BEYROUTH: L'armée libanaise a formé jeudi un cordon de sécurité serré autour du siège du tribunal militaire à Beyrouth, alors que la famille et les amis de la militante libanaise Kinda Al-Khatib manifestaient à l'extérieur. Al-Khatib a été condamnée le 14 décembre à trois ans de prison avec travaux forcés, en plus de la suppression de ses droits civils, pour avoir supposément collaboré avec Israël.
Les manifestants ont brandi des photos de la jeune militante, en plus de pancartes qui citent ses positions, toutes aux antipodes du Hezbollah, comme celle qui lisait: «Les seules armes légitimes sont celles de l’armée libanaises». Les manifestants assurent que la condamnation d’Al-Khatib est purement politique, «car elle s’est révoltée non seulement contre la dictature de l’autorité mais aussi contre les vrais partis au pouvoir».
L'avocate d'Al-Khatib, Joceline Rahi, affirme que sa cliente ferait appel de sa condamnation, ajoutant qu’elle est absolument innocente de tout crime.
Al-Khatib a révélé dans son témoignage qu'une personne appelée Roy Qaisi l'avait contactée sur Twitter, et s’est identifié comme journaliste pour la chaîne israélienne 11. Quand Al-Khatib a appris qu'il est israélien, elle n’a pas hésité à informer les forces de sécurité libanaises.
Quand on lui a demandé pourquoi elle ne l'avait pas bloqué, Al-Khatib dit qu'elle croyait que son téléphone serait mis «sous surveillance de la part des services de renseignement» et qu’elle-même n’a rien à se reprocher. Tous ses comptes sur les réseaux sociaux sont publics, précise-t-elle.
Al-Khatib nié avoir voyagé en Israël, rencontré des Israéliens ou encore fourni à Tel Aviv des informations de sécurité.
Mercredi, le tribunal militaire permanent, dirigée par le général de brigade Munir Shehadeh, a prononcé deux condamnations par contumace contre Fadl Shaker. Le célèbre chanteur écope de 22 ans de prison avec travaux forcés, et se retrouve privé de ses droits civils.

La première décision a condamné Shaker à 15 ans de prison pour «implication dans des actes de terrorisme commis par des terroristes au su et au vu de l’accusé qui leur a fourni des services de nature logistique». La deuxième décision l’a condamné à sept ans de prison, ainsi qu’à une amende de 5 millions de livres libanaises, pour avoir financé le groupe militant d’Ahmed Al-Assir.
Shaker a déjà été condamné en 2017 à 15 ans de prison avec travaux forcés dans la foulée des peines prononcées contre Ahmed Al-Assir pour les batailles d'Abra en 2013. A l’époque, ce dernier, flanqué de ses partisans à Saida, avait pris les armes contre l'armée libanaise.
Shaker vit dans la clandestinité depuis, mais il a accordé plusieurs entrevues aux médias, et a toujours clamé haut et fort son innocence. Si Shaker se rend à la justice, il sera certainement rejugé pendant qu'il est présent au procès.
Le juge Fadi Sawan, le juge d’instruction dans l'explosion du port de Beyrouth, a par ailleurs suspendu tous les interrogatoires liés à l'affaire pour une période de 10 jours, en attendant la décision de la Cour de cassation. Deux anciens ministres, Ghazi Zaiter et Ali Hassan Khalil, ont tous deux refusés de comparaître, et ont demandé son retrait de l’enquête après que Sawan les ait accusés de négligence et d'avoir causé la mort de dizaines de personnes.
Une délégation des familles des victimes a parallèlement rencontré le Ministre de l’intérieur, le général de brigade Mohammad Fahmy, et lui ont fait part de leur souhait de ne pas politiser l’enquête.
Dans un nouveau scandale lié à l’explosion du port de Beyrouth, l’armée libanaise a découvert près de 700 conteneurs qui se trouvent dans le port depuis 2005. Aucun document d’identification n’en identifie le contenu. Le ministère des Finances en a ordonné l’inspection par l'armée et les autorités douanières.
Le président français Emmanuel Macron avait annulé sa visite prévue au Liban la semaine prochaine, atteint de la Covid-19.
Hossam Zaki, secrétaire général adjoint de la Ligue des États arabes, s'est rendu jeudi au Liban afin de rencontrer un nombre de responsables. Il assure que la résolution des problèmes politiques et économiques du Liban est la responsabilité absolue de ses dirigeants, «car la Ligue arabe ne représente ni parle au nom d’un parti libanais, mais elle offre son soutien inconditionnel au peuple Liban s’il le souhaite».
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com