Les propos de Ben-Gvir, une adhésion publique à l’apartheid en Israël

Le ministre israélien de la Sécurité nationale Itamar Ben-Gvir. (Reuters)
Le ministre israélien de la Sécurité nationale Itamar Ben-Gvir. (Reuters)
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Publié le Mercredi 06 septembre 2023

Les propos de Ben-Gvir, une adhésion publique à l’apartheid en Israël

Les propos de Ben-Gvir, une adhésion publique à l’apartheid en Israël
  • Ces dernières semaines, les propos antipalestiniens des représentants d’extrême droite à la Knesset et au gouvernement sont devenus encore plus malveillants

La voiture du ministre israélien de la Sécurité nationale, Itamar Ben-Gvir, a récemment grillé un feu rouge et percuté un autre véhicule, blessant deux personnes. Cela symbolise parfaitement la carrière politique de Ben-Gvir et le mal qu’il cause, même lorsqu’il est assis sur la banquette arrière. Que dire alors lorsqu’il s’empare des rênes de l’un des ministères les plus sensibles du pays?

L’accident de la route s’est produit alors qu’il se rendait à son énième entretien télé. Cet homme politique suprémaciste juif est, dans une large mesure, le produit de l’occupation de la Cisjordanie par Israël et de son oppression du peuple palestinien. Mais il est également le produit des médias, qui lui ont donné, ainsi qu’à ses opinions déplorables, un temps d’antenne disproportionné et excessif bien avant qu’il soit au cœur de la politique.

Pour les producteurs et les présentateurs d’émissions télévisées, il était considéré comme un ovni, un ultranationaliste qui ajoutait du piquant au débat, mais il n’y avait aucun danger que ses opinions se reflètent dans les politiques officielles du gouvernement.

Ils avaient tout à fait tort. Ces apparitions l’ont rendu célèbre. Il n’est plus simplement le voyou, le colon, qui renverse les étals palestiniens sur le marché d’Hébron et dit à l’un des commerçants: «Allez en Syrie. Nous sommes les seigneurs du pays ici» ou qui participe à ce qui est désormais connu sous le nom de «Mariage de la haine». Il s’agit d’un événement au cours duquel des hommes et des enfants dansent et chantent: «Ô Dieu, s’il te plaît, donne-moi la force nécessaire afin que je puisse me venger des Palestiniens.»

Il est désormais membre du gouvernement, sa politique est tout simplement une politique d’apartheid et il la présente sans scrupules ni honte.

Ces dernières semaines, les propos antipalestiniens des représentants d’extrême droite à la Knesset et au gouvernement sont devenus encore plus malveillants. Il existe une forte corrélation entre les niveaux d’incompétence démontrés par la plupart des membres du gouvernement actuel dans l’exercice de leurs fonctions et le langage au vitriol qu’ils lancent à l’encontre de leurs rivaux politiques, de la minorité palestinienne en Israël et, plus fréquemment encore, de celle de la Cisjordanie et de la bande de Gaza.

Il s’agit d’une tactique classique et déplorable de la part de ceux qui ont de fortes tendances fascistes pour dévier du simple fait que le populisme qui les a menés jusqu’au pouvoir n’est guère utile ou applicable lorsqu’ils font effectivement partie du gouvernement.

Il serait difficile de trouver des personnes moins qualifiées pour les postes de ministre de la Sécurité nationale et de ministre des Finances que Ben-Gvir et Bezalel Smotrich respectivement; et dans le cas de ce dernier, il est également très peu qualifié pour son rôle de ministre de la Défense, avec des pouvoirs étendus sur les questions civiles en Cisjordanie qui lui permettent d’y consolider la politique expansionniste d’Israël tout en contrecarrant les projets de développement palestiniens.

Dans sa dernière crise depuis son cadre favori – un studio de télévision – Ben-Gvir affirme sans détour et sans vergogne: «Mon droit, le droit de ma femme et de mes enfants de se déplacer en Judée et en Samarie est plus important que la liberté de mouvement des Arabes.»

On n’assiste à aucune condamnation de la part du Premier ministre Benjamin Netanyahou ou de tout autre membre du gouvernement ou de la coalition. Leur silence peut uniquement être interprété comme un acquiescement quant à la politique de Ben-Gvir.

 

«Il est désormais membre du gouvernement, sa politique est tout simplement une politique d’apartheid et il la présente sans scrupules ni honte.»

Yossi Mekelberg

La plupart des Israéliens se sentent offensés et réagissent mal chaque fois que leur traitement envers les Palestiniens en Cisjordanie et à Gaza est qualifié de celui d’un État d’apartheid. Mais il n’y a pas de description plus précise, si l’on s’attarde sur la nature de la relation entre les instruments d’occupation d’Israël et le peuple palestinien, si parfaitement résumée par ce que ce ministre haut placé a déclaré si publiquement.

Pour jeter de l’huile sur le feu, il a adopté une attitude condescendante à l’égard d’un journaliste palestino-israélien, Mohammed Magadli, qui était également présent dans le studio, en disant: «Désolé, Mohammed, mais c’est la réalité.» En d’autres termes, il lui disait, qu’en tant qu’Arabe, la seule option possible est d’accepter cette situation écœurante.

Ben-Gvir avait raison. C’est effectivement la réalité. Mais c’est un phénomène dont aucun être humain honnête ne devrait se contenter et qui relève clairement de la définition juridique de l’apartheid.

La Convention internationale pour l’élimination et la répression du crime d’apartheid et le Statut de Rome de la Cour pénale internationale définissent l’apartheid comme «des actes inhumains commis dans le but d’établir et de maintenir la domination d’un groupe racial sur tout autre groupe racial en l’opprimant systématiquement» et l’institutionnalisation de ce régime d’oppression. N’est-ce pas là la description même de la vie et des difficultés quotidiennes des Palestiniens dominés par Israël?

Ceux qui représentent les colons au sein du gouvernement n’ont pas l’habitude de cacher leurs idées suprémacistes mais, dans ce cas précis, Ben-Gvir, alors qu’il était au gouvernement, a dit les choses exactement telles qu’elles sont: le but des occupants est de normaliser la discrimination raciale, ethnique et religieuse, dans laquelle les intérêts de la population juive, par définition – je veux dire selon la définition des racistes – priment sur ceux des Palestiniens. Les Palestiniens doivent soit accepter cette réalité, soit en subir les conséquences.

Le modèle de Ben-Gvir en matière de relations judéo-palestiniennes est basé sur son expérience de vie dans la colonie de Kiryat Arba, mais dans un quartier qui se trouve, à toutes fins utiles, dans la ville d’Hébron, où une infime minorité de colons juifs parmi les plus extrémistes imposent leur volonté aux Palestiniens et limitent leurs droits de circulation, de résidence et de travail, tout en prenant plaisir à les humilier quotidiennement.

Cependant, nous devons remercier Ben-Gvir et ses alliés politiques sectaires et partageant les mêmes idées pour leur ouverture et leur honnêteté dans la présentation publique de leur idéologie tordue. Le cheminement vers la situation actuelle – dans laquelle les Palestiniens utilisent des routes séparées, font la queue aux points de contrôle pendant des heures, sont confrontés au terrorisme des colons, sont privés d’un accès égal à l’eau et aux autres ressources et vivent sous un système juridique complètement différent et discriminatoire – n’est pas nouveau. Il a été établi et imposé bien avant que le Parti sioniste religieux n’intègre le gouvernement. Cependant, maintenant que ses partisans sont en position de pouvoir, ils n’hésiteront pas à infliger une seconde Nakba aux Palestiniens.

Ce qui devrait inquiéter quiconque croit en l’humanité fondamentale de tous les peuples et en l’égalité des droits pour tous, c’est l’absence de réponse ferme à tout cela de la part de la communauté internationale et le refus obstiné du mouvement prodémocratie en Israël de rejoindre la cause anti-occupation et de réclamer des droits égaux pour toutes les personnes vivant des deux côtés de la Ligne verte.

C’est le seul moyen de mettre fin à cette terrible erreur judiciaire et d’éviter le cataclysme encore pire qui nous attend au coin de la rue.

 

Yossi Mekelberg est professeur de relations internationales et membre associé dans le Programme Mena à Chatham House. Il collabore régulièrement avec les médias internationaux écrits et en ligne. Twitter: @YMekelberg      

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français. 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com