communauté chrétienne est unifiée culturellement au sein de la patrie. Sur le plan politique, cependant, la situation est complètement différente étant donné que la diversité des partis est une chose positive».

«Cependant, l'unité sur le plan politique n'est pas possible avec la présence de deux partis, les Forces libanaises et le Courant patriotique libre [le CPL de Michel Aoun], qui ne s'entendent pas sur les questions les plus simples, qu'elles concernent leur projet politique, leur stratégie ou leur pratique politique. En revanche, les FL sont d’accord sur de nombreux sujets avec d'autres partis, comme les Phalanges libanaises [également appelées «Kataeb»] et le Parti national libéral.»

«C’est l’action qui va déterminer si les chrétiens sauront préserver leur statut régional ou non. Et c’est ce que les FL font dans la pratique en engageant des députés et des ministres honnêtes et efficaces et en prouvant ainsi que les politiciens libanais peuvent être intègres».

Ces chrétiens que le pape Jean-Paul II a appelés à œuvrer au sein d’un «Liban-message» et que Bachir Gemayel, fondateur des FL et ancien président, assassiné par les Syriens en 1982, a considérés dans un fameux discours comme «les saints et les diables de l’Orient» sont désormais décimés par la pauvreté et l’émigration depuis 2019 et le début de la crise économique qui sévit au Liban. Gardent-ils encore leur place dans la région? Pour Samir Geagea, «les chrétiens ont toujours les mêmes capacités que celles qui sont mentionnées par Jean-Paul II et Bachir Gemayel, au moins en termes de potentiel. La pratique peut être différente». Il rappelle ainsi que, en 2016, «les chrétiens se sont unis pour élire Michel Aoun président de la république. Quel a été le résultat? Un désastre! Si les chrétiens savent agir adroitement, ils peuvent conserver leur rôle et leur place dans cet Orient; sinon, si on agit comme cela a été le cas entre 2016 et 2022, on connaît le résultat». Selon lui, «c’est donc l’action qui va déterminer si les chrétiens sauront préserver leur statut régional ou non. Et c’est ce que les FL font dans la pratique en engageant des députés et des ministres honnêtes et efficaces et en prouvant ainsi que les politiciens libanais peuvent être intègres».

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Lors de son entretien avec Antoine Ajoury, le chef des FL a sapé  les accusations du Hezbollah qui visent les pays arabes: «[Ces derniers] ont toujours soutenu le Liban. Mais comment peuvent-ils l’aider actuellement, alors que l’État est gangrené par une classe politique corrompue dont certains membres attaquent vertement les monarchies du Golfe? ». (Photo fournie).

Les mensonges du Hezbollah

Le chef des FL revient par ailleurs sur les derniers propos du secrétaire général du Hezbollah, qui justifiait la semaine dernière la crise actuelle par le blocus occidental et arabe ainsi que par les sanctions américaines d’être derrière cette crise.

«Je n’ai jamais vu de responsables politiques qui trichent et manipulent leur opinion publique comme le font les dirigeants du Hezbollah»

«Je n’ai jamais vu de responsables politiques qui trichent et manipulent leur opinion publique comme le font les dirigeants du Hezbollah. Il suffit de rappeler que ce sont les Américains qui ont activement aidé le Liban à négocier avec Israël pour délimiter ses frontières maritimes sud afin qu’il puisse bénéficier pleinement de ses ressources en hydrocarbures. En revanche, les sanctions américaines visent certains responsables du Hezbollah qui financent le parti chiite et lui permettent ainsi de gangrener l’État libanais.»

Samir Geagea ajoute: «La crise n’est-elle pas le fruit de la politique de blocage instiguée par le Hezbollah depuis dix ans qui a paralysé pendant des mois et des années l’exécutif pour imposer Gebran Bassil au ministère de l’Énergie et finir avec plus de 40 milliards de dollars [1 dollar = 0,94 euro] de dettes dans ce secteur et zéro heure d’électricité. » Selon lui, «il y a une malhonnêteté claire qui vise à se déresponsabiliser de leur politique et de celle de leurs alliés depuis près de dix ans».

«On ne peut pas affirmer que la Syrie est en train de reprendre sa place prépondérante d’antan au Liban alors que le régime peine à s’imposer dans son propre pays.»

Le chef des FL sape en outre les accusations du Hezbollah qui visent les pays arabes: «[Ces derniers] ont toujours soutenu le Liban. Mais comment peuvent-ils l’aider actuellement, alors que l’État est gangrené par une classe politique corrompue dont certains membres attaquent vertement les monarchies du Golfe? Est-il normal d’aider ceux qui œuvrent ouvertement contre eux?». Selon lui, la rhétorique du Hezbollah vise uniquement ses partisans pour justifier ses échecs en accusant les autres. 

Les liens avec l’Arabie saoudite

Pour Arab News en français, Samir Geagea revient sur les liens entre les FL avec l’Arabie saoudite. «Cette relation est née du temps de Bachir Gemayel, quand Riyad avait béni son élection. Après 2005, le mouvement du 14-Mars qui comprenait les FL a vu le jour. Il avait des liens privilégiés avec l’Arabie saoudite et les pays du Golfe, ce qui a permis au FL de tisser des relations avec les dirigeants saoudiens fondées sur une convergence d’intérêts et une vision commune pour le Liban. Sans oublier les liens affectifs historiques entre les deux peuples.»

Quant à l’influence de la Syrie au Liban, Samir Geagea déclare, railleur, que «les autorités syriennes n’ont pas d’influence en Syrie même, divisée en zones sous contrôle iranien, russe, turc et américain». «On ne peut pas affirmer que la Syrie est en train de reprendre sa place prépondérante d’antan au Liban alors que le régime peine à s’imposer dans son propre pays», poursuit-il. 

Toutefois, «l’Iran, à travers le Hezbollah et ses alliés, a malheureusement une influence majeure sur la politique au Liban». Dans ce contexte, les FL sont aujourd’hui le fer de lance de l’opposition contre le Hezbollah. «C’est une opposition strictement politique, parce ce que nous considérons que le projet du Hezbollah est catastrophique pour le Liban, comme le montre la situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui. Le parti est aujourd’hui un État dans l’État libanais qui désagrège ce dernier de l’intérieur», précise Samir Geagea.

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Le chef des FL insiste par ailleurs sur la tromperie et le mensonge du secrétaire général du Hezbollah lors de sa dernière intervention, au cours de laquelle il a menacé les États-Unis. (Fournie)

Le Hezbollah veut imposer son candidat

En outre, Samir Geagea critique les propos «mensongers» de certains dirigeants du parti chiite, qui accusent les FL de renoncer au dialogue: «Pour le Hezbollah, le dialogue implique l’imposition de leur point de vue. Il y a eu un grand nombre de négociations par le passé, et aucun résultat n’a été signalé.»
«Le Hezbollah ne veut pas un vrai dialogue, il est en train de tergiverser», insiste Samir Geagea, qui rappelle que le dirigeant druze Walid Joumblatt s’est joint à deux reprises aux membres du groupe  sans parvenir à la moindre solution. Il estime en outre «qu’un candidat qui a la bénédiction du Hezbollah est a priori mauvais pour le Liban».

«La situation n’est pas facile aujourd’hui. Mais il faut toujours être optimiste.»

Concernant l’élection présidentielle, il y a un dialogue continu entre les parties, affirme-t-il. Mais, selon lui, «le Hezbollah veut un dialogue pour imposer son candidat, Sleiman Frangié. C’est de la poudre aux yeux».

Selon lui, «le plan du Hezbollah consiste à élire un président sur les dépouilles d’un peuple libanais affamé, comme ce fut le cas entre 2014 et 2016. La stratégie du groupe est de pousser le peuple libanais au bout du rouleau pour qu’il accepte le candidat désigné du parti chiite». Mais il martèle: «Cette fois, on ne va pas le leur permettre.»

Le chef des FL insiste par ailleurs sur la tromperie et le mensonge du secrétaire général du Hezbollah lors de sa dernière intervention, au cours de laquelle il a menacé les États-Unis. Selon M. Geagea, «Hassan Nasrallah est la voix de l’Iran. Il n’a aucune portée nationale. Au contraire, il fait du mal au Liban et à sa communauté en se liant à la stratégie régionale de l’Iran».

Il conclut sur ces termes: «La situation n’est pas facile aujourd’hui. Mais il faut toujours être optimiste. Plus c’est difficile, plus nous avons la volonté de poursuivre notre combat.»


Survivants traumatisés et «conditions indignes»: récit de la première mission de l'ONU à El-Facher

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  • Tombée aux mains des Forces de soutien rapide (FSR) en octobre après 500 jours de siège, la ville est "le fantôme d'elle-même"
  • A sa demande, elle s'y est rendue sans escorte armée, avec une poignée de collègues

PORT-SOUDAN: Des survivants traumatisés vivant des "conditions indignes", sans eau ni assainissement: pour la première fois depuis le siège par les paramilitaires d'El-Facher dans l'ouest du Soudan, une équipe de l'ONU a pu se rendre sur place.

Tombée aux mains des Forces de soutien rapide (FSR) en octobre après 500 jours de siège, la ville est "le fantôme d'elle-même", "une scène de crime", a résumé dans un entretien lundi avec l'AFP la coordinatrice humanitaire Denise Brown, qui n'a été autorisée à passer que "quelques heures" sur place.

A sa demande, elle s'y est rendue sans escorte armée, avec une poignée de collègues.

"De larges parties de la ville sont détruites", raconte Mme Brown: El-Facher est devenue "l'un des épicentres de la souffrance humaine" dans la guerre qui oppose depuis avril 2023 l'armée régulière aux paramilitaires.

Accès "âprement négocié" 

Fin octobre, les FSR se sont emparées du dernier bastion de l'armée au Darfour lors d'une offensive sanglante marquée par des exécutions, pillages et viols.

Depuis, ils ont imposé un black-out sur la ville, l'isolant du monde. A l'exception de vidéos d'exactions publiées par les combattants eux-mêmes, suscitant l'indignation internationale, très peu d'informations ont filtré.

Plus de 107.000 personnes ont fui, selon l'Organisation mondiale pour les migrations (OIM).

Vendredi, l'équipe onusienne a pu pénétrer dans la ville après avoir "négocié âprement", explique la responsable canadienne, chargée pour le Soudan du Bureau de la coordination des affaires humanitaires (Ocha).

Elle décrit des survivants "traumatisés vivant sous bâches plastiques", dans des conditions qu'elle qualifie "d'indignes et dangereuses".

Impossible de donner des chiffres à ce stade sur combien sont restés sur place. "Nous n'avons pas encore assez d'informations", dit-elle, alors que la ville comptait avant la guerre plus d'un million d'habitants.

L'équipe pouvait se déplacer librement vers les sites sélectionnés: l'hôpital saoudien, des abris de déplacés et cinq bureaux abandonnés de l'ONU.

Le complexe hospitalier, l'un des derniers en ville, "tient encore debout" avec du personnel médical sur place, mais il est à court d'antibiotiques et d'équipements, et quasi vide de patients.

"Partie émergée de l'iceberg" 

Privée d'aide humanitaire, El-Facher s'est retrouvée à court de tout pendant les 18 mois de siège.

Pour survivre, les habitants se sont résolus à manger de la nourriture pour animaux. En novembre, l'ONU y a confirmé l'état de famine.

"Un petit marché" subsiste avec de minuscules paquets de riz, des tomates, oignons et patates, quelques biscuits: "les gens n'ont pas les moyens d'acheter davantage", a-t-elle décrypté.

L'équipe "n'a pu voir aucun des détenus, et nous croyons qu'il y en a", a précisé la responsable onusienne.

"Nous n'avons vu que la partie émergée de l'iceberg", a-t-elle admis, "soucieuse" d'éviter les zones jonchées de munitions non explosées et de mines, dans un conflit qui a déjà tué 128 travailleurs humanitaires.

Les analyses d'images satellites et les témoignages recueillis par l'AFP font régulièrement état d'exactions sommaires et de fosses communes dans la ville, mais la responsable a préféré réserver ses observations aux experts des droits humains de l'ONU, qui préparent un rapport sur les atrocités à El-Facher.

La guerre au Soudan a fait plusieurs dizaines de milliers de morts, déraciné 11 millions de personnes et provoqué ce que l'ONU qualifie de "pire crise humanitaire au monde".

 


Trois morts dans des manifestations des alaouites syriens contre le bombardement d'une mosquée

Des membres des forces de sécurité syriennes déployés lors de manifestations de la communauté alaouite à Lattaquié, dimanche. (Reuters)
Des membres des forces de sécurité syriennes déployés lors de manifestations de la communauté alaouite à Lattaquié, dimanche. (Reuters)
 Les alaouites syriens sont descendus dans la rue dimanche dans la ville côtière de Lattaquié pour protester contre l'attentat à la bombe contre une mosquée qui a tué huit personnes à Homs deux jours auparavant. (REUTERS)
Les alaouites syriens sont descendus dans la rue dimanche dans la ville côtière de Lattaquié pour protester contre l'attentat à la bombe contre une mosquée qui a tué huit personnes à Homs deux jours auparavant. (REUTERS)
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  • Des membres du régime de Bashar Assad ont attaqué les forces de sécurité et les civils, rapportent les médias d'État
  • Selon les autorités sanitaires, des dizaines de personnes ont été soignées pour des blessures causées par des coups de feu, des couteaux et des pierres

LATTAKIEH: Trois personnes ont été tuées et des dizaines d'autres blessées lors des manifestations des Alaouites de Syrie dans la ville côtière de Lattaquié dimanche.

Les responsables de la sécurité ont déclaré que les restes du régime de Bashar Assad ont attaqué les forces de sécurité et les civils lors des manifestations, a rapporté l'agence de presse nationale syrienne SANA.

Les autorités sanitaires régionales ont déclaré que 60 personnes avaient été blessées et que les hôpitaux traitaient les victimes pour des blessures causées par des coups de feu, des couteaux et des pierres.

Deux ambulances ont été attaquées alors qu'elles intervenaient sur les lieux des incidents.

Le colonel Abdulaziz Al-Ahmad, chef de la sécurité intérieure à Lattaquié, a déclaré que des "éléments liés aux vestiges du régime déchu" participant aux manifestations ont attaqué le personnel de la sécurité intérieure, faisant plusieurs blessés et endommageant des véhicules.

Les manifestations ont eu lieu en réponse à l'attentat à la bombe contre une mosquée qui a tué huit personnes dans un quartier alaouite de la ville de Homs deux jours auparavant.

M. Assad a été chassé du pouvoir il y a un an, après qu'une offensive des forces d'opposition a mis fin à la guerre civile qui a décimé le pays.

Le nouveau président, Ahmad Al-Sharaa, s'efforce de stabiliser le pays, mais il y a eu des flambées de violence sectaire.

Les représentants du gouvernement affirment que les groupes restés fidèles au régime d'Assad, qui était dominé par la minorité alaouite, ont tenté d'inciter à la violence en utilisant les manifestations civiles comme couverture pour cibler le personnel de sécurité et endommager les biens publics.

Le colonel Al-Ahmad a déclaré que des individus armés et masqués affiliés à des groupes connus sous le nom de "Saraya Deraa Al-Sahel" et "Saraya Al-Jawad" étaient présents lors des manifestations de dimanche. Ces groupes ont déjà perpétré des assassinats ciblés et posé des explosifs le long d'axes routiers importants.

Des milliers de personnes ont participé aux manifestations de dimanche organisées par une autorité religieuse en réponse à l'attaque de la mosquée, a rapporté l'AFP.

Les forces syriennes ont ensuite été déployées pour disperser les partisans du gouvernement, selon un correspondant de l'AFP.

Les manifestations de dimanche ont été organisées à l'appel du chef spirituel alaouite Ghazal Ghazal, qui a exhorté samedi la population à "montrer au monde que la communauté alaouite ne peut être humiliée ou marginalisée" après l'attentat à la bombe de Homs.

L'attentat de vendredi a été revendiqué par un groupe extrémiste connu sous le nom de Saraya Ansar Al-Sunna.

Il s'agit de la dernière attaque en date contre cette minorité religieuse, qui est la cible de violences depuis la chute, en décembre 2024, de M. Assad, lui-même alaouite.


Le pari israélien sur le Somaliland : quels risques pour la région?

Israël a officiellement reconnu le Somaliland le 26 décembre, brisant ainsi des décennies de consensus international sur l'intégrité territoriale de la Somalie. (Fourni)
Israël a officiellement reconnu le Somaliland le 26 décembre, brisant ainsi des décennies de consensus international sur l'intégrité territoriale de la Somalie. (Fourni)
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  • La situation stratégique du Somaliland près du Bab Al-Mandab fait craindre qu'une présence sécuritaire israélienne ne transforme la mer Rouge en poudrière
  • Les critiques soutiennent que la décision ravive la stratégie israélienne de "périphérie", encourageant la fragmentation des États arabes et musulmans pour un avantage stratégique

RIYAD: Les observateurs régionaux chevronnés ne seront peut-être pas surpris d'apprendre qu'Israël est devenu le premier et le seul État membre des Nations unies à reconnaître officiellement la République du Somaliland comme une nation indépendante et souveraine.

Le 26 décembre, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et le ministre des affaires étrangères Gideon Sa'ar ont signé une déclaration commune de reconnaissance mutuelle avec le président du Somaliland, Abdirahman Mohamed Abdullahi.

Pour une région qui a existé dans un état de flou diplomatique depuis qu'elle a déclaré son indépendance de la Somalie en 1991, ce développement est, comme l'a décrit M. Abdullahi, "un moment historique". Mais sous la surface se cache un pari géopolitique calculé et à fort enjeu.

Si plusieurs pays, dont le Royaume-Uni, l'Éthiopie, la Turquie et les Émirats arabes unis, ont ouvert des bureaux de liaison dans la capitale, Hargeisa, aucun n'a voulu franchir le Rubicon de la reconnaissance officielle de l'État.


Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, assisté du ministre des affaires étrangères Gideon Sa'ar, signe le document reconnaissant officiellement la région séparatiste du Somaliland, le 26 décembre 2025. (AFP)
La décision d'Israël de rompre ce consensus international vieux de plusieurs décennies constitue une rupture délibérée avec le statu quo.

En prenant cette mesure, Israël s'est positionné comme le principal bienfaiteur d'un État qui cherche depuis longtemps à s'asseoir à la table internationale. Comme l'a déclaré à Arab News Dya-Eddine Said Bamakhrama, ambassadeur de Djibouti en Arabie saoudite, une telle décision est profondément perturbatrice.

"Une déclaration unilatérale de séparation n'est ni un acte purement juridique ni un acte politique isolé. Au contraire, elle entraîne de profondes conséquences structurelles, au premier rang desquelles l'aggravation des divisions internes et des rivalités entre les citoyens d'une même nation, l'érosion du tissu social et politique de l'État et l'ouverture de la porte à des conflits prolongés", a-t-il déclaré.

Les critiques affirment qu'Israël fait depuis longtemps pression pour un nouveau découpage de la région sous diverses formes.

La reconnaissance du Somaliland est considérée par beaucoup dans le monde arabe comme la poursuite d'une stratégie visant à affaiblir les États arabes et musulmans centralisés en encourageant les mouvements sécessionnistes périphériques.
Dans le contexte somalien, cette voie est perçue non pas comme un geste humanitaire, mais comme une méthode visant à saper les accords nationaux conclus dans le cadre d'une Somalie fédérale.

Selon l'ambassadeur Bamakhrama, la communauté internationale s'est toujours opposée à de telles initiatives afin de donner la priorité à la stabilité régionale plutôt qu'aux "tendances séparatistes dont l'histoire a maintes fois démontré les dangers et les coûts élevés".

En ignorant ce précédent, Israël est accusé d'utiliser la reconnaissance comme un outil pour fragmenter la cohésion régionale.

Par le passé, Israël a souvent justifié son soutien à des acteurs non étatiques ou à des groupes séparatistes en prétextant la protection de minorités vulnérables, comme les Druzes au Levant ou les Maronites au Liban.

Cette "doctrine de la périphérie" avait un double objectif : elle créait des alliés régionaux et soutenait la revendication d'Israël en tant qu'État juif en validant l'idée d'autodétermination ethnique ou religieuse.

Toutefois, dans le cas du Somaliland, les gants ne sont plus du tout de mise. Il ne s'agit pas ici de protéger une minorité religieuse, puisque le Somaliland est un territoire à forte majorité musulmane. Il s'agit plutôt d'un raisonnement purement géopolitique.

Israël semble rechercher une profondeur stratégique dans une région où il a toujours été isolé. M. Netanyahu a explicitement lié cette initiative à "l'esprit des accords d'Abraham", indiquant que les principaux moteurs sont la sécurité, le contrôle maritime et la collecte de renseignements plutôt que la démographie interne de la Corne de l'Afrique.

La première grande victoire d'Israël dans cette manœuvre est l'élargissement de son orbite diplomatique. On pourrait faire valoir que le refus du gouvernement fédéral de Mogadiscio d'adhérer aux accords d'Abraham constituait une barrière artificielle.


Des habitants brandissent des drapeaux du Somaliland alors qu'ils se rassemblent dans le centre-ville d'Hargeisa le 26 décembre 2025, pour célébrer l'annonce d'Israël reconnaissant le statut d'État du Somaliland. (AFP)
La preuve de cette affirmation, du point de vue israélien, est que le Somaliland - un territoire comptant près de six millions d'habitants et doté de ses propres institutions démocratiques - était désireux d'adhérer à l'accord.

M. Abdullahi a déclaré que le Somaliland rejoindrait les accords d'Abraham en tant que "pas vers la paix régionale et mondiale". Toutefois, cette paix s'accompagne d'une contrepartie évidente : la reconnaissance officielle.

Israël peut désormais affirmer que le "modèle du Somaliland" prouve que de nombreuses autres entités arabes et musulmanes sont disposées à normaliser leurs relations si leurs intérêts politiques ou territoriaux spécifiques sont satisfaits.

Cela remet en question la position unifiée de la Ligue arabe et de l'Organisation de la coopération islamique, qui maintiennent que la normalisation doit être liée à la résolution du conflit palestinien.


Le deuxième gain majeur pour Israël est la possibilité d'une présence militaire dans la Corne de l'Afrique. La position stratégique du Somaliland dans le golfe d'Aden, près du détroit de Bab Al-Mandab, en fait un lieu privilégié pour la surveillance du trafic maritime.

Il s'agit d'une bombe à retardement étant donné que de l'autre côté de cette mer étroite se trouve le Yémen, où le mouvement Houthi - dont le slogan est "Mort à Israël" - contrôle un territoire important.

Israël peut prétendre qu'une présence militaire ou de renseignement au Somaliland renforcera la sécurité régionale en contrant les menaces des Houthis sur la navigation. Toutefois, les voisins de la région craignent que cette présence n'attise les tensions.

L'ambassadeur Bamakhrama a prévenu qu'une présence militaire israélienne "transformerait effectivement la région en une poudrière".


"Si Israël décidait d'établir une base militaire dans un endroit géopolitiquement sensible, cela serait perçu à Tel-Aviv comme un gain stratégique dirigé contre les États arabes bordant la mer Rouge, à savoir l'Égypte, l'Arabie saoudite, la Somalie, le Yémen, le Soudan et Djibouti", a-t-il déclaré.

La mer Rouge est un "corridor maritime international vital" et toute modification de son équilibre géopolitique aurait des "répercussions bien au-delà de la région", a-t-il ajouté.

Cette reconnaissance constitue également une violation flagrante du droit international et du principe d'intégrité territoriale inscrit dans la Charte des Nations unies.

Si les partisans de la reconnaissance font état d'exceptions telles que le Sud-Soudan ou le Kosovo, il n'en reste pas moins que ces cas impliquaient des circonstances très différentes, notamment des conflits génocidaires prolongés et de vastes transitions sous l'égide des Nations unies.

En revanche, l'Union africaine a toujours affirmé que le Somaliland faisait partie intégrante de la Somalie.
 

La réaction a été rapide et sévère. La Ligue arabe, le Conseil de coopération du Golfe et l'OCI ont tous décrié cette décision. Même le président américain Donald Trump, qui a pourtant joué un rôle dans les accords d'Abraham, n'a pas approuvé la décision d'Israël.

Lorsqu'on lui a demandé si Washington suivrait le mouvement, M. Trump a répondu par un "non" catégorique, ajoutant : "Est-ce que quelqu'un sait vraiment ce qu'est le Somaliland ?"

Ce manque de soutien de la part de Washington souligne l'isolement de la position d'Israël. L'OCI et les ministres des affaires étrangères de 21 pays ont publié une déclaration commune mettant en garde contre de "graves répercussions" et rejetant tout lien potentiel entre cette reconnaissance et les projets de déplacement des Palestiniens de Gaza vers la région africaine.

La reconnaissance du Somaliland par Israël semble être un pari calculé visant à échanger des normes diplomatiques contre un avantage stratégique.

Alors que Hargeisa célèbre une étape longtemps attendue, le reste du monde y voit un dangereux précédent qui menace de déstabiliser l'un des couloirs les plus instables du monde.

Comme le dit l'ambassadeur Bamakhrama, l'établissement de tels liens "ferait d'Israël le premier et le seul État à rompre avec le consensus international" - une décision qui donne la priorité à des "calculs stratégiques étroits" plutôt qu'à la stabilité du système international.