L'initiative de paix arabe est le seul moyen de mettre fin à l'effusion de sang

Des explosions illuminent le ciel lors de frappes israéliennes sur la ville de Gaza, le 10 octobre 2023. (AFP).
Des explosions illuminent le ciel lors de frappes israéliennes sur la ville de Gaza, le 10 octobre 2023. (AFP).
Short Url
Publié le Vendredi 13 octobre 2023

L'initiative de paix arabe est le seul moyen de mettre fin à l'effusion de sang

L'initiative de paix arabe est le seul moyen de mettre fin à l'effusion de sang
  • L'ancien conseiller à la sécurité nationale des États-Unis H.R. McMaster a écrit sur Twitter qu'Israël devrait profiter de l'occasion pour «écraser» le Hamas
  • L'expansion des colonies, l'occupation, l'assujettissement quotidien des Palestiniens et les provocations sur les sites sacrés ne fonctionnent pas

L’attaque du Hamas contre Israël a pris le monde par surprise. Personne ne s'attendait à un tel niveau de sophistication de la part du groupe militant. Nous ignorons comment les événements vont se dérouler, mais une chose est sûre: le statu quo qui prédominait avant l'opération n'est plus envisageable.

L'ancien conseiller à la sécurité nationale des États-Unis H.R. McMaster a écrit sur Twitter qu'Israël devrait profiter de l'occasion pour «écraser» le Hamas. À supposer que cela soit réalisable, que se passerait-il ensuite? Thomas Friedman, chroniqueur au New York Times, a parlé de la nécessité pour Israël de restaurer sa force de dissuasion. Là encore, même en imaginant que cela soit possible, que se passerait-il ensuite? Il ne semble pas possible de revenir à la situation antérieure à l'opération.

Le «déluge d'Al-Aqsa» nous a plutôt montré que les politiques israéliennes ne sont pas viables. L'expansion des colonies, l'occupation, l'assujettissement quotidien des Palestiniens et les provocations sur les sites sacrés ne fonctionnent pas. L'ancien chef de la police de Dubaï Dhahi Khalfan Tamim a publié sur son compte X une vidéo d'un enfant palestinien brutalisé par des soldats israéliens avec ce commentaire: «Qu'attendez-vous de ces enfants lorsqu'ils deviendront de jeunes hommes?»

L'objectif d'Israël a été de maintenir le statu quo, l'occupation. Israël n'est pas prêt à accepter un État palestinien ou à reconnaître le droit des Palestiniens à un État. En même temps, il ne veut pas leur donner la citoyenneté. Cela signifierait qu'Israël perdrait sa majorité juive. Ces options représentent des choix difficiles pour Israël: renoncer à la terre que de nombreux Israéliens considèrent comme leur ayant été donnée par Dieu ou perdre le statut juif de l'État.

Pour échapper à ce dilemme, le choix politique le plus sûr était de maintenir le statu quo, l'occupation, tout en faisant miroiter à la communauté internationale son intention d'accepter à terme la solution des deux États. Les gens reprochent à Benjamin Netanyahou l'expansion des colonies; cependant, ces dernières se sont développées sous tous les gouvernements israéliens, même pendant le processus d'Oslo. Bien que Netanyahou ait été plus virulent et que son gouvernement soit plus raciste, ses politiques ne sont que le prolongement de celles des gouvernements précédents.

Toutefois, l'opération du Hamas vient de rompre ce statu quo. Israël doit faire face à la réalité: ses politiques n'ont pas fonctionné. L'autre fait révélé par cette opération est qu'Israël est vulnérable et que ses ennemis sont en train de renforcer leurs moyens. «L’avantage» dont nous avions l'habitude d'entendre parler, qu'il soit militaire ou technologique, n'est plus aussi évident qu'auparavant. Et nous parlons là du Hamas, pas du Hezbollah, qui est bien plus sophistiqué.

Israël veut-il tenter sa chance? Cela pourrait avoir l'effet contraire. Si Israël veut rétablir sa force de dissuasion et montrer aux Palestiniens qui est le patron, il risque d'exposer sa vulnérabilité et sa brutalité. Il faut se souvenir de la guerre contre le Liban en 2006. Au départ, la communauté internationale a soutenu Israël et son «droit de se défendre» après l'enlèvement de deux soldats sur la Ligne bleue. Toutefois, lorsque les victimes civiles ont commencé à tomber du côté libanais, l'opinion internationale a changé et les gens ont commencé à réclamer un cessez-le-feu.

Le soutien international à Israël risque de s'éroder une fois que Netanyahou aura exécuté sa «vengeance» et transformé Gaza en «décombres».

Dania Koleilat Khatib

Ainsi, bien que la communauté internationale soutienne actuellement Israël, cet appui risque de s'éroder une fois que Netanyahou aura exécuté sa «vengeance» et transformé Gaza en «décombres». Contrairement à ce qui se passait auparavant, lorsque les Palestiniens étaient accusés sans équivoque de terrorisme, les médias grand public présentent aujourd'hui des commentateurs propalestiniens qui parlent de la cause profonde du problème: l'occupation illégale.

Par ailleurs, Israël ne devrait pas sous-estimer la résistance du peuple palestinien. J'ai parlé à mon amie gazaouie après l'opération du Hamas et elle m'a dit que même elle avait été choquée par la détermination de sa famille. Elle m'a dit qu'ils n'avaient pas peur. Ils savent qu'ils peuvent être bombardés à tout moment, alors pourquoi un nouvel assaut israélien serait-il différent? La poursuite de l'opération militaire n'est donc pas vraiment dans l'intérêt d'Israël, surtout maintenant que le pays est plus divisé que jamais.

Pour sauver sa peau, Netanyahou devrait donner quelque chose à son peuple, mais une victoire totale est impossible. Pour les Palestiniens, c'est une question de vie ou de mort et ils n'abandonneront pas facilement. Le chef du Hamas, Ismaël Haniyeh, a déjà parlé d'une «bataille» qui s'étendrait à la Cisjordanie et à Jérusalem. Israël veut-il d'une situation qu'il ne peut contrôler?

Le moment est venu de relancer l'initiative de paix arabe avec la Ligue arabe, sous l'égide de l'Arabie saoudite. En Israël, c'est le moment de se mobiliser autour de la nation, mais l'Israélien moyen voit bien qu'il n'y a pas d’issue à ce bourbier. Il est temps d'éviter une guerre totale dans la région de laquelle Israël ne sortirait finalement pas vainqueur. L'initiative de paix arabe devrait être largement défendue auprès de l'opinion publique israélienne. Parallèlement, la Ligue arabe devrait faire pression en sa faveur auprès des Nations unies, de l'Union européenne, de l'Otan, des États-Unis et dans les capitales du monde entier.

Bien entendu, Israël aura ses réserves et ses craintes, notamment en ce qui concerne le soutien iranien aux factions palestiniennes. C'est là que le rapprochement actuel avec l'Iran peut être utilisé pour discuter de la question. Toutefois, il est important que les États arabes fassent pression en faveur du plan de paix arabe. C'est maintenant que l'idée peut attirer l'attention du monde. Il devrait être présenté comme la solution qui mettra fin à ces confrontations périodiques, qui deviennent de plus en plus sanglantes à chaque nouvel épisode.

En dépit de ce discours, les États-Unis savent qu'Israël est vulnérable et qu'il est confronté à de graves menaces. Ces dernières ne seront pas éradiquées par une opération terrestre ou par l'élimination de «l'infrastructure terroriste du Hamas», comme certains l'ont suggéré. L'initiative de paix arabe est la seule issue viable pour tous.

 

Dania Koleilat Khatib est une spécialiste des relations américano-arabes, et plus particulièrement du lobbying. Elle est présidente du Centre de recherche pour la coopération et la construction de la paix, une organisation non gouvernementale libanaise axée sur la voie II.
NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com