Frankly Speaking: Israël commet-il un «génocide» à Gaza?

Craig Mokhiber, ancien directeur du bureau de New York du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme, lors d'un entretien avec Katie Jensen, présentatrice de l'émission Frankly Speaking (Photo, AN).
Craig Mokhiber, ancien directeur du bureau de New York du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme, lors d'un entretien avec Katie Jensen, présentatrice de l'émission Frankly Speaking (Photo, AN).
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Publié le Lundi 13 novembre 2023

Frankly Speaking: Israël commet-il un «génocide» à Gaza?

  • Un responsable qui a récemment démissionné du HCDH accuse l'ONU de ne pas reconnaître le «génocide» perpétré par Israël dans le conflit actuel
  • Craig Mokhiber affirme que l'objectif du Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, n'est pas de sauver les otages ou de renverser le Hamas, mais de déplacer les civils de Gaza

DUBAÏ: Un haut responsable a récemment démissionné de son poste au Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme (HCDH), accusant l'organisation mondiale de manquer à ses devoirs envers la population de Gaza et de faire preuve de timidité face au génocide et à l'apartheid qui se poursuivent dans cette région, malgré la multitude de preuves.

Lors de son passage à Frankly Speaking, l'émission d'actualité d'Arab News, Craig Mokhiber a dénoncé «l'hésitation des Nations unies à parler officiellement de l'apartheid israélien en Palestine, alors que toutes les grandes organisations internationales de défense des droits de l'homme [...] ont décidé que le crime d'apartheid était manifeste dans cette région. Ou encore, comme l'a récemment soulevé ma lettre de démission, la question du génocide tel qu'il est défini par la Convention des Nations unies».

Lors de l'entretien, M. Mokhiber s'est demandé si sa démission changerait quelque chose au HCDH, mais aussi les raisons pour lesquelles, selon lui, les lobbyistes israéliens font pression sur les dirigeants de l'ONU, la nécessité de faire preuve de plus d'empathie à l'égard de la population de Gaza et si quelqu'un pouvait mettre fin au massacre des civils palestiniens.

L'apparente incapacité des Nations unies à faire face à l'aggravation de la situation à Gaza a également fait l'objet de critiques lors du sommet extraordinaire conjoint arabo-islamique qui s'est tenu samedi à Riyad.

Dans son discours d'ouverture, le prince héritier d'Arabie saoudite, Mohammed ben Salmane, a déclaré: «Nous assistons à une catastrophe humanitaire qui démontre l'incapacité du Conseil de sécurité (de l'ONU) et de la communauté internationale à mettre fin aux flagrantes violations israéliennes des lois et normes internationales et du droit international humanitaire.»

Le prince héritier a ajouté que la situation à Gaza constituait une menace pour la sécurité et la stabilité internationales et que tous les dirigeants devaient s'unir pour prendre des mesures efficaces pour y remédier.

«Nous avons la responsabilité d'exercer toutes les pressions possibles sur la communauté internationale, sur les Nations unies et sur le Conseil de sécurité, afin qu'ils assument leurs responsabilités en matière de paix et de stabilité internationales», a pour sa part indiqué le prince Faisal ben Farhane, ministre saoudien des Affaires étrangères.

Lorsqu'il a quitté son poste de directeur du bureau de New York du HCDH, M. Mokhiber a qualifié les États-Unis, le Royaume-Uni et une grande partie de l'Europe de complices de l'offensive militaire israélienne en cours à Gaza. Dimanche, plus de 11 000 personnes avaient été tuées à Gaza, dont plus de 4 500 enfants, selon les autorités sanitaires palestiniennes.

Bien qu'il s'agisse d'un terme juridique, le génocide est considéré comme excessivement politisé de nos jours. Mais en tant qu'avocat international spécialisé dans les droits de l'homme, M. Mokhiber est convaincu que les actions d'Israël à Gaza constituent incontestablement un génocide.

«Tout d'abord, je traite cette question en tant qu'avocat spécialisé dans les droits de l'homme, ce qui signifie que je travaille à partir de la définition contenue dans le droit international des droits de l'homme, dans la Convention des Nations unies sur le génocide, qui contient une définition très claire ainsi que les éléments qui la composent», a-t-il indiqué à Katie Jensen, présentatrice de l'émission Frankly Speaking.

«Il y a essentiellement deux éléments. Le premier est l'intention de détruire. Le second, un catalogue d'actes spécifiques, est incontestable. Il s'agit d'un massacre de masse», a-t-il ajouté.

«Nous parlons de dommages graves causés, y compris des dommages physiques, de l'imposition de conditions de vie conçues pour entraîner la destruction de la population, encore une fois incontestable parce que nous sommes tous bien conscients du bouclage et du siège de la bande de Gaza depuis 2015, qui est spécifiquement conçu pour limiter les produits alimentaires, les médicaments, les logements adéquats, l'eau, l'assainissement, la liberté de mouvement, toutes les conditions de vie nécessaires à la survie», poursuit-il.

«Normalement, lorsqu'on enquête sur un génocide, il faut fouiller dans des archives poussiéreuses pour trouver des documents prouvant l'intention. Dans le cas présent, en raison du climat d'impunité qui règne depuis plusieurs décennies, des responsables israéliens ont exprimé publiquement des intentions génocidaires, notamment le président, le Premier ministre, des ministres influents et des responsables militaires de haut rang, appelant explicitement à l'extermination de tout Gaza, déshumanisant explicitement les Palestiniens, appelant explicitement à ne pas faire de distinction entre les combattants et les non-combattants.»

«Même le Premier ministre (Benjamin Netanyahou) a invoqué un verset biblique, appelant à l'extermination de toute la population, n'épargnant aucun d'entre eux, y compris les femmes, les hommes, les enfants et les nourrissons, ainsi que leur bétail. La citation de ce verset biblique (était une indication claire) de l'intention génocidaire, avec un si long catalogue d'actions spécifiquement énumérées (inscrites dans la convention sur le génocide) ayant eu lieu», explique M. Mokhiber.

«Comme nous avons assisté à des nettoyages ethniques successifs depuis 1948 avec une telle intention, il s'agit du cas le plus évident de génocide que nous ayons vu.»

M. Mokhiber a répondu aux accusations selon lesquelles les civils palestiniens de Gaza étaient complices des attaques menées par le Hamas le 7 octobre dans le sud d'Israël parce qu'ils avaient voté pour le Hamas il y a plus de quinze ans et qu'ils avaient refusé de renverser le parti. Il a déclaré qu'il s'agissait là d'une «nouvelle preuve de la rhétorique génocidaire, qui est allée bien au-delà des responsables politiques et s'est infiltrée dans la conscience du public».

«Si on parle de Gaza, on parle de 2,3 millions de civils dans une prison à ciel ouvert densément peuplée. Ils sont littéralement encagés dans cette zone, ils ne peuvent ni entrer ni sortir, ils sont régulièrement privés de nourriture, d'eau, d'abri, de système d'assainissement de l'eau, de tout ce qui est nécessaire à une vie décente», a-t-il ajouté.

Évoquant son expérience de vie avec les Palestiniens à Gaza dans les années 1990, il a décrit l'enclave actuellement assiégée comme «l'un des meilleurs endroits où j'ai jamais vécu – non pas en raison des conditions sur le terrain, mais grâce aux personnes que j'ai rencontrées».

M. Mokhiber a évoqué son récent départ du bureau des droits de l'homme des Nations unies, accusant l'organisation de manquer à ses devoirs envers la population de Gaza et de faire preuve de timidité face au génocide et à l'apartheid en cours dans cette région (Photo, AN).

«Les images véhiculées par les médias et les hommes politiques ne reflètent pas la réalité du peuple palestinien. Si seulement vous pouviez regarder dans les yeux d'un enfant, d'une femme, d'un homme, d'une grand-mère ou d'un grand-père palestinien, si vous pouviez les connaître en tant que peuple, voir que tout comme vous, ils rient et ils pleurent, qu'ils tombent amoureux et qu'ils organisent des fêtes, toutes les choses que fait votre propre famille.»

«En voyant l'humanité du peuple palestinien, il devient impossible de poursuivre ce type de politiques génocidaires que de nombreux gouvernements mènent. Il devient impossible de les considérer comme “l'autre”. Ils ne sont pas “l'autre”, ils sont “nous”. Ils sont vous. Lorsque vous œuvrez dans le domaine des droits de l'homme, vous ressentez une grande solidarité envers les personnes avec lesquelles vous travaillez dans le monde entier», a révélé M. Mokhiber.

«Les voir tous les jours, voir leurs sourires, leurs larmes et leurs rires. Aimer les gens de cette communauté, cela change tout. Et nous avons besoin de beaucoup plus de cela, y compris de savoir qu'en ce moment même, alors que nous parlons, il y a des enfants, des femmes et des hommes enterrés sous des décombres, les os brisés, la peau brûlée, avec très peu d'oxygène dans l'espace où ils se trouvent; ils meurent lentement, atrocement, alors que les gens au-dessus essaient de les sortir de là à mains nues. C'est de cela qu'il s'agit.»

Affirmant que l'assaut militaire israélien n'est pas «une guerre contre le Hamas», il a déclaré que les habitants de Gaza «ne sont pas des chiffres et des statistiques».

«Il ne s'agit pas d'une population barbare vivant dans un endroit obscur du monde. Ce sont des êtres humains. Ce sont vous et moi. Si nous parvenons à dépasser la déshumanisation et à commencer à considérer tout le monde, chrétiens, musulmans et juifs, comme des êtres humains égaux, c'est là que nous trouverons des solutions», a-t-il affirmé.

Pour M. Mokhiber, l'objectif de Netanyahou n'est pas d'éliminer le Hamas, mais de déplacer les civils ordinaires de Gaza, ce qui équivaut à un cas typique de génocide.

«Netanyahou est certainement responsable des violations qui sont à l'origine de l'existence du Hamas. (Mais) ses motivations en ce moment ne sont manifestement pas de sauver les otages, puisqu'ils larguent des bombes sur les lieux où vivent les otages», a-t-il déclaré.

Se référant aux actions de l'armée israélienne à Gaza, il a ajouté: «Il est clair qu'ils ne se contentent pas de combattre le Hamas, car ils procèdent à des destructions massives et à des massacres.»

«Ce qui se passe actuellement à Gaza est une tentative de purger la partie restante de la Palestine qu'est la bande de Gaza. La majeure partie de la ville sera bombardée, le reste sera rendu invivable dans l'espoir que les Palestiniens survivants seront alors contraints, pour des raisons de survie, de partir vers la frontière de Rafah et de se perdre dans la péninsule du Sinaï ou de rejoindre la diaspora palestinienne. La mainmise sur la Palestine historique sera alors complète.»

M. Mokhiber estime en outre que des pays tels que les États-Unis et le Royaume-Uni ne respectent pas leurs obligations en matière de droit humanitaire international dans la crise palestinienne en fournissant des financements, des armes, des renseignements et un soutien diplomatique à Israël, et qu'ils pourraient donc voir leur responsabilité juridique engagée pour leurs actions.

Cette photo prise le 12 novembre 2023 depuis une position le long de la frontière avec la bande de Gaza dans le sud d'Israël montre un panache de fumée apparaissant lors d'un bombardement israélien sur l'enclave palestinienne (Photo, AFP).

«Les États-Unis et le Royaume-Uni sont parties à ces conventions internationales. Ils sont liés par le droit international humanitaire et le droit international des droits de l'homme, ce qui est clair. Premièrement, les Conventions de Genève n'exigent pas seulement que vous les respectiez dans votre propre conduite, elles exigent que toutes les hautes parties contractantes les respectent vis-à-vis d'autres personnes sur lesquelles elles ont une influence, en l'occurrence Israël.»

«Non seulement les États-Unis, le Royaume-Uni et d'autres pays n'ont pas fait ce qu'il fallait pour mettre fin à cette situation, mais ils ont même été activement complices. Les États-Unis, par exemple, ont fourni des financements, des renseignements en matière d'armement, un soutien, une couverture diplomatique, et ont même utilisé leur droit de veto au Conseil de sécurité», affirme M. Moukhiber.

«Il s'agit là d'actes directs de complicité en violation de leurs obligations en matière de droit humanitaire. Le crime de génocide, tel qu'il est défini dans la convention, comprend l'acte de génocide, la tentative de génocide, l'incitation au génocide, l'entente en vue du génocide et la complicité dans le génocide.»

«Le soutien actif qui se poursuit, alors même que ces actes ont lieu, expose les États-Unis, le Royaume-Uni et d'autres États qui ont été impliqués directement à la responsabilité juridique de leurs actions. Ce qu'ils devraient faire, c'est user de toute leur influence, diplomatique et autre, pour mettre un terme à ce qui se passe, notamment en cessant d'armer, de financer, de soutenir les services de renseignement, de couvrir diplomatiquement (le gouvernement israélien), afin que les responsabilités soient établies, que des vies humaines puissent être sauvées et que la dignité humaine soit protégée.»

Interrogé sur les raisons qui l'ont poussé à démissionner alors qu'il avait clairement exprimé son inquiétude quant à l'absence de prise en compte des droits du peuple palestinien, M. Mokhiber a reconnu que la conversation avait débuté en mars entre lui-même et le HCDH à la suite d'une «série d'atrocités israéliennes en Cisjordanie, notamment certaines attaques militaires contre des civils en Cisjordanie et les pogroms perpétrés par des colons israéliens à Hawara».

«À ce moment-là, je parlais assez publiquement de ces violations en public et sur les médias sociaux. L'ONU adoptait une approche plus prudente, voire timorée, à l'égard de ces événements», a-t-il ajouté.

«J'en parlais publiquement avec force, comme je le fais depuis trente-deux ans à propos des situations des droits de l'homme dans les pays du monde. Mais dans ce cas, un groupe d'organisations de lobbying israéliennes ont mené une campagne pour me dénigrer et me salir sur les médias sociaux, mais aussi en (remettant une note de protestation à) l'ONU afin de me punir, en dépit du fait que je suis un fonctionnaire des droits de l'homme de l'ONU, dont le travail est de dénoncer les violations des droits de l'homme.»

«Cela a créé une atmosphère où il y avait encore plus d'inquiétude et de tentatives du côté de l'ONU pour me demander de me taire sur ces questions, ce que je ne pouvais manifestement pas faire.»

«Dès le mois de mars, j'ai écrit et indiqué, premièrement, que je pensais que cette déférence à l'égard des États puissants – parce que la critique venait également des pays occidentaux et de ces groupes de pression – portait atteinte à notre application de principe des normes et standards de l'ONU, et que nous devions nous élever contre ces choses et ne pas nous laisser intimider et réduire au silence par elles. Au contraire, j'encourage à parler plus fort.»

Des soldats de l'armée israélienne reviennent après avoir cherché des restes humains à la suite de l'attaque du 7 octobre menée par des militants palestiniens de la bande de Gaza, près d'une position le long de la frontière avec le sud d'Israël, le 12 novembre (Photo, AFP).

Contrairement à la plupart des hommes politiques qui appellent à une solution à deux États, M. Mokhiber pense que le monde doit soutenir un seul État démocratique et laïque dans toute la Palestine historique, avec des droits égaux pour les chrétiens, les musulmans et les juifs.

À la remarque selon laquelle le seul autre homme politique connu à avoir réclamé cette solution est le défunt dirigeant libyen Mouammar Kadhafi, M. Mokhiber a répondu qu'il y a beaucoup de personnalités publiques dans le monde qui la réclament depuis «de très nombreuses années, y compris des membres de la communauté des droits de l'homme qui considèrent que cette solution est conforme à nos normes».

Expliquant pourquoi il ne considère pas la solution d'un seul État comme étant non conventionnelle, il a déclaré: «Ce qui est intéressant, c'est que dans toutes les autres situations dans le monde, la communauté internationale appelle à des solutions fondées sur l'égalité entre toutes les personnes présentes sur le territoire. Elle demande un État démocratique et laïque, avec des droits égaux pour tous ceux qui sont impliqués dans l'application des normes internationales en matière de droits de l'homme.»

«C'est seulement dans cette situation particulière que cette cohérence a été en quelque sorte muselée. Il s'agit donc d'une réponse très conventionnelle. C'est juste qu'elle a été limitée par une application dans ce cas précis. La réalité est qu'il y a déjà un État de facto: toute la zone de la Palestine historique en Israël est contrôlée par le gouvernement israélien. Il ne reste plus rien en Cisjordanie et à Gaza pour un État palestinien viable et durable en tant que deuxième État.»

«Même s'ils l'adoptaient, cela ne résoudrait pas le problème central des droits de l'homme, car les Palestiniens à l'intérieur de la ligne verte seraient toujours des citoyens de seconde zone, ils n'auraient pas le droit de rentrer chez eux, et ainsi de suite. (La solution à deux États) n'a jamais répondu à cette question. Et la question est la suivante: si nous exigeons l'égalité partout ailleurs, dans ce cas, l'égalité des droits pour les chrétiens, les musulmans et les juifs, pourquoi ne l'exigeons-nous pas dans le cas d'Israël et de la Palestine?»

M. Mokhiber a fermement rejeté l'idée selon laquelle préconiser un État unique était en réalité un appel à la fin du statut d'État juif d'Israël, l'idée existentielle sur laquelle l'État d'Israël a été fondé il y a quelque 75 ans.

«Le gouvernement de M. Netanyahu n'est même pas d'accord pour arrêter un génocide. Ils ne font pas partie de mon auditoire», a-t-il affirmé.

«Il ne s'agit pas d'un appel à la fin d'Israël, mais au salut d'Israël et de la Palestine. Il s'agit d'un appel à la fin de l'apartheid et du colonialisme de peuplement, et à l'adoption des normes des Nations unies qui appellent à des États démocratiques et laïques, offrant des droits égaux à toutes les personnes qui doivent être protégées.»

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com 


Syrie: Chareh lance un appel à l'unité un an après la chute d'Assad

Le président syrien Ahmed al-Chareh a exhorté lundi, un an après la chute de Bachar al-Assad, son peuple à s'unir pour rebâtir un pays ravagé par des années de guerre civile. (AFP)
Le président syrien Ahmed al-Chareh a exhorté lundi, un an après la chute de Bachar al-Assad, son peuple à s'unir pour rebâtir un pays ravagé par des années de guerre civile. (AFP)
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  • Après les prières du matin à mosquée des Omeyyades, il a salué "les sacrifices et l'héroïsme des combattants" ayant renversé il y a un an l'ex-dictateur Assad, selon un communiqué de la présidence
  • Ahmed al-Chareh, ancien jihadiste de 43 ans, était devenu dans la foulée chef d'Etat par intérim après 14 ans de guerre civile et plus de cinq décennies d'un régime familial à la main de fer

DAMAS: Le président syrien Ahmed al-Chareh a exhorté lundi, un an après la chute de Bachar al-Assad, son peuple à s'unir pour rebâtir un pays ravagé par des années de guerre civile.

"La phase actuelle exige que tous les citoyens unissent leurs efforts pour bâtir une Syrie forte, consolider sa stabilité, préserver sa souveraineté", a déclaré le dirigeant, endossant pour l'occasion l'uniforme militaire comme le 8 décembre 2024, quand il était entré dans Damas à la tête de forces rebelles.

Après les prières du matin à mosquée des Omeyyades, il a salué "les sacrifices et l'héroïsme des combattants" ayant renversé il y a un an l'ex-dictateur Assad, selon un communiqué de la présidence.

Ahmed al-Chareh, ancien jihadiste de 43 ans, était devenu dans la foulée chef d'Etat par intérim après 14 ans de guerre civile et plus de cinq décennies d'un régime familial à la main de fer.

Il a rompu avec son passé jihadiste et réhabilité la Syrie sur la scène internationale, obtenant la levée des sanctions internationales, mais reste confronté à d'importantes défis sécuritaires.

De sanglantes violences intercommunautaires dans les régions des minorités druze et alaouite, et de nombreuses opérations militaires du voisin israélien ont secoué la fragile transition.

"C'est l'occasion de reconstruire des communautés brisées et de panser des divisions profondes", a souligné dans un communiqué le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres.

"L'occasion de forger une nation où chaque Syrien, indépendamment de son appartenance ethnique, de sa religion, de son sexe ou de son affiliation politique, peut vivre en sécurité, dans l'égalité et dans la dignité".

Les célébrations de l'offensive éclair, qui ont débuté fin novembre, doivent culminer lundi avec une parade militaire et un discours du président syrien.

Elles sont toutefois marquées par le boycott lancé samedi par un chef spirituel alaouite, Ghazal Ghazal. Depuis la destitution d'Assad, lui-même alaouite, cette minorité est la cible d'attaques.

L'administration kurde, qui contrôle une grande partie du nord et du nord-est de la Syrie, a également annoncé l'interdiction de rassemblements et événements publics dimanche et lundi "en raison de la situation sécuritaire actuelle et de l'activité accrue des cellules terroristes".

 


Liban: l'armée annonce six arrestations après une attaque visant des Casques bleus

Israël, dont l'accord de trêve prévoit pourtant le retrait total du pays voisin, maintient de son côté dans la zone cinq positions militaires dans la région. La Finul a à plusieurs reprises accusé les troupes israéliennes de tirs à son encontre. (AFP)
Israël, dont l'accord de trêve prévoit pourtant le retrait total du pays voisin, maintient de son côté dans la zone cinq positions militaires dans la région. La Finul a à plusieurs reprises accusé les troupes israéliennes de tirs à son encontre. (AFP)
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  • L'armée a souligné dans un communiqué qu'elle ne tolérerait aucune attaque contre la Finul mettant en avant son "rôle essentiel" dans le sud du Liban
  • "Les attaques contre les Casques bleus sont inacceptables", avait de fustigé vendredi la Finul, rappelant "aux autorités libanaises leur obligation d'assurer" sa sécurité

BEYROUTH: Six personnes ont été arrêtées au Liban, soupçonnées d'être impliquées dans une attaque d'une patrouille de Casques bleus jeudi dans le sud du pays, qui n'a pas fait de blessés, a annoncé l'armée libanaise samedi.

L'incident s'était produit jeudi soir, selon un communiqué de la Force intérimaire des Nations unies au Liban (Finul) quand "des Casques bleus en patrouille ont été approchés par six hommes sur trois mobylettes près de Bint Jbeil". "Un homme a tiré environ trois coups de feu sur l'arrière du véhicule. Personne n'a été blessé".

L'armée a souligné dans un communiqué qu'elle ne tolérerait aucune attaque contre la Finul mettant en avant son "rôle essentiel" dans le sud du Liban, où, déployée depuis 1978, elle est désormais chargée de veiller au respect du cessez-le-feu qui a mis fin en novembre 2024 à la dernière guerre entre Israël et le Hezbollah pro-iranien.

"Les attaques contre les Casques bleus sont inacceptables", avait de fustigé vendredi la Finul, rappelant "aux autorités libanaises leur obligation d'assurer" sa sécurité.

Bastion du Hezbollah, le sud du Liban subit ces dernières semaines des bombardements réguliers de la part d'Israël, qui assure viser des cibles du mouvement chiite et l'accuse d'y reconstituer ses infrastructures, en violation de l'accord de cessez-le-feu.

Israël, dont l'accord de trêve prévoit pourtant le retrait total du pays voisin, maintient de son côté dans la zone cinq positions militaires dans la région. La Finul a à plusieurs reprises accusé les troupes israéliennes de tirs à son encontre.

Mercredi, le quartier général de la Finul a accueilli à Naqoura, près de la frontière avec Israël, de premières discussions directes, depuis des décennies, entre des responsables israélien et libanais, en présence de l'émissaire américaine pour le Proche-Orient Morgan Ortagus.

Le président libanais, Joseph Aoun, a annoncé de prochaines discussions à partir du 19 décembre, qualifiant de "positive" la réunion tenue dans le cadre du comité de surveillance du cessez-le-feu, disant que l'objectif était d'éloigner "le spectre d'une deuxième guerre" au Liban.


Les efforts pour panser les «profondes divisions» de la Syrie sont ardus mais «pas insurmontables», déclare Guterres

Des Syriens font la queue dans les rues de Damas en attendant un défilé de la nouvelle armée syrienne, pour marquer le premier anniversaire de l'éviction de Bashar Assad, le 8 décembre 2025. (AP)
Des Syriens font la queue dans les rues de Damas en attendant un défilé de la nouvelle armée syrienne, pour marquer le premier anniversaire de l'éviction de Bashar Assad, le 8 décembre 2025. (AP)
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  • Antonio Guterres salue "la fin d'un système de répression vieux de plusieurs décennies", "la résilience et le courage" des Syriens
  • La transition offre l'opportunité de "forger une nation où chaque Syrien peut vivre en sécurité, sur un pied d'égalité et dans la dignité"

NEW YORK : Les efforts pour guérir les "profondes divisions" de la Syrie seront longs et ardus mais les défis à venir ne sont "pas insurmontables", a déclaré dimanche le Secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, à l'occasion du premier anniversaire de la chute du régime Assad.

Une offensive surprise menée par une coalition de forces rebelles dirigées par Hayat Tahrir al-Sham et des milices alliées a rapidement balayé les zones tenues par le régime à la fin du mois de novembre 2024. En l'espace de quelques jours, elles se sont emparées de villes clés et ont finalement capturé la capitale Damas.

Le 8 décembre de l'année dernière, alors que les défenses du régime s'effondraient presque du jour au lendemain, le président de l'époque, Bachar Assad, a fui la République arabe syrienne, mettant fin à plus de 50 ans de règne brutal de sa famille.

"Aujourd'hui, un an s'est écoulé depuis la chute du gouvernement Assad et la fin d'un système de répression vieux de plusieurs décennies", a déclaré M. Guterres, saluant la "résilience et le courage" des Syriens "qui n'ont jamais cessé de nourrir l'espoir en dépit d'épreuves inimaginables".

Il a ajouté que cet anniversaire était à la fois un moment de réflexion sur les sacrifices consentis en vue d'un "changement historique" et un rappel du chemin difficile qui reste à parcourir pour le pays.

"Ce qui nous attend est bien plus qu'une transition politique ; c'est la chance de reconstruire des communautés brisées et de guérir de profondes divisions", a-t-il déclaré, ajoutant que la transition offre l'occasion de "forger une nation où chaque Syrien - indépendamment de son appartenance ethnique, de sa religion, de son sexe ou de son affiliation politique - peut vivre en sécurité, sur un pied d'égalité et dans la dignité".

M. Guterres a souligné que les Nations Unies continueraient à soutenir les Syriens dans la mise en place de nouvelles institutions politiques et civiques.

"Les défis sont importants, mais pas insurmontables", a-t-il déclaré. "L'année écoulée a montré qu'un changement significatif est possible lorsque les Syriens sont responsabilisés et soutenus dans la conduite de leur propre transition.

Il a ajouté que les communautés à travers le pays construisent de nouvelles structures de gouvernance et que "les femmes syriennes continuent de mener la charge pour leurs droits, la justice et l'égalité".

Bien que les besoins humanitaires restent "immenses", il a souligné les progrès réalisés dans la restauration des services, l'élargissement de l'accès à l'aide et la création de conditions propices au retour des réfugiés et des personnes déplacées.

Des efforts en matière de justice transitionnelle sont en cours, a-t-il ajouté, ainsi qu'un engagement civique plus large. M. Guterres a exhorté les gouvernements à soutenir fermement une "transition dirigée par les Syriens et prise en charge par les Syriens", précisant que le soutien doit inclure le respect de la souveraineté, la suppression des obstacles à la reconstruction et un financement solide pour le redressement humanitaire et économique.

"En ce jour anniversaire, nous sommes unis dans un même but : construire les fondations de la paix et de la prospérité et renouveler notre engagement en faveur d'une Syrie libre, souveraine, unie et ouverte à tous", a ajouté M. Guterres.