Mansour Abbas peut-il convaincre les factions palestiniennes de déposer les armes?

Mansour Abbas a appelé la semaine dernière les différentes factions palestiniennes à déposer les armes et à se joindre à la lutte politique. (AFP)
Mansour Abbas a appelé la semaine dernière les différentes factions palestiniennes à déposer les armes et à se joindre à la lutte politique. (AFP)
Short Url
Publié le Samedi 09 décembre 2023

Mansour Abbas peut-il convaincre les factions palestiniennes de déposer les armes?

Mansour Abbas peut-il convaincre les factions palestiniennes de déposer les armes?
  • En principe, M. Abbas a tout à fait raison, mais la question est la suivante: si les Palestiniens déposaient les armes, Israël accepterait-il de leur donner leur État?
  • Le problème réside dans la mentalité selon laquelle de nombreux Israéliens se considèrent comme le peuple élu, à qui Dieu a promis la terre entre la mer et le fleuve

Mansour Abbas, président de la Liste arabe unie à la Knesset israélienne, considéré comme un islamiste pragmatique, a appelé la semaine dernière les différentes factions palestiniennes à déposer les armes et à se joindre à la lutte politique. Il a déclaré que nous étions confrontés à un problème politique qui nécessite une solution politique.

En principe, M. Abbas a tout à fait raison. Mais la question est la suivante: si les Palestiniens déposaient les armes, Israël accepterait-il de leur donner leur État?
Il serait opportun de rappeler que l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) avait abandonné la lutte armée en 1993 en faveur des accords d’Oslo. Mais cela a-t-il fait avancer sa cause de manière notable?

Mansour Abbas n’a pas expliqué à quoi pourrait ressembler cette lutte politique. Comment la lutte politique peut-elle exister alors que les Palestiniens n’ont aucune représentation politique? Tout le problème est qu’il y a 5,35 millions de Palestiniens en Cisjordanie et à Gaza, qui sont apatrides – ils n’ont pas de pays et n’ont pas de passeport en règle. Israël refuse de leur accorder la nationalité dans le cadre d’une solution à un seul État, car le pays perdrait sa majorité juive. Dans le même temps, Israël ne veut pas donner un État aux Palestiniens, car cela signifierait l’abandon de la «Judée-Samarie».

Ce dilemme conduit à une impasse politique et pousse chaque gouvernement à éviter de s’attaquer au problème afin d’éviter des réactions négatives. Les politiciens ont vu ce qui est arrivé à Yitzhak Rabin lorsqu’il a tenté de parvenir à un compromis visant à garantir un règlement pacifique du problème. Personne ne veut subir le même sort.

Le principal obstacle à la conclusion d’un règlement est la mentalité moyenâgeuse qui anime la politique israélienne.

Dr Dania Koleilat Khatib

Le principal obstacle à la conclusion d’un règlement avec les Palestiniens est la mentalité moyenâgeuse qui anime la politique israélienne. Le concept d’État israélien est lié au sacré, à un certain commandement de Dieu. Ce type de mentalité a motivé les croisades aussi bien que les conquêtes arabes. C'était adéquat il y a mille ans, mais ce n’est plus le cas aujourd'hui. Désormais, les États modernes sont définis par le droit international, et non par une affirmation biblique.

Le problème réside dans la mentalité selon laquelle de nombreux Israéliens se considèrent comme le peuple élu, à qui Dieu a promis la terre entre la mer et le fleuve. Cette mentalité existait avant l’émergence de la menace iranienne et avant la création du Hezbollah ou du Hamas. Plusieurs hommes d’État l’ont appuyée, notamment le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou.

Cependant, ce qu’Israël appelle «Judée-Samarie» est la Cisjordanie, qui fait partie intégrante de la Palestine selon le droit international. Cette idéologie empêche les dirigeants israéliens de faire des concessions qui permettraient une solution à deux États et la paix. Au lieu de cela, ils répriment les Palestiniens et, par conséquent, en subissent de temps en temps le contrecoup. Cela continuera ainsi indéfiniment, jusqu’à ce que cette idéologie soit abandonnée.

Aujourd’hui, les Israéliens doivent choisir entre l’idéologie et la sécurité. Malheureusement, ils ont l’impression qu’ils peuvent avoir les deux. Ils peuvent agir avec les Palestiniens de manière coercitive en maintenant l’occupation, en les assujettissant jour après jour, tout en n’en subissant aucune conséquence, en raison de la complicité américaine et occidentale. Nous ne pouvons pas reprocher aux Israéliens d’adopter une idéologie; tout le monde le fait à des degrés différents. Les idéologies sont de larges concepts qui influent sur notre vision du monde. Même les personnes les plus pragmatiques sont influencées par une idéologie. Elles l’ont toujours à l’esprit, même si elles ne s’en rendent pas compte. Cependant, lorsque les gens doivent choisir entre l’idéologie et la survie, ils choisissent la survie – et c’est la raison pour laquelle ils donnent la priorité à la sécurité plutôt qu’à l’idéologie.

Il y a des décennies, l’Organisation de libération de la Palestine a suivi exactement la voie suggérée par Mansour Abbas, mais cela s’est retourné contre elle.

Dr Dania Koleilat Khatib

Israël ne renoncera pas à son idéologie s’il n’y est pas obligé, à moins qu'il n’estime devoir faire ce choix. Israël doit être contraint de faire ce choix parce qu’il pense toujours pouvoir éradiquer les Palestiniens, et le faire impunément. Dans ce contexte, les États-Unis devraient durcir le ton avec Israël, et le forcer à choisir entre l’idéologie et l’acceptation internationale.

Par conséquent, ce que M. Abbas a dit n’est valable que si la communauté internationale le soutient – c’est-à-dire si la communauté internationale s’engage à faire pression sur Israël pour qu’il accepte la solution à deux États. Néanmoins, Israël est un État souverain. La pression internationale devrait s’accompagner d’un changement dans l’opinion publique. Mansour Abbas doit donc travailler au niveau national. Mais comment convaincre les idéologues israéliens? Il doit créer un camp de la paix.

M. Abbas a déjà pris une mesure qui lui a valu le respect de nombreux Israéliens: il a tendu la main aux familles des otages, ce que M. Netanyahou a été réticent à faire. Mansour Abbas peut-il maintenant poursuivre sur sa lancée? Peut-il amener certaines parties de la société israélienne à s’engager dans une introspection motivée par le calvaire des otages? Peut-il les pousser à se poser la question fondamentale: pourquoi cela s’est-il produit? Pourquoi ont-ils recours à la «terreur» contre nous? L’occupation est-elle durable? L’occupation garantira-t-elle la sécurité de nos enfants?

Cependant, dans cette entreprise, M. Abbas a absolument besoin de la protection et du soutien de la communauté internationale, sinon il sera l’objet de nombreuses fausses accusations de la part du gouvernement raciste de Benjamin Netanyahou et de ses membres à la Knesset. Pour que Mansour Abbas puisse convaincre les factions palestiniennes de déposer les armes et de mener une lutte pacifique, il doit leur montrer que cela fonctionne. Il y a des décennies, l’OLP a suivi exactement la voie suggérée par M. Abbas, abandonnant la lutte armée en faveur des négociations politiques, mais cela s’est retourné contre elle. L’OLP n’a pas pu réaliser le rêve palestinien d’un État.

Les Palestiniens sont très sceptiques. Ils ont déjà été trompés à plusieurs reprises. Par conséquent, la communauté internationale devrait peser de tout son poids pour appuyer Mansour Abbas et l’aider à créer les conditions propices à une solution à deux États, et à un État palestinien.

 

La Dr Dania Koleilat Khatib est spécialiste des relations américano-arabes, en particulier sur les groupes de pression. Elle est co-fondatrice du Research Center for Cooperation and Peace Building (Centre de recherche pour la coopération et la consolidation de la paix), une ONG libanaise axée sur la diplomation parallèle (Track II).

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est celle de l’auteur et ne reflète pas nécessairement le point de vue d’Arab News en français.

 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com