La communauté internationale absente au moment le plus crucial

Un Palestinien court se mettre à l'abri pour échapper aux frappes aériennes israéliennes sur Gaza. (Photo, Reuters)
Un Palestinien court se mettre à l'abri pour échapper aux frappes aériennes israéliennes sur Gaza. (Photo, Reuters)
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Publié le Vendredi 21 mai 2021

La communauté internationale absente au moment le plus crucial

 La communauté internationale absente au moment le plus crucial
  • Un nombre croissant de membres du Congrès, principalement des démocrates, ont poussé l'administration Biden à agir rapidement pour instaurer un cessez-le-feu
  • Il est du devoir et de la responsabilité de la communauté internationale de tirer les leçons de ses erreurs passées et d’arrêter immédiatement la violence

Lorsque la violence éclate entre Israéliens et Palestiniens, la communauté internationale se trouve confrontée à des concepts tels que le maintien de la paix, la responsabilité collective et le devoir de protection. À ce jour, tous ceux pour qui il est nécessaire que ces concepts se concrétisent en actes afin de préserver leur vie et celle de leurs proches découvrent que le monde agit de manière très lente et qu’il semble presque indifférent à leur sort.

En ce moment, le Hamas et le Jihad islamique lancent des milliers de roquettes au cœur d’Israël et ce dernier cible Gaza avec une force de frappe supérieure, notamment dans le domaine aérien. Dans ce conflit asymétrique, la mort et les souffrances causées par l'armée israélienne sont infiniment plus importantes que celles que les mouvements fondamentalistes, à Gaza, infligent à Israël.

Cependant, aucun de ces protagonistes ne doit bénéficier de l’appui de la communauté internationale pour les atrocités qu’il commet. Le fait de cibler des civils ou d’évoquer leur mort avec des euphémismes déplorables, comme «dommages collatéraux» ou «boucliers humains», devrait inciter ceux qui se soucient des normes du comportement humain, en particulier en temps de guerre, à élever la voix et à faire pression sur les protagonistes pour faire taire leurs armes.

Lorsque l’on s’immerge dans le conflit israélo-palestinien, y compris celui avec le Hamas, il est impératif de considérer la situation dans son ensemble, même quand les lieux semblent ponctuellement gagnés par la folie furieuse. L'échec collectif se trouve illustré par l'incapacité du Conseil de sécurité de l'ONU à adopter une résolution exigeant un cessez-le-feu, l’appel réservé des États-Unis à mettre fin aux hostilités et par la tergiversation de l'Union européenne. Cette dernière est allée jusqu’à convoquer une réunion afin d’aborder la question plus d'une semaine après le début des destructions.

Cet échec est à la fois pathétique et criminel. Pourtant, une telle réticence à traiter les problèmes sous-jacents qui alimentent ce conflit depuis plus d'un siècle est doublement révélatrice de l'impuissance et de la négligence des puissances extérieures – délibérées, pour certaines d’entre elles – vis-à-vis d’une situation manifestement explosive.

Si un cessez-le-feu s’avère désespérément nécessaire, c'est la manière dont le conflit est géré après les combats par ces mêmes puissances qui l’influencent, parmi lesquelles des puissances régionales, qui peut faire la différence. Malheureusement, l’histoire nous apprend que, chaque fois qu’un cessez-le-feu est conclu, pour diverses raisons, la communauté internationale se détourne dans son ensemble, ouvrant la voie à un nouveau cycle de violence. Cela signifie que les conditions qui rendent le conflit israélo-palestinien insoluble ne sont jamais abordées.

Et pourtant, la communauté internationale saisit la corrélation entre le blocus inhumain de Gaza par Israël, son occupation de la Cisjordanie, l'expansion de ses colonies là-bas, et la colère des Palestiniens, qui conduit soit à la radicalisation, soit du moins à un accord tacite, voire à une indifférence à l’égard de ce phénomène. Or le Hamas, qui se montre tyrannique dans son pays et qui cible lamentablement les civils israéliens, n'est cependant pas à l’origine du conflit: il n’est que le résultat du fait que cette guerre n'a jamais été résolue de manière satisfaisante. C’est pourquoi la communauté internationale doit endosser une part de la responsabilité, ainsi que les protagonistes eux-mêmes, pour avoir si peu appris des cycles précédents, si semblables, d’effusion de sang entre le Hamas et Israël.

L’un des aspects inquiétants de l'approche actuelle de la communauté internationale et de son bras principal désigné pour maintenir et restaurer la paix et la sécurité – le Conseil de sécurité des Nations unies – réside dans le fait qu'il n'est pas orienté vers la prévention des conflits, la résolution ou la consolidation de la paix, mais plutôt axé sur la gestion des conflits. C'est ce manque d'aspiration et d'imagination qui autorise les divisions internationales en place et les rivalités entre les grandes puissances à placer la barre si bas. Cette fois, ce sont les États-Unis qui retardent une résolution du Conseil de sécurité, essentiellement pour permettre à Israël d’«atteindre» ses objectifs militaires, mais d'autres membres ne peuvent pas, eux, se résoudre à soutenir une résolution qui mentionne le déluge de roquettes du Hamas et du Jihad islamique contre des centres de population civile en Israël.

Nous sommes déjà entrés dans la deuxième semaine de combats. Il y a eu des signes encourageants aux États-Unis: un nombre croissant de membres du Congrès, principalement des démocrates, ont poussé l'administration Biden à agir rapidement pour instaurer un cessez-le-feu. Beaucoup se sont élevés contre la force excessive utilisée par Israël, qui a déjà entraîné la mort de nombreux civils, parmi lesquels des enfants, et qui a causé des ravages généralisés, qui ne se limitaient pas forcément aux zones où la présence du Hamas était clairement établie.

Le président Joe Biden et d'autres responsables américains utilisent l’idée reçue selon laquelle Israël a le droit de se défendre. Il est évident que le fait de défendre ses citoyens ne constitue pas seulement le droit d'un gouvernement, mais une obligation et un devoir essentiels. Cependant, le faire d'une manière qui pourrait mener Israël, autant que le Hamas, à une nouvelle enquête de la Cour pénale internationale donne du poids à tous les éléments négatifs du conflit, fait perdre au processus son humanité, et ne fait qu'exposer son incapacité à vaincre militairement le Hamas et le Jihad islamique, quelle que soit la force avec laquelle il frappe les deux organisations.

Le système mondial n'est pas centré sur la prévention, le règlement ou la consolidation de la paix des conflits, mais est plutôt axé sur la gestion des conflits.

Yossi Mekelberg

Cette séquence sert la droite, et en particulier l'extrême droite, en Israël et pourrait avoir pour conséquence de sauver le Premier ministre, Benjamin Netanyahou, de la seule et unique expulsion qui devrait avoir lieu en ce moment à Jérusalem: sa propre expulsion, avec sa famille, de la résidence officielle du Premier ministre. La communauté internationale ne tient certainement pas à renforcer les éléments les plus extrêmes des deux communautés; ceux qui ont tout intérêt à prolonger le conflit pour justifier leur existence en tant que défenseurs de leur peuple contre ce qu'ils perçoivent comme un ennemi cruel et absolu.

Il est du devoir et de la responsabilité de la communauté internationale de tirer les leçons de ses erreurs passées et d’arrêter immédiatement la violence. Elle doit ensuite agir rapidement et de manière déterminée pour désamorcer les éléments déclencheurs de la récente flambée de violence, parmi lesquels les expulsions à Sheikh Jarrah et le fait que l’on interdise aux habitants de Jérusalem-Est de voter aux élections palestiniennes. Cependant, les organisations internationales devraient également cesser de se contenter de gérer le conflit et agir de manière rapide et déterminée pour rassembler les parties afin de sortir de l’impasse dans laquelle se trouve processus de paix. Cela seul peut vaincre les extrémistes ethno-religieux par opposition à la puissance militaire ou les roquettes.

 

Yossi Mekelberg est professeur de relations internationales et chercheur associé du programme Mena à Chatham House. Il contribue régulièrement aux médias internationaux écrits et électroniques.

Twitter: @YMekelberg

 

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français