Dans la nouvelle économie non pétrolière, l'Iran est à la traîne

Des torchères de gaz se dégagent d'une station de forage dans les champs pétrolifères de Soroush. (REUTERS/ Photo d’archive)
Des torchères de gaz se dégagent d'une station de forage dans les champs pétrolifères de Soroush. (REUTERS/ Photo d’archive)
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Publié le Lundi 09 août 2021

Dans la nouvelle économie non pétrolière, l'Iran est à la traîne

Dans la nouvelle économie non pétrolière, l'Iran est à la traîne
  • Depuis qu'ils ont entrepris de pomper le pétrole, les pays du Golfe aspirent à diversifier leur économie
  • La pandémie de Covid-19 a provoqué l’accélération de la course à la diversité économique dans les pays du Golfe

Les pays du Moyen-Orient, en particulier les pays riches en pétrole, accordent une grande importance à la diversification économique. Seul le régime iranien dépend lourdement des revenus du pétrole pour financer ses dépenses. L'Iran détient en effet la deuxième plus grande réserve de gaz naturel du monde et la quatrième réserve de pétrole brut. Ainsi, les revenus tirés de ces ressources dépassent les 80 % des recettes d'exportation du pays.

Nombreux sont les dirigeants iraniens qui ont fait allusion à la forte dépendance de l'Iran vis-à-vis des exportations de pétrole. L'ancien président, Hassan Rohani, a admis cette situation la semaine dernière: «Outre les revenus que nous tirons d'autres sources, le seul revenu qui permet au pays de continuer à fonctionner provient des revenus du pétrole.» Il a également précisé que «jamais auparavant nous n'avons eu autant de mal à vendre du pétrole. Nous n'avons jamais eu autant de difficultés à faire naviguer notre flotte de pétroliers... Comment donc gérer le pays s’il devient si compliqué de vendre notre pétrole?»

Depuis qu'ils ont entrepris de pomper le pétrole, les pays du Golfe aspirent à diversifier leur économie. Nonobstant les énormes richesses que procure l'«or noir», les gouvernements qui se sont succédé dans les pays du Conseil de coopération du Golfe (CCG) sont conscients depuis fort longtemps que les richesses issues du pétrole ne peuvent pas perdurer. La pandémie de Covid-19 est venue illustrer, pour la première fois, ce que leur réserve l’avenir: les prix sont tombés à des niveaux record au moment où le monde sombrait dans un confinement généralisé.

Donner un coup de fouet aux industries locales basées sur la connaissance est ainsi devenu, pour la première fois sans doute, une priorité économique, plutôt qu'un luxe opportun. Selon le contrat social officieux passé entre les gouvernements des pays du Golfe et leurs peuples, les revenus pétroliers assurent la pérennité du niveau de vie élevé dont ces derniers bénéficient. Il ne fait aucun doute que le pétrole constitue un facteur important qui procure à ces pays un climat de stabilité par rapport à certains de leurs voisins. Par ailleurs, il serait absurde d'imaginer que, dans un avenir proche, le pétrole cessera de jouer un rôle prépondérant dans la vie économique, en particulier lorsque le monde retrouvera son dynamisme une fois la pandémie vaincue.

Il n'en reste pas moins que la pandémie a radicalement bouleversé la situation économique du Moyen-Orient. Je pense que le Golfe est bien placé pour entamer un rapide redressement économique, en dépit de l’augmentation du nombre de cas d’infections au coronavirus. Les dernières prévisions économiques ont été révisées à la hausse: le CCG devrait connaître une croissance de 2 à 3 % pour cette année mais aussi de plus fortes progressions en 2022, ce qui le place au-dessus de tous les pays du monde. Ces résultats découlent du vaste programme de vaccination accéléré qui a permis la reprise des voyages et des activités commerciales plus rapidement que prévu.

Donner un coup de fouet aux industries locales basées sur la connaissance est ainsi devenu, pour la première fois sans doute, une priorité économique, plutôt qu'un luxe opportun.

Dr. Majid Rafizadeh

L'intérêt mondial pour les vaccins explique probablement la décision de l'Arabie saoudite de construire, en partenariat avec la société argentine Biogenesis Bago, la première usine de production de vaccins pour animaux de la région, dont le coût s'élève à 60 millions de dollars (1 dollar = 0,85 euro). De son côté, Dubaï a annoncé au mois de janvier qu'elle accueillerait de nouveau les touristes. Ainsi, au moment où le reste du monde était verrouillé, Dubaï a enregistré des résultats économiques largement comparables à ceux observés avant la pandémie. Si les campagnes de vaccination semblent indispensables afin d’améliorer les performances économiques sur le court terme, elles laissent également présager la nature de la diversification de l'économie des pays du Golfe. La vaccination a entraîné la mise en place d'une industrie de recherche et de production médicales unique en son genre dans la région. Les Émirats arabes unis (EAU) ont à leur tour créé la première entreprise de production de vaccins de la région et ont réalisé les premiers essais pour le vaccin chinois Sinopharm au Moyen-Orient.

Ces initiatives aident certes le Golfe à affronter la tempête de la pandémie, mais elles jettent aussi les bases d'un nouveau contrat social dans la région. En effet, les jeunes du Golfe, qui ont un niveau d'éducation élevé, réclament de plus en plus d’emplois de haut niveau axés sur la connaissance. Selon l’Arab Youth Survey (enquête sur la jeunesse arabe réalisée par l’agence Asda’a bcw), 87 % des jeunes Arabes se disent préoccupés par le chômage: ils comptent donc sur leurs gouvernements pour leur fournir des emplois de qualité plutôt que de leur assurer un niveau de vie élémentaire.  

Le facteur le plus favorable dans les pays du CCG tient au fait que certaines industries non pétrolières commencent à s'établir solidement, plutôt que de se contenter d'exister. Prenons l'exemple du Bahreïn, dans lequel le secteur des finances génère près de 20 % du produit intérieur brut (PIB) et est en passe de devenir une plaque tournante du secteur financier dans la région.

Nombreux sont les exemples et les modèles qu'offre le Golfe aux autres pays qui dépendent du pétrole. À l'avenir, les économies exemplaires de la région ne seront pas celles qui pomperont le pétrole de manière efficace afin de le transporter à toute vitesse aux quatre coins du monde. Il s'agira plutôt des économies capables de développer des industries de pointe fondées sur la connaissance qui fourniront des emplois novateurs et qualifiés à leurs jeunes populations.

Les États arabes du Golfe s'efforcent de diversifier leur économie par une série de mesures, chose que le gouvernement iranien se refuse à faire. La pandémie a sans aucun doute accru l'urgence de faire de la diversité économique dans le Golfe plus qu'une vision impressionnante et quelques présentations PowerPoint bien conçues. Par nécessité, elle a permis de concrétiser plus rapidement ces visions sur le terrain dans des villes comme Djeddah, Abu Dhabi et Manama. En d'autres termes, la pandémie de Covid-19 a provoqué l’accélération de la course à la diversité économique dans les pays du Golfe.

 

Dr. Majid Rafizadeh est un politologue irano-américain formé à Harvard.

Twitter : @Dr_Rafizadeh

 

NDRL : L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com