Israël paie le prix de la bataille de Gaza

La police israélienne évalue les dégâts causés par une roquette tirée depuis la bande de Gaza vers Israël (Photo, Reuters).
La police israélienne évalue les dégâts causés par une roquette tirée depuis la bande de Gaza vers Israël (Photo, Reuters).
Short Url
Publié le Vendredi 13 octobre 2023

Israël paie le prix de la bataille de Gaza

Israël paie le prix de la bataille de Gaza
  • Depuis 2007, Gaza est engluée dans une sorte de vide, où seul le Hamas agit en tant qu’organisation militaire, qui concurrence le Djihad islamique palestinien, mais ne le reconnaît pas
  • Les vides, comme on a pu l’observer en Libye, au Yémen, au Liban et en Afghanistan, constituent une menace importante pour la stabilité

En 2007, les Israéliens se réjouissaient des combats entre le Hamas et l’Autorité palestinienne lors de la bataille de Gaza. Des centaines de personnes ont péri dans cette bataille entre frères. Le Hamas a pris le contrôle de toute la bande de Gaza, expulsant les membres du Fatah vers Ramallah. Les médias israéliens ont diffusé des images de certains de ces individus en sous-vêtements dans les rues après avoir fui vers la Cisjordanie.

Pour Israël, cette situation était avantageuse. Les Palestiniens étaient préoccupés par des conflits internes, conduisant à l’émergence de deux îlots palestiniens conflictuels, au lieu de progresser vers la création de deux États distincts – un État palestinien et un autre israélien. Le gouvernement palestinien unifié s’est effondré et le Hamas a nommé son propre système judiciaire et policier, désignant Ismaïl Haniyeh comme Premier ministre. À Ramallah, l’Autorité palestinienne a nommé Salam Fayyad au poste de Premier ministre. La Ligue arabe et l’Union européenne (UE) ont soutenu le gouvernement de Ramallah, tandis que l’Iran a financé le groupe de Gaza. Cette séparation s’est renforcée et la vision d’un État palestinien s’est progressivement dissipée.

Les Palestiniens à Gaza vivaient alors dans une misère perpétuelle, les points de passage frontaliers étant fermés et les moyens de subsistance entravés. Des tunnels ont été creusés, permettant à l’Iran de s’introduire dans la bande de Gaza et de soutenir ses propres groupes. Ces groupes étaient disciplinés et prêts à servir les intérêts de l’Iran.

Malgré la présence du Hamas, un vide au niveau du pouvoir persistait, indirectement soutenu par l’incapacité d’Israël à aider l’Autorité palestinienne légitime à reprendre le contrôle de Gaza. Il est important de noter que cinq ans avant que le Hamas s’installe au pouvoir, Israël avait sapé les capacités de l’Autorité palestinienne émergente à Bethléem et Ramallah au lieu de les renforcer.

Depuis 2007, Gaza est engluée dans une sorte de vide, où seul le Hamas agit en tant qu’organisation militaire, qui concurrence le Djihad islamique palestinien, mais ne le reconnaît pas. Les vides, comme on a pu l’observer en Libye, au Yémen, au Liban et en Afghanistan, constituent une menace importante pour la stabilité. Cette menace s’étend au-delà de la population de Gaza et d’Israël, puisque de nombreux militants qui ont mené des opérations armées contre l’Égypte dans la péninsule du Sinaï se sont infiltrés depuis Gaza. Même à Gaza, le Hamas ne détient plus le pouvoir absolu, depuis l’émergence de groupes du Djihad islamique palestinien et de groupes affiliés à Al-Qaïda.

«Comme toute autre nation, les Palestiniens devraient avoir le pouvoir de gouverner leurs régions. Il est donc nécessaire de soutenir l’Autorité palestinienne.»

Abdulrahman al-Rashed

Si Israël recherche véritablement la stabilité, il doit reconsidérer ses politiques qui entravent la mise en place de la promesse des accords d’Oslo d’établir un État palestinien et réévaluer ses interactions avec l’Autorité palestinienne. La paix et la stabilité véritables ne peuvent être obtenues qu’avec un gouvernement palestinien légitime, doté d’une réelle autorité et soutenu par la communauté internationale.

Dans le contexte du conflit en cours, l’attention se concentre sur le Hamas et Israël, tandis que l’Autorité palestinienne reste à l’écart. La vérité est que la désorganisation et l’affaiblissement du gouvernement de Ramallah ont contribué à la croissance du Hamas et du Djihad islamique palestinien, non seulement à Gaza, mais aussi en Cisjordanie.

Depuis la séparation, l’Autorité palestinienne a connu un déclin de ses capacités, de ses fonctions et de son influence. L’étranglement de l’Autorité palestinienne vise à empêcher la création d’un État palestinien, tout en limitant son autorité à des zones nettement plus petites que celles établies dans les accords d’Oslo (elle ne contrôle actuellement que 1 000 km² sur plus de 5 000 km² stipulés dans les accords d’Oslo).

De plus, la bande de Gaza reste hors de sa juridiction. La direction de l’Autorité palestinienne étant affaiblie, il est irréaliste de s’attendre à ce qu’elle étende son contrôle et qu’elle en assume la responsabilité. La sécurité d’Israël est intrinsèquement liée à la stabilité des territoires palestiniens. Comme toute autre nation, les Palestiniens devraient avoir le pouvoir de gouverner leurs régions. Cela nécessite un soutien à l’Autorité palestinienne, le développement de ses moyens et le renforcement de ses capacités au fil du temps.

Israël ne peut pas opter pour l’approche adoptée par le régime de Bachar al-Assad et expulser de force 2,5 millions de Palestiniens vers l’Égypte, le seul pays voisin. Il ne peut pas non plus tolérer les conséquences prolongées du blocus de Gaza sous l’autorité du Hamas et du Djihad islamique palestinien.

 

Abdulrahman al-Rashed est un journaliste et intellectuel saoudien. Il est l’ancien directeur général de la chaîne d’information Al-Arabiya et l’ancien rédacteur en chef d’Asharq al-Awsat.
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com