En Cisjordanie occupée, la «fatigue» de la surveillance technologique

Une caméra de sécurité, installée sur le toit de la Yeshiva Shavei Hébron, surveille la vieille ville sous contrôle palestinien dans la ville divisée d'Hébron, en Cisjordanie occupée par Israël, le 17 février 2020. (AFP)
Une caméra de sécurité, installée sur le toit de la Yeshiva Shavei Hébron, surveille la vieille ville sous contrôle palestinien dans la ville divisée d'Hébron, en Cisjordanie occupée par Israël, le 17 février 2020. (AFP)
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Publié le Mardi 06 février 2024

En Cisjordanie occupée, la «fatigue» de la surveillance technologique

  • Israël s'est positionné comme une «start-up nation» forte de ses outils de cybersécurité, systèmes de surveillance et armements ultra-modernes
  • Si plusieurs projets civils utilisent la reconnaissance faciale, l'armée en déploie d'autres dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967

HEBRON: Les caméras rotatives sont positionnées aux quatre coins de son toit-terrasse à Hébron, en Cisjordanie occupée. "Elles suivent tous nos mouvements", assure Oum Nasser pour qui cette surveillance dopée à l'intelligence artificielle est "plus difficile depuis la guerre" entre Israël et le Hamas.

"Je suis fatiguée psychologiquement", explique cette Palestinienne de 55 ans qui vit au-dessus du poste de contrôle Abou Al-Rish, point de violences récurrentes au cœur de la vieille ville où les guérites s'imbriquent inextricablement entre rues palestiniennes et enclaves israéliennes.

Le quartier abrite le Caveau des Patriarches ou mosquée d'Ibrahim, lieu saint pour les juifs et les musulmans, sous la protection de dizaines de soldats israéliens lourdement armés, et autant de caméras.

Ces dernières sont pour Oum Nasser une intrusion étouffante. "Nous avons essayé de placer des morceaux de bois ou des tissus autour des caméras, afin de préserver notre intimité, mais à chaque fois, l'armée les a enlevés", assure-t-elle.

"Un jour, des soldats sont venus prendre nos cartes d'identité et ont dit qu'ils allaient les utiliser pour un système de reconnaissance faciale", rapporte-t-elle.

A l'inverse, dit Shai Cohen, colon israélien de 23 ans, les caméras "nous aident beaucoup" à nous sentir en sécurité.

Israël s'est positionné comme une "start-up nation" forte de ses outils de cybersécurité, systèmes de surveillance et armements ultra-modernes. Si plusieurs projets civils utilisent la reconnaissance faciale, l'armée en déploie d'autres dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967.

«Loup bleu»

Parmi eux, l'application dite "Blue Wolf" (Loup Bleu) par laquelle des soldats photographient les visages de Palestiniens avec leurs téléphones, avant que les images ne soient confrontées à une base de données qui indique si la personne doit être arrêtée ou non.

Ce système s'inscrit dans "la stratégie de l'occupation +sans friction+ de l'armée israélienne", explique à l'AFP Sophia Goodfriend, doctorante spécialisée dans l'intelligence artificielle et les droits humains: Il "s'appuie sur une technologie de surveillance automatisée, souvent basée sur l'intelligence artificielle et censée réduire les interactions" entre soldats et Palestiniens.

En 2022, s'est ajouté le système "Red Wolf" (Loup Rouge), un logiciel intégré aux postes de contrôle, documenté en mai dernier par Amnesty International.

"Les soldats savent avant même que j'arrive au checkpoint que je suis +rouge+ (...) donc +une menace+", témoigne Issa Amro, militant des droits humains, qui dénonce "une couche d'humiliation supplémentaire. Les photos ont été prises sans notre consentement, nous ne savons pas comment les données sont utilisées".

L'armée a également indiqué fin 2022 tester une technologie de surveillance appliquée à des "moyens de dispersion" d'une foule, développée par la société Smart Shooter. Le dispositif, qui permet de déclencher des tirs, est contrôlé à distance et n'est pas létal, selon l'armée.

«Créer de l'anxiété»

Interrogée par l'AFP sur cet outil et sur le nombre de colonies et de postes de contrôle équipés des systèmes "Wolf", l'armée n'a pas répondu.

L'automatisation fait "gagner en efficacité" ce qui "facilite l'occupation" au prix d'une "déshumanisation" des Palestiniens, relève l'ONG israélienne de vétérans Breaking the silence.

"Le propre du système est de créer de l'anxiété et de la peur. Nos comportements et nos déplacements sont scrutés. Il existe aussi un système qui scanne nos plaques d'immatriculation", dénonce de son côté Adel, un défenseur des droits humains qui utilise un prénom d'emprunt.

Il habite Jérusalem-est, où la reconnaissance faciale est notamment appliquée, selon lui, pendant les manifestations.

"Un jour, lors d'un contrôle, des pages entières de données sont apparues sur la tablette" que consultaient les soldats, ajoute Adel: "Ils m'ont parlé d'une arrestation vieille de plusieurs années et pour laquelle j'avais été innocenté par la justice".

L'ambiance s'est encore tendue depuis le 7 octobre, date de l'attaque du Hamas sur Israël, qui a entraîné la mort de plus de 1.160 personnes, en majorité des civils, selon un décompte de l'AFP à partir de données officielles israéliennes.

En riposte, Israël a lancé une offensive militaire dans la bande de Gaza qui a fait plus de 27 000 morts, en grande majorité des civils, selon le ministère de la Santé du mouvement islamiste palestinien.

A la mi-novembre, des allégations sur l'usage de la reconnaissance faciale ont émergé à Gaza: des vidéos ont montré une foule de Palestiniens fuyant vers le sud en passant à travers des portiques. L'agence palestinienne Wafa a pour sa part fait mention de caméras "intelligentes" dans la cour de l'hôpital al-Chifa.

L'armée, elle, indique "mener des opérations de sécurité et de renseignements" dans le cadre de la guerre.

Par le passé, elle avait déjà évoqué des systèmes autonomes, notamment des drones et des jeeps robotisées pour patrouiller le long de la frontière avec Gaza.

C'est justement des caméras et des mitrailleuses actionnables à distance que les commandos du Hamas ont détruit en premier, le 7 octobre.


Liban: le chef de l'Etat demande à l'armée de «s'opposer à toute incursion israélienne»

Le président libanais Joseph Aoun a demandé jeudi à l'armée de "s'opposer à toute incursion israélienne", après la mort d'un employé municipal d'un village du sud du Liban où une unité israélienne a pénétré pendant la nuit. (AFP)
Le président libanais Joseph Aoun a demandé jeudi à l'armée de "s'opposer à toute incursion israélienne", après la mort d'un employé municipal d'un village du sud du Liban où une unité israélienne a pénétré pendant la nuit. (AFP)
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  • Dans un communiqué, le chef de l'Etat a condamné cette opération et "demandé à l'armée de faire face à toute incursion israélienne (...) pour défendre le territoire libanais et la sécurité des citoyens"
  • Selon l'Agence nationale d'information (Ani, officielle), "dans une agression grave et sans précédent", une unité israélienne "appuyée par des véhicules a effectué une incursion dans le village de Blida, à plus d'un kilomètre de la frontière"

BERYROUTH: Le président libanais Joseph Aoun a demandé jeudi à l'armée de "s'opposer à toute incursion israélienne", après la mort d'un employé municipal d'un village du sud du Liban où une unité israélienne a pénétré pendant la nuit.

Dans un communiqué, le chef de l'Etat a condamné cette opération et "demandé à l'armée de faire face à toute incursion israélienne (...) pour défendre le territoire libanais et la sécurité des citoyens".

Selon l'Agence nationale d'information (Ani, officielle), "dans une agression grave et sans précédent", une unité israélienne "appuyée par des véhicules a effectué une incursion dans le village de Blida, à plus d'un kilomètre de la frontière".

Cette unité "a investi le bâtiment de la municipalité du village, où dormait Ibrahim Salamé, un employé municipal, qui a été tué par les soldats de l'ennemi", a ajouté l'Ani.

Le ministère de la Santé a confirmé la mort de l'employé municipal.

Des villageois cités par l'Ani ont indiqué que l'incursion avait duré plusieurs heures et que les forces israéliennes s'étaient retirées à l'aube.

Sur X, le Premier ministre libanais Nawaf Salam a dénoncé "une agression flagrante contre les institutions de l'Etat libanais et sa souveraineté".


Liban: incursion israélienne dans un village frontalier, un employé municipal tué

Un employé municipal a été tué jeudi, selon le ministère libanais de la Santé, lors d'une incursion israélienne nocturne dans un village du sud du Liban, confirmée par Israël qui a affirmé agir contre le Hezbollah pro-iranien. (AFP)
Un employé municipal a été tué jeudi, selon le ministère libanais de la Santé, lors d'une incursion israélienne nocturne dans un village du sud du Liban, confirmée par Israël qui a affirmé agir contre le Hezbollah pro-iranien. (AFP)
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  • En vertu d'un cessez-le-feu qui a mis fin en novembre 2024 à la guerre entre le Hezbollah et Israël, ce pays a retiré ses troupes du sud du Liban mais continue d'occuper cinq points sur le territoire libanais, frontalier du nord d'Israël
  • Selon l'Agence nationale d'information (Ani, officielle), "dans une agression grave et sans précédent", une unité israélienne "appuyée par des véhicules a effectué une incursion dans le village de Blida, à plus d'un kilomètre de la frontière"

BEYROUTH: Un employé municipal a été tué jeudi, selon le ministère libanais de la Santé, lors d'une incursion israélienne nocturne dans un village du sud du Liban, confirmée par Israël qui a affirmé agir contre le Hezbollah pro-iranien.

En vertu d'un cessez-le-feu qui a mis fin en novembre 2024 à la guerre entre le Hezbollah et Israël, ce pays a retiré ses troupes du sud du Liban mais continue d'occuper cinq points sur le territoire libanais, frontalier du nord d'Israël.

Selon l'Agence nationale d'information (Ani, officielle), "dans une agression grave et sans précédent", une unité israélienne "appuyée par des véhicules a effectué une incursion dans le village de Blida, à plus d'un kilomètre de la frontière".

Cette unité "a investi le bâtiment de la municipalité du village, où dormait Ibrahim Salamé, un employé municipal, qui a été tué par les soldats de l'ennemi", a ajouté l'Ani.

Le ministère de la Santé a confirmé la mort de l'employé municipal.

Des villageois cités par l'Ani ont indiqué que l'incursion avait duré plusieurs heures et que les forces israéliennes s'étaient retirées à l'aube.

Sur X, le Premier ministre libanais Nawaf Salam a dénoncé "une agression flagrante contre les institutions de l'Etat libanais et sa souveraineté".

L'armée israélienne a confirmé avoir mené cette incursion, affirmant qu'elle intervenait dans le cadre de ses "activités visant à détruire une infrastructure terroriste" du Hezbollah.

Elle a ajouté que l'unité avait "repéré un suspect à l'intérieur du bâtiment" de la municipalité et ouvert le feu après avoir identifié "une menace directe" sur les soldats.

L'incident "fait l'objet d'une enquête", selon l'armée.

Dans un autre village frontalier, Adaissé, une unité israélienne a dynamité un bâtiment servant à abriter des cérémonies religieuses, selon l'Ani.

Ces derniers jours, l'aviation israélienne a intensifié ses frappes au Liban, affirmant viser des membres ou des infrastructures du Hezbollah.

Mardi, le porte-parole du Haut-Commissariat de l'ONU aux droits de l'Homme, Jeremy Laurence, a indiqué que 111 civils avaient été tués au Liban par les forces israéliennes depuis la fin de la guerre.

Le Hezbollah est sorti très affaibli du conflit et les Etats-Unis exercent une intense pression sur le gouvernement libanais pour qu'il livre ses armes à l'armée nationale, ce qu'il refuse jusqu'à présent.

Le mécanisme de surveillance du cessez-le-feu, qui regroupe outre le Liban et Israël, les Etats-Unis, la France et l'ONU, s'est réuni mercredi dans la localité frontalière de Naqoura, qui abrite le quartier général des forces de l'ONU.

L'émissaire américaine Morgan Ortagus a déclaré au cours de la réunion que "l'armée libanaise doit à présent exécuter entièrement son plan" visant à "placer toutes les armes sous le contrôle de l'Etat d'ici la fin de l'année".


Soudan: l'ONU appelle à mettre un terme au siège d'El-Facher après une tuerie dans une maternité

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  • Le chef des paramilitaires soudanais Mohamed Daglo a reconnu mercredi soir une "catastrophe" dans la ville, assurant: "La guerre nous a été imposée"
  • Antonio Guterres s'est dit "gravement préoccupé par l'escalade militaire récente" à El-Facher, appelant à "mettre un terme immédiatement au siège et aux hostilités"

PORT-SOUDAN: Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a appelé jeudi à mettre un terme à l'"escalade militaire" au Soudan, après le meurtre de plus de 460 personnes dans une maternité à El-Facher, ville clé prise par les forces paramilitaires.

Les informations se multiplient sur des exactions massives depuis que les Forces de soutien rapide (FSR, paramilitaires) ont pris dimanche, après 18 mois de siège, cette dernière grande ville qui échappait à leur contrôle dans la vaste région du Darfour, où "les massacres continuent" selon des images satellite analysées par le Humanitarian Research Lab (HRL) de l'université Yale.

Le chef des paramilitaires soudanais Mohamed Daglo a reconnu mercredi soir une "catastrophe" dans la ville, assurant: "La guerre nous a été imposée".

Antonio Guterres s'est dit "gravement préoccupé par l'escalade militaire récente" à El-Facher, appelant à "mettre un terme immédiatement au siège et aux hostilités".

L'Organisation mondiale de la santé (OMS) s'est dite "consternée par les informations faisant état du meurtre tragique de plus de 460 patients et accompagnateurs à la maternité saoudienne d'El-Facher". Selon l'institution, cette maternité était le seul hôpital encore partiellement opérationnel dans la ville.

Après la prise d'El-Facher à leurs rivaux, l'armée du général Abdel Fattah al-Burhane, les FSR contrôlent désormais l'ensemble du Darfour, vaste région de l'ouest du Soudan couvrant le tiers du pays.

Les communications satellite restent coupées -sauf pour les FSR qui contrôlent le réseau Starlink-, les accès d'El-Facher restent bloqués malgré les appels à ouvrir des corridors humanitaires. Dans ce contexte, il est extrêmement compliqué de joindre des sources locales indépendantes.

Maîtres du Darfour 

"Plus de 2.000 civils ont été tués au cours de l'invasion de la milice (des FSR) à El-Facher, ciblant les mosquées et les volontaires du Croissant-Rouge", a pour sa part affirmé Mona Nour Al-Daem, chargée de l'aide humanitaire au gouvernement pro-armée.

A El-Facher, le comité de résistance local, qui documente les exactions depuis le début du conflit, a rapporté mercredi soir avoir entendu des tirs dans l'ouest de la ville, "où quelques soldats restants combattent avec (...) ténacité".

Depuis dimanche, plus de 36.000 personnes ont fui les violences, majoritairement vers la périphérie d'El-Facher et vers Tawila, cité située à 70 km plus à l'ouest et qui était déjà la plus importante zone d'accueil du Soudan, selon l'ONU, avec plus de 650.000 déplacés.

De rares images de l'AFP en provenance de Tawila montrent des déplacés portant leurs affaires sur leur dos ou sur leur tête. Certains montent des tentes, d'autres, parfois blessés, sont assis dans des conditions précaires.

Le Haut-Commissariat de l'ONU aux droits de l'homme a alerté sur le "risque croissant d'atrocités motivées par des considérations ethniques" en rappelant le passé du Darfour, ensanglanté au début des années 2000 par les massacres et les viols des milices arabes Janjawid, dont sont issues les FSR, contre les tribus locales Massalit, Four ou Zaghawa.

"Unité" 

Les FSR, qui ont installé au Darfour une administration parallèle, contrôlent désormais l'ouest du Soudan et certaines parties du sud, avec leurs alliés. L'armée contrôle le nord, l'est et le centre du troisième plus vaste pays d'Afrique, ravagé par plus de deux ans de guerre.

Des experts craignent une nouvelle partition du Soudan, après l'indépendance du Soudan du Sud en 2011. Mais le chef des FSR a affirmé mercredi que la prise complète du Darfour par ses forces favoriserait "l'unité" du pays.

"La libération d'El-Facher est une opportunité pour l'unité du Soudan et nous disons : l'unité du Soudan par la paix ou par la guerre", a déclaré M. Daglo mercredi.

Les pourparlers menés depuis plusieurs mois par le groupe dit du "Quad", qui réunit les Etats-Unis, l'Egypte, les Emirats arabes Unis et l'Arabie saoudite, sont restés dans l'impasse, selon un responsable proche des négociations.

Leurs propositions de trêve se heurtent, selon lui, "à l'obstructionnisme continu" du pouvoir de M. Burhane, qui a refusé en septembre une proposition prévoyant à la fois son exclusion et celle des FSR de la transition politique post-conflit.