Tokyo mérite une médaille d'or pour sa performance héroïque aux JO

Miraitowa, la mascotte des Jeux de Tokyo 2020, lors d'une cérémonie d'inauguration du symbole olympique sur le mont Takao à Hachioji, à l'ouest de Tokyo, au Japon, le 14 avril 2021. (Reuters)
Miraitowa, la mascotte des Jeux de Tokyo 2020, lors d'une cérémonie d'inauguration du symbole olympique sur le mont Takao à Hachioji, à l'ouest de Tokyo, au Japon, le 14 avril 2021. (Reuters)
Short Url
Publié le Mardi 10 août 2021

Tokyo mérite une médaille d'or pour sa performance héroïque aux JO

Tokyo mérite une médaille d'or pour sa performance héroïque aux JO
  • Voilà donc terminés les dix-sept jours des Jeux les plus exceptionnels et les plus difficiles de l'Histoire des jeux Olympiques modernes, vieux de cent vingt-cinq ans
  • Les JO de Tokyo ont donné un coup de fouet bienvenu au moral de la population mondiale. Ils ont montré que nous sommes plus forts quand nous nous unissons

En 1940, Tokyo devait accueillir la douzième olympiade. Deux ans plus tôt, la capitale japonaise était contrainte de se retirer en raison de la deuxième guerre sino-japonaise. La décision de maintenir les jeux Olympiques (JO) de 2020 au beau milieu de cette nouvelle crise mondiale mérite d'être saluée. Au moment où le Japon déclarait l'état d'urgence au niveau national, l'annulation était envisageable à quelques jours du début des JO.

Voilà donc terminés les dix-sept jours des Jeux les plus exceptionnels et les plus difficiles de l'Histoire des jeux Olympiques modernes, vieux de cent vingt-cinq ans.

Il ne faut pas sous-estimer l'importance de ces Jeux dans un contexte de pandémie de cette envergure. Néanmoins, je ne crois pas que Tokyo, le peuple japonais et les organisateurs seront applaudis comme ils le méritent, et je doute que la plupart des gens comprennent la difficulté de cet événement pour les athlètes, les entraîneurs et les équipes.

Les responsables méritent des médailles d'or. Il convient également de saluer les responsables de la santé pour avoir endigué les ravages de la pandémie de Covid-19, en isolant les athlètes et leurs équipes et en veillant à la sécurité du public. Pour couronner le tout, ce furent les Jeux les plus chauds de l'Histoire olympique. Or, ce record risque d'être battu si les effets du changement climatique gagnent en intensité dans les années à venir.

En dépit de ces circonstances particulièrement rudes, ces JO ont été un succès. Ils ont réconforté et distrait les téléspectateurs aux quatre coins du monde. La pandémie ne faisait plus la une des journaux chaque jour. Les plaintes habituelles ont été émises, mais l'on peut dire que la ville de Tokyo a tenu ses promesses, avec très peu de gaffes et de scandales qui ont marqué les Jeux précédents. Les équipes nord-coréennes ont évité la honte de se présenter sous le drapeau de la Corée du Sud, comme en 2012. Les nageurs américains n'ont pas vandalisé une station-service comme ce fut le cas à Rio en 2016.

En 1996, Atlanta a souffert d'importants problèmes de circulation, au point que les athlètes n'ont pas pu rejoindre leurs sites à temps.

Au Japon, l'opinion publique était sceptique à l'égard des JO, et de nombreuses personnes se sont opposées à la tenue de l'événement cette année. À la veille de la cérémonie d'ouverture, deux tiers des Japonais ne pensaient pas les autorités capables de préserver le pays d'une nouvelle flambée de coronavirus, dans la mesure où le Japon n'a pu vacciner que 20 % de sa population. Toutefois, l'opinion publique a évolué en faveur des JO, à mesure que les Jeux progressaient. 

Mais quelle sera la réaction des Japonais lorsque les coûts réels seront révélés? L'organisation de ces Jeux a coûté 15 milliards de dollars (1 dollar = 0,85 euro), soit deux fois plus que le budget prévu. La réalité est que, pour la plupart des villes hôtes, les JO représentent une perte économique. Concernant le Japon, la douleur économique s'ajoutera aux conséquences de la pandémie. Une bonne partie des dépenses est imputable aux mesures supplémentaires prises, aux frais d'annulation, sans oublier l'absence de spectateurs. Par ailleurs, le Japon ne profitera pas des retombées positives qu'il espérait, en particulier la relance du tourisme. Le pays du Soleil-Levant n'a pas su profiter de la promotion qui accompagne d'ordinaire les JO.

Comme toujours, les questions politiques sont apparues. Les JO ont toujours été le théâtre de manifestations politiques et de boycotts, notamment en 1980 et 1984. Sur fond d'opposition internationale à l'apartheid, l'Afrique du Sud a été bannie des JO de 1964 à 1992. Le massacre des athlètes israéliens aux Jeux de Munich en 1972 a constitué l'événement le plus tragique. Cette fois, c'est la sprinteuse bélarussienne Krystina Tsimanouskaya qui a fait couler l'encre. Elle a réussi à obtenir l'asile en Pologne, rappelant ainsi l'époque de la guerre froide durant laquelle les athlètes faisaient souvent défection. Les affrontements politiques ont cependant été moindres cette année.

Alors que le dopage avait marqué les JO précédents, notamment ceux de Pékin en 2008 et le scandale du 100 mètres de Ben Johnson en 1988, cette fois, le problème majeur de nombreux athlètes fut la santé mentale. Si les cyniques et les critiques accusent les athlètes d'un manque de résilience, les stars les plus connues, telles que Simone Biles et Naomi Osaka, qui ont parlé ouvertement de leurs problèmes, auront un impact qui dépassera les frontières du monde du sport.

Les athlètes méritent d'être félicités plus qu’ils ne le sont d'habitude. Nombre d'entre eux ont dû adapter leur entraînement en fonction des mesures de confinement et des restrictions. Ils ignoraient si les Jeux se dérouleraient et ils craignaient de contracter la Covid-19 à la dernière minute. Le stress a été énorme.

Pourtant, à l'instar des organisateurs, les athlètes ont tenu leurs promesses. Les médailles d'or et les nouveaux records mondiaux feront parler d'eux à jamais. L'épreuve la plus marquante a sans conteste été le 400 mètres haies. Karsten Warholm a battu son propre record du monde de 0,76 seconde. Sydney McLaughlin a elle aussi pulvérisé le record féminin.

 

Les JO de Tokyo ont donné un coup de fouet bienvenu au moral de la population mondiale. Ils ont montré que nous sommes plus forts quand nous nous unissons.

Chris Doyle

Les sprinteurs jamaïcains continuent de fasciner.

Allyson Felix devient l'athlète féminine la plus décorée de l'Histoire des épreuves olympiques sur piste avec 11 médailles. Quant à Emma McKeon, elle est la première nageuse à remporter 7 médailles en une seule édition des Jeux. Mais le moment le plus marquant de l'esprit sportif est sans doute celui où Mutaz Barshim et Gianmarco Tamberi ont accepté de partager leur médaille d'or au saut en hauteur. 

Les performances spectaculaires ne manquent pas. Pourtant, le véritable esprit olympique se trouvait chez ceux qui ont tout sacrifié pour être là, sans espoir de gloire éternelle. Ils aspirent simplement à vivre la fierté d'être des olympiens.

C'est la deuxième fois que les JO accueillaient une équipe de réfugiés originaires de onze pays, dont la Syrie, l'Irak, l'Afghanistan, le Soudan et le Sud-Soudan. Ces athlètes représentent des millions de personnes contraintes de fuir leur pays.

À l'âge de 16 ans, Sifan Hassan a fui l'Éthiopie pour réaliser l'une des meilleures performances au cours des Jeux: elle a remporté le doublé des 5 000 et 10 000 mètres, ainsi qu'une médaille de bronze sur l’épreuve des 1 500 mètres.

Il convient également de citer Mohammed Hamada, le tout premier haltérophile palestinien à participer à des jeux Olympiques; quelques semaines avant les Jeux, il a dû abandonner les décombres de la ville de Gaza ravagée par les bombardements.

Les JO de Tokyo ont donné un coup de fouet bienvenu au moral de la population mondiale. Il incombera à Paris de suivre cet exemple en 2024. L’esprit olympique s'est élevé. Il a montré que nous sommes plus forts quand nous nous unissons.

 

Chris Doyle est le directeur du Council for Arab-British Understanding, situé à Londres. 

Twitter : @Doylech

NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com