Un climat extrême exige une réponse extrême

 Les températures ne sont pas uniquement plus élevées mais leur intensité dure aussi plus longtemps.
Les températures ne sont pas uniquement plus élevées mais leur intensité dure aussi plus longtemps.
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Publié le Vendredi 06 août 2021

Un climat extrême exige une réponse extrême

Un climat extrême exige une réponse extrême
  • Les records de chaleur sont battus plus rapidement que les records olympiques
  • Ces phénomènes ne risquent pas de disparaître. Il faudra maîtriser les feux de forêt et les gens devront adapter leur mode de vie à la chaleur extrême

Alors qu’il visitait les lieux ravagés par les incendies à Marmaris, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, a délicatement lancé des boîtes de thé en direction des sinistrés depuis le bus où il circulait. Certes, l’intention était bonne mais cet acte résume la réaction politique mondiale aux phénomènes météorologiques extrêmes et au changement climatique. Les dirigeants savent que le problème se situe à l’extrémité désastreuse de la chaîne mais privilégient les vœux pieux et les promesses aléatoires dès que le besoin s'en fait sentir.

Au vu de tous les phénomènes météorologiques extrêmes à travers le monde, on peut se demander si ce terme ne devrait pas être modifié. À quel stade les événements météorologiques extrêmes deviennent-ils des événements météorologiques mortels mais «normaux»? Le climat modéré deviendra-t-il très rare? Certains phénomènes extrêmes auront une incidence majeure sur la vie humaine, d’autres moins, mais tous reflètent une certaine tendance.

Attardons-nous un moment sur ces quelques dernières semaines. Les inondations ne se limitent pas uniquement au Bangladesh. Elles ont largement touché l’Allemagne, la Belgique et les Pays-Bas, tandis que Londres a connu des crues soudaines fin juillet. Des pluies torrentielles ont entraîné des inondations et des coulées de boue dans plusieurs villes autour du magnifique lac de Côme au nord de l’Italie. De violentes tempêtes de grêle se sont par ailleurs abattues sur le pays; la dernière a touché Bologne, entraînant un déluge de blocs de glace aussi gros que des balles de tennis. La Chine a également été frappée par des pluies torrentielles et, à Zhengzhou, il a plu l’équivalent de huit mois en une seule journée. En juillet également, près de cent cinquante personnes auraient péri dans une crue éclair au nord-est de l’Afghanistan. Les fortes pluies de mousson ont tué plus de cent personnes dans l’ouest de l’Inde.

Si les inondations augmentent, c’est parce que l’air chaud peut transporter plus d’eau. Les scientifiques prédisent également, dans certaines régions, une diminution du volume global des précipitations, même si les inondations et les énormes pluies torrentielles pourraient augmenter. Les précipitations seraient simplement plus soudaines.

Les feux de forêt, eux, font actuellement rage. Le plus grand incendie actuel aux États-Unis embrase l’Oregon depuis le 6 juillet. L’Extrême-Orient russe a été victime de plus de deux cents incendies. Les pompiers turcs sont débordés et les dizaines d’incendies qui se sont déclenchés ont tué au moins huit personnes. Les habitants de Catane savent que l’Etna risque d’entrer en éruption mais les pompiers siciliens ont du mal à contenir les innombrables feux qui menacent la ville. Rien de cela n’est le fruit du hasard.

Les records de chaleur sont battus plus fréquemment que les records olympiques. Les températures ne sont pas uniquement plus élevées mais leur intensité dure aussi plus longtemps. Le Moyen-Orient a peut-être l’habitude des températures extrêmes mais pas l’ouest du Canada où le thermomètre a affiché 49,6 degrés Celsius cet été, battant le record maximal de tous les temps par cinq degrés Celsius. La ville dans laquelle cette température a été enregistrée a été presque rasée par les incendies de forêt. De nouveaux records de chaleur ont également été établis en Turquie, en Finlande et en Estonie, entre autres. En 2021, les États-Unis ont connu le mois de juin le plus chaud depuis plus d’un siècle tandis que 95 % de l’ouest du pays souffre de sécheresse.

«Ce qui est particulièrement alarmant pour ceux qui y prêtent attention, c’est que les modèles de haut niveau de changement climatique semblent en avoir sous-estimé l’impact.»- Chris Doyle

Peut-on attribuer avec certitude n’importe quel exemple de conditions météorologiques extrêmes au changement climatique? Certainement pas. Cependant, la fréquence et les schémas de tels phénomènes le démontrent clairement, et la communauté scientifique est de plus en plus unie et inquiète.

Ce qui est particulièrement alarmant pour ceux qui y prêtent attention, c’est que les modèles de haut niveau de changement climatique semblent en avoir sous-estimé l’impact. L’ampleur du défi de la modélisation est considérable, en raison notamment de la variabilité du climat mondial, comme le phénomène El Niño et l’affaiblissement du courant-jet à travers l’Atlantique. Prédire la configuration des vents ou les changements de la hauteur de houle est extrêmement difficile. Il est cependant impossible de comprendre les inondations et les feux de forêt de manière isolée. Ils sont souvent le fruit de ce qu’on appelle aujourd’hui des «événements composés». Chaque aspect du climat et ce qui l’affecte doit être compris et, souvent, les relevés historiques sont insuffisants pour générer des données crédibles. Si les scientifiques tirent la sonnette d’alarme trop tôt, ils perdent leur crédibilité. Lorsqu’ils sous-estiment le problème, on le leur reproche.

On peut se demander ce que les dirigeants et les leaders d’opinion ont besoin de voir afin de non seulement passer à l’action, mais aussi prendre des mesures drastiques. Les phénomènes extrêmes nécessitent des remèdes extrêmes. Ils devraient être soutenus par des recherches, des efforts et des investissements. Il faudrait une volonté politique débordante et ciblée.

Un moyen de convaincre les politiques, les grandes entreprises et les peuples à l’échelle mondiale est d’exposer les coûts. C’est ce qui fait tourner le monde. À titre d’exemple, les inondations qui ont touché la province du Henan en Chine ont causé 14 milliards de dollars américains de dégâts, soit près de 12 milliards d’euros. Les assureurs tiennent, en grande partie, un discours alarmiste à ce sujet mais d’autres secteurs d’activité appelleront également à prendre des mesures extrêmes. Les agriculteurs sont fortement touchés par les violentes tempêtes de grêle qui détruisent leurs récoltes, notamment les fruits délicats. Le changement de la durée et du moment des saisons affecte également la production agricole. L’augmentation des températures assèche les sols et conduit même à la désertification.

Les pays doivent commencer à se préparer. Ces phénomènes ne risquent pas de disparaître. Il faudra maîtriser les feux de forêt et les gens devront adapter leur mode de vie à la chaleur extrême. Nous devrions hésiter davantage à construire sur des plaines inondables. Dans un quartier de Hambourg, les bâtiments sont actuellement édifiés sur des socles surélevés. Tous les rez-de-chaussée des immeubles sont ainsi protégés. De telles méthodes doivent être adoptées ailleurs. Nous devons abandonner l’idée que ces phénomènes sont bizarres et n’arrivent qu’aux autres. Les scientifiques ne cessent de le répéter: ces phénomènes peuvent se produire – et se produiront – partout.

Nous devrions peut-être considérer ces phénomènes comme des avertissements de la planète en cas de catastrophe. Nous devons agir maintenant.

 

Chris Doyle est le directeur du Council for Arab-British Understanding, situé à Londres.

Twitter : @Doylech 

NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com